"Vallourec n’est pas malade, il s’adapte", affirme Philippe Crouzet, son PDG

Vallourec a annoncé le 29 avril 2000 suppressions d'emplois en Europe dont 550 en France, et la cession de son acierie de Saint-Saulve (Nord). Il y a deux mois dans un entretien accordé à L'Usine Nouvelle, Philippe Crouzet, le PDG de l'entreprise parapétrolière expliquait ses difficultés et ses besoins d'adaptation face à la chute brutale des cours du pétrole. En 2014, Vallourec a affiché une perte de 924 millions d’euros, due principalement à une dépréciation d’actifs de plus d’un milliard d’euros au Brésil et en Europe. En réponse, le groupe diminue ses investissements pour 2015. Ces suppressions de postes entrent dans le plan d’économies de 350 millions d’euros sur deux ans prévu par l'entreprise pour encaisser le choc.

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L'Usine Nouvelle - Comment vivez-vous cette période de prix très bas du pétrole ?

Philippe Crouzet - Personne n'a vu venir cette baisse et personne n'aurait pu imaginer sa violence. Il n'y a pas beaucoup de précédents. Nos clients, les pétroliers, revoient leurs plans d'investissements et suspendent certains projets. Nous nous adaptons à leur adaptation ! A court terme, nous jouons sur la flexibilité comme l'intérim ou les heures supplémentaires. Nous mettons temporairement à l'arrêt certains actifs comme successivement chacun de nos deux laminoirs américains. L'anticipation que nous faisons est que cela nous conduira, en 2015, à réduire de 15% nos heures de travail dont 7% par une réduction d'effectifs.

Notre dossier : Avec les cours du baril en chute libre, l'industrie pétrolière doit se réinventer

Dépréciation d'actifs, économie de 350 millions d’euros, baisse d’investissements, 1400 postes supprimés... Vallourec est-il malade ?

Non. Vallourec opère dans un environnement qui change vite. Et nous changeons aussi. Le plan de compétitivité sera mis en place sur deux ans, ce qui est extrêmement rapide. En vérité, nous avons commencé à nous transformer avant même la chute de baril. Dès la fin de la décennie 2000, nos clients pétroliers ont constaté une dégradation de leurs retours sur capitaux employés malgré un prix élevé du baril. Cela est dû au besoin d‘aller chercher des pétroles plus difficiles à trouver et plus complexes à extraire. Ce phénomène a demandé à l’ensemble de la chaine de fournisseurs de se remettre en question.

Vallourec opère dans un environnement qui change vite. Et nous changeons  aussi. Le plan de compétitivité sera mis en place sur deux ans, ce qui est extrêmement rapide.

Vous diminuez vos investissements de 100 millions d’euros sur les 450 millions d’euros prévus. Quels projets seront affectés?

Au niveau des usines, nous avons changé notre façon de travailler. Jusqu’à maintenant, des enveloppes d’investissement étaient octroyées aux usines mais le retour sur investissement n’était pas suffisamment évalué. En travaillant plus étroitement avec les directeurs de site, nous allons mettre en oeuvre des solutions plus optimisées. Par exemple, plutôt que d’investir dans un nouvel équipement, un réaménagement de flux permettra d’aboutir au même résultat. En ce qui concerne les grands investissements décidés au siège pour des nouveaux équipements, des nouveaux établissements ou de nouvelles lignes, nous avons noté que nous donnions des approbations parfois trop tôt, sans être allés assez loin en matière d'ingénierie. Or c’est au terme de ce travail que l’on sait vraiment le coût d'un projet. Nous mettons donc plus de moyens « pour voir » et pour, au final, sélectionner des investissements plus rentables.

Cela demande de renforcer votre ingénierie ?

Non, cela implique de donner à notre ingénierie plus de responsabilités. Avant elle n’était qu’une ingénierie d’exécution. Maintenant, elle intervient plus tôt dans l'évaluation des propositions des opérationnels.

Est-ce que Vallourec pourrait participer au mouvement de consolidation qui touche le secteur pétrolier et parapétrolier ?

Pour le moment, il y a eu un seul grand mouvement de consolidation, initié d’ailleurs avant la chute des cours du baril : la fusion entre Haliburton et Baker Hughes. Or, elle n’est pas représentative de ce qui peut se passer ailleurs. Ce rapprochement a pour moteur la complémentarité des offres de services des deux groupes, en plus des économies de frais de structures. Le métier de Vallourec, celui des fabricants de tubes est une activité de niche où le nombre d'opérateurs est très limité. Les rapprochements sont soumis à la contrainte de conformité aux règles de concurrence.

Vous êtes également présent sur le marché nucléaire, qui est assez difficile depuis Fukushima...

Ce marché n’est pas mauvais pour nous. Il est modeste mais à l’intérêt d’être technologique, de plus en plus technologique même. C’est un avantage car nos références techniques sont à peu près sans équivalent. Ce marché a été secoué après Fukushima mais assez peu de pays ont renoncé à l’atome, parmi lesquels l’Allemagne, l’Italie et la Suisse. Et encore, pour eux, ce n’était pas vraiment une surprise. Les pays historiquement nucléaire le restent, durcissent leurs standards et prolongent la durée de vie de leur réacteur. Et surtout de nombreux pays émergents, producteur de pétrole, s'intéressent à l’atome pour préparer l’après or noir.

La ministre Ségolène Royal a déclaré, dans L’Usine Nouvelle, être en faveur du grand carénage d’EDF et de la construction de nouveaux réacteurs. C'est important pour vous ?
Avant tout, c'est important pour la France. Sans le grand carénage, nous aurons un problème majeur d'approvisionnement électrique. Concernant Vallourec, vous savez que nous fournissons notamment des tubes pour générateurs de vapeur. Pour prolonger la durée de vie des réacteurs, ils nécessitent d’être entièrement remplacés. Pour nous, c’est donc comme si tout le programme nucléaire recommençait !

Les compétences industrielles de fabrication et d'assemblage d'Areva sont absolument intactes !

L’un de vos principaux donneurs d’ordres, Areva, connait d’importants problèmes. Cela vous inquiète ?

Ma perception est que les compétences industrielles de fabrication et d'assemblage d'Areva sont absolument intactes ! Elles restent parmi les meilleures, si ce n'est les meilleures, au monde. Ils ont manifestement un problème de bilan et peut-être de capitalisation. Mais il faut garder à l’esprit qu’Areva demeure un client et un partenaire essentiels pour nous et pour l'ensemble de l'industrie nucléaire mondiale.

Aux cotés d’autres industriels, vous faites partie des pères fondateurs du Centre Hydrocarbures Non Conventionnels (CHNC), outil d‘information sur le gaz de schiste en France. Quel est votre but ?
Nous tous, opérateurs français de la filière pétrolière et gazière, nous connaissons très bien le marché des huiles et gaz de schiste. Nous opérons tous en Amérique du Nord comme fournisseurs de premier rang. Nous maîtrisons vraiment les enjeux, les risques, les atouts, les précautions à prendre, les solutions techniques existantes. Or lorsque nous échangeons, nous trouvons incroyable l'écart qui existe entre notre quotidien et certaines composantes du débat français… si tant est qu'il y ait débat. Notre responsabilité d'industriels est d‘agir, si nous considérons que ce qui est dit est inexact ou incomplet. Surtout s’il y a un enjeu pour le pays en matière d'indépendance énergétique et de réduction du déficit de la balance commerciale ! Ce que l’on peut faire de mieux c'est partager notre savoir, notre expertise avec tous ceux qui veulent un débat honnête et équilibré.

Vous pensez vraiment pouvoir peser sur le débat en France ?

La priorité est de bien connaître le sujet sur les plans technique et économique. C'est à dire : est-ce qu'il existe une ressource et est-il économique de l'exploiter? Ce qui est sûr, c'est qu'aujourd’hui, à 50 dollar par baril, c'est moins attractif. Or, C'est précisément à ce moment, où il y a moins d'enjeu, que l’on peut peut-être renouer avec un débat plus calme afin d’évaluer l'intérêt du sujet, les risques à considérer, les précautions à prendre. D'autres pays l’ont fait très bien comme la Grande-Bretagne.

Propos recueillis par Ludovic Dupin

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