Une alliance inattendue aux manettes de l’inversion de la courbe du pétrole
L’accord de réduction de la production, qui lie désormais 21 pays membres et non membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, a fait bondir le cours du baril. Un consensus non énoncé s’installe pour maintenir celui-ci au-dessus du seuil des 60 dollars jusqu’à ce que l’équilibre offre-demande soit rétabli. Aux commandes de ce large accord, on retrouve une alliance inattendue entre la Russie et l’Arabie saoudite.
Cette fois, c’est fait. L’accord survenu le 10 décembre à Vienne, qui ajoute 11 producteurs de pétrole non membres de l’Opep aux 10 exportateurs du cartel pétrolier s’étant engagés à réduire leur production, a fait bondir le cours du baril de Brent au-dessus des 55 dollars. A plus de 57 dollars, le pétrole de référence de la mer du Nord a retrouvé son niveau de novembre 2015. Il ne devrait pas s’arrêter là, ce niveau restant trop bas pour relancer les investissements des compagnies pétrolières. Or, une reprise de l’investissement en exploration-production est indispensable pour éviter un futur choc pétrolier lorsque la demande, en hausse, aura dépassé l’offre.
A la réduction de 1,2 million de barils par jour annoncée par l’Opep le 30 novembre, qui concerne tous ses membres sauf l’Indonésie (suspendue), la Libye et le Nigeria (dispensés) et l’Iran (qui bénéficie d’un sursis de 90 000 barils), s’ajoute désormais celle de 558 000 barils décidée par un groupe de pays non-membres du cartel mené par la Russie (-300 000 barils). S’y sont joints le Mexique, le Kazakhstan, la Malaisie, Oman, l'Azerbaïdjan, Bahreïn, la Guinée équatoriale, le Soudan du Sud, le Soudan et Bruneï. Cet engagement des pays tiers constituait une condition à la mise en œuvre de l’accord de l’Opep, qui refusait de payer seule le prix de l’émergence des producteurs d’huiles de schiste américains en plein ralentissement de la croissance chinoise.
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Opposés en Syrie, alliés dans le pétrole
Aux manettes de ce large accord, on retrouve deux pays dont les intérêts divergent sur la scène politique internationale, mais dont les portefeuilles présentent des similitudes : l’Arabie saoudite et la Russie. Alors que la Russie de Vladimir Poutine soutient sans condition le dirigeant syrien, Riyad a été à de nombreuses reprises accusée de n’être pas assez sévère avec les terroristes en Syrie. Tout dépend, bien sûr, de l’acception de ce qualificatif, que Moscou, tout comme Téhéran, l’ennemi intime de Riyad, appliquent à l’ensemble des opposants à Bachar al-Assad. Opposés sur la réponse à donner à la situation syrienne, les deux pilotes de l’accord se sont tout de même entendus sur unautre terrain: la nécessité de soutenir leur principale source de revenus, le pétrole.
En Russie, les hydrocarbures représentent près d’un tiers du PIB et la moitié des revenus de l’Etat. En réalité, l’accord ne devrait pas coûter bien cher à Moscou, qui compensera la baisse des volumes par la hausse des prix, sachant que sa production vient de battre un nouveau record et que la coupe intervient donc sur une base extrêmement élevée. Même après la réduction promise de 300 000 barils, le pays produira plus de pétrole qu’en 2015. L’Arabie saoudite, elle, dépend du pétrole pour 80% de son budget, 90% de ses revenus d’exportation et presque la moitié de son PIB. Les deux pays ont vu se dégrader leur situation économique au gré de la chute des cours du pétrole. En réponse, Riyad a lancé sa diversification économique, tandis que Moscou consentait à privatiser 19,5% de sa compagnie pétrolière Rosneft, cédés au fonds souverain du Qatar et au géant du négoce en matières premières Glencore. Mais cela ne suffira pas, et les deux alliés ont trouvé un terrain d'entente en menant, l'un en interne à l'Opep et l'autre à l'extérieur, une campagne diplomatique pour arriver à cet accord hisorique.
Accord historique, ou bluff historique?
Reste à savoir si l'un et l'autre tiendront leur promesse. C'est la question que posent les analystes de Commerzbank dans une note intitulée "Accord historique ou bluff historique?" Il faut reconnaître que tous les producteurs qui en avaient la capacité ont fortement augmenté leurs volumes de production ces derniers mois, et que le cartel pétrolier a une longue histoire de non-respect des quotas qu'il s'est lui-même alloués. L'Arabie saoudite, qui annonçait dès septembre un accord intra-Opep sur une réduction de production, augmentait encore la sienne au mois de novembre. Reste aussi à mesurer la vitesse à laquelle les producteurs américains de pétrole de schiste réactiveront leurs appareils de forage, dont le décompte par Baker Hugues a déjà entamé sa remontée pour atteindre son plus haut niveau depuis janvier 2016.
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