Verdissement de la commande publique : le décret est publié
Publié plusieurs semaines après son entrée en vigueur théorique, ce décret de la loi Agec augure de nombreuses difficultés d’application. Analyse de Thierry Charles, directeur des Affaires publiques de Polyvia.
En application des dispositions de l’article 58 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec), le décret n° 2021-254 du 9 mars 2021 relatif à l’obligation d’acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées a été publié le 9 mars 2021.
État et collectivités territoriales doivent désormais montrer l’exemple en privilégiant dans leurs achats les biens issus des filières du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage.
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En effet, dans le but d’accroître la part des achats issus de l’« économie circulaire » dans la commande publique et ainsi renforcer le principe selon lequel la commande publique tient compte de la performance environnementale des produits, le décret fixe la liste des produits et, pour chacun d’eux, la part minimale des achats publics qui doit être issue des filières du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage.
Outre l’absence de concertation, il ne faut pas minimiser les difficultés techniques et conceptuelles que ne manquera pas de soulever ce nouveau décret pour la filière et notamment sur les points suivants :
- L’absence de concertation :
Il a notamment été demandé que les jouets soient supprimés de la liste pour des raisons de sécurité aussi bien sur le réemploi que la matière première secondaire [MPS], dans la mesure où ce décret vient en complète opposition avec le « Plan national Santé-Environnement 4 » (PNSE 4), et la « Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens » (SNPE 2), tant en ce qui concerne la présence de substances dangereuses (MPS) qu’au regard des exigences de la directive relative à la sécurité des jouets).
- Le calendrier :
Que pensez de la date de publication pour un texte qui est entré en vigueur le 1er janvier 2021 !
- Les proportions minimales fixées par produits ou catégories de produits :
Les proportions minimales fixées par produits ou catégories de produits acquis sont exprimées en pourcentage du montant total hors taxes de la dépense consacrée à l’achat de chaque produit ou catégorie de produits au cours de l’année civile. Autrement dit, en fonction de l’évolution des couts matières vierges ou recyclées dans le temps, les cahiers des charges des appels d’offre, puis le suivi au moment des livraisons, devront être remis en cause !
- Certificats de concentration de recyclé dans des pièces plastique :
La méthodologie de détermination de la teneur en matières recyclées n’étant pas précisée, les industriels ou importateurs des produits vont avoir des difficultés pour garantir la teneur réglementaire en matières recyclées (et tout particulièrement sur les taux d’incorporation de plastique recyclé).
Les services de l’État concernés et les collectivités territoriales devront déclarer à l’Observatoire économique de la commande publique la part de leur dépense annuelle consacrée à l’achat de ces produits, selon des modalités qui seront fixées par arrêté.
Enfin, il est prévu qu’au plus tard le 31/12/22, les ministres en charge de l’environnement et de l’économie établissent le bilan de la mise en œuvre du décret au regard des impacts sur l’environnement, sur l’évolution des pratiques des acheteurs et des fournisseurs et sur la situation économique des différentes filières productrices des biens concernés.
Ce bilan analyse l’opportunité d’une évolution de la liste des produits ou des catégories de produits et des proportions minimales fixés en annexe du présent décret.
Cela risque d’être un bilan mitigé car s’il fait état d’une démarche qui s’inscrit bien dans la feuille de route de la loi Agec (et dont le projet de loi Climat et Résilience prévoit de poursuivre le verdissement de la commande publique) le décret met d’ores et déjà en lumière la persistance de nombreuses difficultés à venir.
Thierry Charles Directeur des Affaires Publiques & Compliance de Polyvia Docteur en Droit Membre du « Cercle Montesquieu »