Vers 6, 10 et 20% d'hydrogène dans le gaz : les opérateurs gaziers donnent le tempo
Les opérateurs d’infrastructures gazières français ont présenté le 15 novembre un rapport sur les conditions techniques et économiques d’intégration de l’hydrogène dans les réseaux existants de gaz naturel. Un taux de 6% est envisagé à court terme, 10% en 2030 et jusqu’à 20% au-delà. L'injection d'un pourcentage plus élevé impliquerait selon eux des coûts trop importants, mais d'autres solutions sont envisagées.
Le plan de déploiement de l’hydrogène présenté en juin 2018 par le ministre de la Transition écologique et solidaire d’alors, Nicolas Hulot, demandait aux opérateurs d’infrastructures gazières français d’apporter des éclairages sur les conditions techniques et économiques de l'intégration de l’hydrogène dans les réseaux de gaz naturel. Après un an de travail, les responsables de terminaux méthaniers, transporteurs, stockeurs et autres distributeurs de gaz ont présenté leur rapport au public le 15 novembre.
Les conclusions font apparaître une progression du taux d’hydrogène acceptable au cours du temps. L'idée étant de valider progressivement la tenue des infrastructures existantes à la présence d'hydrogène - certains aciers et équipements ne le supportent pas - et de lever les verrous technologiques restants.
Cartographier les zones accessibles aux 6% d’hydrogène en 2020
A court terme, les auteurs estiment que le réseau actuel est capable de recevoir un mélange de gaz naturel et d’hydrogène à hauteur de 6%. « Mais ce n'est pas faisable partout, nuance Anthony Mazzenga, directeur de l'activité Gaz renouvelable chez GRTgaz. Certains ouvrages dans nos infrastructures, en fonction de leur âge et de leur diamètre par exemple, et certains clients ne peuvent pas accepter ce taux. C’est pourquoi nous recommandons, d’ici fin 2020, d'établir une première cartographie des zones dans lesquelles ce taux pourra être injecté et celles où il faudra être en dessous. »
S’il admet que des barrières subsistent pour atteindre les 6% d’hydrogène, M. Mazzenga est confiant sur la possibilité de les lever à moindres coûts : « Des travaux de R&D ont été lancés et nous trouverons des solutions techniques ou opérationnelles. » Les matériaux représentatifs du réseau sont en cours de caractérisation par Teréga, Storengy et GRTgaz. Ce dernier travaille aussi avec l'entreprise Catalyse pour définir un polymère de protection des canalisations pour les désensibiliser à l'hydrogène.
Le 2 juillet dernier, l’opérateur a également lancé un post-doctorat avec les Mines ParisTech pour mettre au point un procédé de projection de matière à froid visant à améliorer la tenue à l’hydrogène des canalisations de gaz naturel. Des adaptations au niveau des pressions ou des cycles sur le réseau sont également avancées.
Objectif 10% en 2030
Concernant les usages, certaines industries utilisatrices de gaz naturel sont sensibles à la présence d’hydrogène et auront du mal à adapter leurs procédés. De même, les stations de gaz naturel pour véhicules (GNV) ne peuvent accepter un taux de 6% : les réservoirs en acier des véhicules GNV étant sensibles à la présence d'hydrogène, une limitation réglementaire fixe son taux maximum dans les stations GNV à 2%. Une solution envisagée est de séparer l'hydrogène du méthane avant l'arrivée du mélange de gaz chez le consommateur pour lui fournir le niveau de pureté dont il a besoin.
Le rapport fixe un objectif de 10% d’hydrogène à horizon 2030. « Lever les contraintes locales pour passer de 6% à 10% présente des coûts très faibles », assure Anthony Mazzenga. Ces dépenses correspondent notamment au renouvellement de certaines procédures ou de certains équipements comme des chromatographes - qui mesurent la qualité du gaz - afin de les rendre compatibles à un taux de 10%.
Les choses se compliquent après 20%
Passer à 20% d’hydrogène est aussi envisageable au-delà de 2030 selon les auteurs du rapport. « Les coûts sont plus conséquents tout en restant raisonnables », précise M. Mazzenga.
Mais au-delà de 20%, les choses se corsent. « Les coûts deviennent très significatifs, poursuit-il. Il faut remplacer de nombreux équipements et la quasi-totalité des usages. » Pour cette raison, le rapport indique que d'autres solutions doivent être envisagées : construire de nouveaux réseaux d'hydrogène par exemple, ou convertir les réseaux existants au 100% hydrogène, voire utiliser la méthanation pour combiner l'hydrogène et le CO2 afin de faire du méthane de synthèse intégrable dans la chaîne gazière.
Diluer de l’hydrogène « vert » dans le réseau de gaz naturel ne permet pas seulement de décarboner le mix gazier en substituant une partie de la ressource primaire fossile par une molécule produite à partir d’énergies renouvelables. « Les enjeux sont aussi économiques, précise Anthony Mazzenga. Certains souhaitent avoir accès au réseau de gaz naturel pour valoriser un surplus d’électricité renouvelable en y injectant de l'hydrogène produit avec un électrolyseur. »
Enfin, ajoute-t-il, les mélanges d’hydrogène et de méthane produits intrinsèquement par des installations de pyrogazéification de déchets ou de biomasse pourraient également être injectés dans le réseau de gaz naturel.
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