Une transition énergétique peut en cacher une autre
Une première étape du débat français sur la transition énergétique vient de s’achever, le 23 mai. Aucun consensus ne semble émerger, chacun campant sur ses idées.
Mis à jour
24 mai 2013
Attention ! La transition énergétique n’est pas toujours celle que l’on croit. De l’autre côté du Rhin, l’arrêt du nucléaire se traduit par le grand retour du charbon. Et quel charbon ! Pour répondre à ses besoins en électricité, l'Allemagne exploite le lignite (abondante dans le bassin rhénan). Cette énergie fossile est sans doute l’une des plus "sales" qui soient avec un bilan carbone de 1,1 kg de CO2 par mégawattheure (MWh). Là où la houille affiche 0,9 kg et le gaz seulement 0,4 kg. Si elle s’impose, c’est évidemment parce qu’elle est bon marché. Le coût du MWh charbon est deux fois moins élevé que celui du MWh gaz, notamment sous l’effet des importations massives de charbon américain, privé de débouchés localement à cause de la montée en puissance des gaz de schiste. Conséquence : l’Allemagne, qui avait réussi à baisser ses émissions de gaz à effet de serre de 25 % depuis 1990, a vu celles-ci remonter de 1,6 % en 2011. Drôle de bilan pour un pays qui se rêvait, après Fukushima, en fer de lance de la "green économie".
La transition des petit pas
À l’heure où la France achève la première phase de son débat sur la transition énergétique, elle ferait bien de méditer les leçons du cas allemand. Comprendre qu’une vision énergétique, aussi pure soit-elle (comme la sortie du nucléaire), peut avoir des effets induits qui vont finalement à l’encontre des objectifs poursuivis initialement. Se dire et se répéter que les seules énergies renouvelables ne suffiront jamais à couvrir tous nos besoins, en tout cas tant que nous n’aurons pas mis au point des technologies de stockage fiable, efficace et rentable. Cela veut dire qu’il faut accepter, du coup, d’avancer par étapes, de faire le deuil du grand soir énergétique et de troquer, petit à petit, nos énergies carbonées par des sources plus environnementalement correct (préférons le gaz au charbon !). Ce n’est que par cette politique des petits pas que nous pourrons vraiment faire évoluer notre mix énergétique.
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Gare aux bonnes intentions
Tout cela doit se traduire très concrètement dans le débat actuel par l’abandon de posture idéologique et stérile. Chacun des partis, et notamment les organisations environnementales, doit adopter une attitude pragmatique, négocier des compromis avec les particuliers (qui ne sont pas prêts à se sevrer d’électricité brutalement) et surtout avec les industriels (qui ont absolument besoin d’une énergie bon marché pour maintenir leur production en France). Faute de quoi, la France pourrait s’engager dans une stratégie énergétique en trompe-l’œil où les mesures prises pour la mener à bien favoriseraient des sources fortement émettrices en CO2. Comment dit-on déjà ? L’enfer est pavé de bonnes intentions ? La transition énergétique pourrait l’être aussi.
Thibaut De Jaegher
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