Uniper vend ses centrales électriques françaises... A qui la faute?

Le 24 décembre, Uniper est entré en négociation exclusive avec l’énergéticien tchèque EPH pour la cession de tous ses actifs en France, dont deux des centrales à charbon qui doivent fermer d’ici à 2022. Et ce n’est pas forcément une bonne nouvelle, hormis peut-être pour Total.

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Uniper vend ses centrales électriques françaises... A qui la faute?
Le repreneur EPH des actifs français d'Uniper doit céder à Total les deux unités gaz de Saint-Avold (Moselle).

En même temps… il fallait s’y attendre. Comme François Hollande avec la centrale nucléaire de Fessenheim en 2012, en annonçant pour des raisons d’affichage politique la fermeture des centrales électriques à charbon d’ici à 2022 sans en avoir fixé le cadre légal, Emmanuel Macron a pris un risque. Celui que ces fermetures se passent mal, coûtent cher, voir traînent en longueur, et que l’Etat trouve face à lui des acteurs plus coriaces qu’EDF ou l’ex Charbonnage de France, Uniper France.

Et c’est ce qui est en train de se passer. Non seulement des problèmes de sécurité d’approvisionnement en Bretagne risquent

d’obliger l’Etat à autoriser EDF à prolonger une ou plusieurs unités de charbon converties en partie à la biomasse à Cordemais (Loire-Atlantique), mais il va devoir négocier la fermeture des unités de Saint-Avold (Moselle) et Gardanne (Bouches-du-Rhône) non plus avec Uniper France, mais avec le tchèque EPH du milliardaire Daniel Kretinsky (prioritaire de l’hebdomadaire "Marianne" et actionnaire du quotidien "Le Monde"), sixième énergéticien européen. L’allemand Uniper a en effet annoncé le 24 décembre être entré en négociations pour lui céder tous ses actifs en France.

Une annonce politique

"Si tout va bien [la cession] pourrait aboutir courant premier semestre 2019", avance Luc Poyer, le président d’Uniper France. Optimiste, selon lui, EPH n’envisage pas de démanteler l'entreprise, mais "de la développer". Reste que son projet n’a pas encore été présenté aux instances représentatives du personnel et à l’administration. On sait juste qu’un accord a été passé avec Total pour une reprise en 2020 des deux unités gaz de 420 MW de la centrale Emile Huchet à Saint-Avold (Moselle), où le pétrolier est déjà implanté.

Alors certes, fermer les cinq dernières unités de production d’électricité à partir de charbon en France (3 chez EDF et 2 chez Uniper France) va permettre de réduire de 8% à 5% la part du thermique dans la production d’électricité d’ici à 2035. A l’international, après la loi hydrocarbure mettant fin à l’exploitation d‘énergies fossiles sur le sol français d’ici à 2040, sortir du charbon est un nouveau signal fort de l’engagement de la France dans la transition énergétique. Même si en terme d’efficacité, cela reste anecdotique, et que cela n'a "qu’un impact mineur sur les émissions de gaz à effet de serre du pays", estime un document public d’Uniper datant de juillet 2018.

Pas de cadre légal

Pour les acteurs concernés, EDF et Uniper, cela n’a en revanche rien d’anodin. Surtout pour Uniper France, pour lequel la fermeture de ses deux unités charbons de 600 MW à Gardanne-Meyreuil (Bouches-du-Rhône) et Saint-Avold, signifie la suppression de 200 emplois et l’arrêt de la moitié de ses capacités de production en France. La filiale de l’allemand Uniper opère en effet, outre les deux tranches de centrales au gaz promises à Total, une unité biomasse de 150 MW fruit d’une reconversion d’une unité charbon à Gardanne, ainsi que six parcs éoliens et deux centrales photovoltaïques d’une capacité cumulée de 90 MW.

Alors que ces fermetures étaient déjà annoncées dans le plan climat présenté en juillet 2017, lorsque Emmanuel Macron les a confirmées le 27 novembre dernier lors de son discours présentant la feuille de route énergétique (PPE), il n'y avait toujours aucun cadre légal fixé. "L’annonce répétée a eu des conséquences majeures sur l’entreprise. Elle a changé la donne stratégique pour nos actionnaires. Et elle a compromis les efforts réalisés pour décarboner les actifs", observe le président d’Uniper France.

Des investissements à sauver

Ce dernier rappelle que lorsqu’elle était encore filiale de l’énergéticien allemand Eon, l’ETI avait décidé de fermer cinq unités charbon sur sept et investi près d’un milliard d’euros dans une unité gaz et la conversion à la biomasse d’une unité charbon à Gardanne. "Sur la période 2008-2016, on a permis de réduire de 7,5% les émissions de CO2 en France", a rappelé Luc Poyer. Pour une entreprise de moins de 500 salariés, qui ne produit que 2% de l’électricité en France, c’est beaucoup. D’autant plus que l’unité biomasse, construite en réponse à un appel d’offre de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), rencontre des problèmes d’approvisionnement local.

Anticipant une situation chaotique, dès l’été 2018, la maison mère allemande Uniper a décidé "de lancer une revue stratégique sur ses actifs français et de n’exclure aucun scénario", raconte Luc Poyer. Conclusion de l'exercice : Uniper a décidé de jeter l’éponge et cherché un repreneur. Or EPH n’a pas la réputation de se préoccuper beaucoup de transition énergétique. Le repreneur devrait néanmoins reprendre à son compte l’appel à initiatives d’Uniper France lancé en novembre pour développer d’autres activités industrielles sur ses sites de Saint-Avold et Gardanne dans une logique d’économie circulaire. Une cinquantaine d’idées avaient été remontées pour créer des synergies entre filières bois et filières énergie.

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