« Une meilleure aération diviserait par 5 la probabilité de contamination et pourrait nous permettre de juguler l’épidémie », assure le physicien Bruno Andreotti
L'importance de la contamination par voie aérienne au SARS-CoV-2 ne fait plus guère de doute. Mais les moyens tardent à se mettre en place pour parer à cette transmission par aérosol, ces microgouttelettes en suspension dans l'air. Bruno Andreotti, professeur de physique à l’Université de Paris Diderot, mène avec d’autres volontaires une réflexion sur le sujet. Il livre à Industrie & Technologies les solutions les plus pertinentes.
En juillet dernier, l’OMS déclarait prendre en considération « des preuves émergentes » de la contamination par voie aérienne au SARS-CoV-2. Y-a-t-il aujourd’hui un consensus scientifique autour de cette question ?
Sans parler d’un véritable consensus, il y a un faisceau de présomptions suffisant important pour que l’on tienne compte de la transmission par aérosolisation du virus. Il y a aujourd’hui une vingtaine d’articles sur le sujet.
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D’un côté nous avons des études de cas dans lesquelles des contaminations dans des chorales, des bus, des bars, sont examinées. La plupart sont des événements dits de « super-spreading », dans lesquels un malade contamine plusieurs dizaines autres personnes. Ces cas pointent vers une concentration élevée de microgouttelettes porteuses de particules virales et qui restent en suspension dans l’air.
Ensuite, il y a des articles qui évaluent la concentration de particules virales dans différentes classes de gouttes. Les plus petites gouttes sont porteuses de moins de virus, ce qui signifie qu’en tenant compte de l’effet de dose, il en faut plus pour contaminer un groupe de personnes. Et enfin, il y a des études sur des animaux modèles – des furets principalement - qui servent à comprendre les maladies respiratoires. Ils ont été utilisés pour les coronavirus précédents. Ces études permettent d’évaluer la contamination des animaux par classe de gouttes. Nous avons une idée en ce qui concerne les virus précédents mais pour le moment nous n’avons pas une idée précise pour le SARS-CoV-2.
Mais Il y a aussi des faits non scientifiques, remontés lors des enquêtes de cas contact. Dans 4 cas sur 5, les gens ne savent pas par qui ils ont été contaminés. Ils ont été contaminés dans des lieux publics clos alors qu’ils étaient masqués.
Ces éléments devraient nous inciter à intégrer davantage ce mode de transmission dans notre stratégie de lutte contre l’épidémie.
Quelles conclusions pouvons-nous déduire de cet état des lieux ?
Que L’aération des lieux clos est cruciale dans la lutte contre le covid-19. L’air se chargeant peu à peu de particules virales provenant de la respiration des personnes infectées – même en portant un masque - il faut le remplacer par de l’air frais. Depuis le début du mois d’octobre, le gouvernement français a introduit l’aération dans ses fameux gestes barrières pour ralentir la propagation du SARS-CoV-2, avec pour consigne d’aérer les pièces pendant 10 minutes, 3 fois par jour. C’est un début, mais c’est très probablement insuffisant. En réalité, nous manquons d’informations : nous ignorons à partir de quelle concentration de virus dans l’air celui-ci est véritablement contagieux.
Comment peut-on agir concrètement pour réduire les contaminations par aérosol ?
Une des solutions serait de faire comme en Allemagne, où 500 millions d’euros ont été débloqués pour la révision des ventilations mécaniques. Il faut moderniser les systèmes existant, notamment en installant des VMC double flux, qui aspirent l’air vicié par le plafond et le remplacent par de l’air frais issu de l’extérieur, préalablement réchauffé au moyen d’un échangeur thermique.
Le flux d’air contaminé, en passant au-dessus des têtes des personnes présentes dans la pièce, réduit significativement la probabilité de contamination. L’air transite par un filtre avant d’être rejeté à l’extérieur. Ces installations pourraient être généralisées dans des lieux susceptibles d’accueillir du monde, comme les salles de classe ou à l’Université. Il faudrait pouvoir pousser ces systèmes au maximum.
Une autre solution, moins coûteuse, est de mesurer la concentration de CO2 d’une pièce au moyen d’un capteur. Cela permet de quantifier la ventilation d’une pièce et de mesurer l’effort à fournir pour assainir l’air. C’est un dispositif abordable : un capteur de CO2 coûte une dizaine d’euros si on le monte et une commande d’Etat pourrait réduire le coût à 5 euros environ.
Quel est l’efficacité d’un tel dispositif ?
L’idée est de réduire la concentration de CO2, exprimé en particule par millions (ppm), afin de réduire d’un facteur important le taux de contamination. Le passage d’une concentration de 1500 ppm de CO2 à 650 ppm correspondrait à un renouvellement suffisant de l’air d’une pièce tout en gardant un certain confort. Nous avons calculé que cela abaisserait d’au moins un facteur 5 la probabilité d’infection. A titre d’exemple, la généralisation du port du masque nous a permis de réduire d’un facteur 3 le taux de reproduction du SARS-CoV-2.
Depuis le début de l’automne nous sommes à un taux de reproduction (R) qui se situe entre 1,3 et 1,5. Pour atteindre un R inférieur à 1, qui mettrait l’épidémie sur la pente décroissante, il nous faut donc gagner en gros un facteur 1,5. Pour que ça décroisse significativement et rapidement, il faut qu’on tombe à un R autour de 0,5, soit un facteur 3 à gagner.
Dans ce contexte, une aération maîtrisée dans les lieux accueillant du monde constitue une piste importante, complémentaire aux autres, pour juguler l’épidémie.
Quelles actions supplémentaires pourraient être mise en œuvre par le gouvernement français ?
La question de l’aération a mis beaucoup de temps à faire son chemin jusqu’aux sphères de l’exécutif, mais ils ont désormais le dossier sur leur bureaux. Il faudrait dorénavant adopter une démarche analytique et rationnelle. Nous devons quantifier et documenter le phénomène.
Pour cela, le gouvernement doit impérativement adopter un esprit scientifique, car les chercheurs savent composer avec les incertitudes et les interrogations. Cela fait partie de leur quotidien. Sur ce point, nous pouvons tout de même saluer l’approche d’Outre-Rhin, où les dirigeants ont fait un travail remarquable pour assimiler la parole scientifique et la restituer à la population. Cela n’a pas été le cas en France jusqu’à présent.
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