Une chimie hyper-durable en 2050
Tout en continuant de croître en volume et en valeur, la production chimique européenne n'a cessé de perdre du poids dans le jeu mondial. Longtemps numéro un, elle ne représente plus que 15,6 % du marché mondial, à peine devant les États-Unis qui investissent à fond dans la pétrochimie (13,4 %) et loin derrière la Chine qui trône à 37 %. Et les lignes pourraient encore bouger en notre défaveur sachant que l'Amérique du Nord et la région du golfe Persique ne sont pas prêtes de perdre leur avantage concurrentiel apporté par une matière première abondante et à bas coût. De même que nous ne rivaliserons plus jamais avec la Chine en termes de nombre d'ingénieurs que l'on sera capable de former. Comment réagir face à une telle perte d'influence ? Fort heureusement, l'industrie chimique européenne y réfléchit depuis 2017. Elle a consulté quelque 300 parties prenantes et par la voix du Cefic publie, ces jours-ci, un rapport, intitulé « Molecule Managers », dont le cahier des charges a été de proposer une vision à 2050 - un horizon pas si lointain pour une industrie qui réfléchit au minimum à l'échelle de la dizaine d'années pour ses cycles d'investissement.
En résumé, le rapport explique que « l'industrie chimique européenne doit trouver sa propre voie », en lien avec les attentes des investisseurs, de ses collaborateurs, de la société en général qui aspirent à un monde « plus propre, plus sain et plus inclusif, où la transition vers la neutralité climatique sera socialement juste et équitable ».
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Et c'est ainsi que l'industrie chimique en Europe devrait se transformer en championne incontestée de la durabilité et des technologies vertes. Tout porte à croire qu'elle deviendra « moteur » en matière d'économie circulaire. Le carbone encore utilisé dans les processus industriels sera en grande partie capturé, réutilisé et recyclé, devenant une matière première précieuse pour l'économie circulaire. Presque tous les produits seront recyclables par conception. Les sources d'énergie renouvelables et autres sources à faibles émissions de carbone devraient remplacer environ les deux tiers des combustibles fossiles, avec un objectif ultra-ambitieux pour l'Europe qui sera celui d'atteindre le zéro émission carbone. De son côté, l'industrie chimique pense pouvoir réussir le tour de force d'une réduction de 80 % de ses gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990, malgré sa croissance. Dans le même temps, on devrait assister à une montée en puissance du numérique. Le big data, l'intelligence artificielle, la maintenance prédictive et la gestion de procédés par les données devraient transformer en profondeur l'industrie. Tandis que la technologie blockchain offrira une transparence totale et permettra de suivre l'évolution des molécules issues de la chimie, du berceau à la tombe.
Enfin, on aura sans doute du mal à reconnaître l'industrie chimique, tant elle sera ouverte sur tout un réseau européen d'acteurs dans l'énergie, l'acier, les déchets, le recyclage... Des collaborations à construire en plus des interactions qu'elle a déjà engagées avec son aval, c'est-à-dire ses propres clients ou les clients de ses clients. Aussi, je ne peux que vous recommander la lecture de ce rapport. Le Cefic compte sur nous pour challenger ses scénarios pour ne manquer aucun nouveau défi, aucune nouvelle opportunité. Mais la fédération compte aussi sur l'Europe, et sa capacité à mettre en place un cadre législatif, pour concrétiser ces ambitions dans une compétition mondiale qui n'a pas de raison de se tarir.