Un principe d’innovation dans la constitution, est-ce bien raisonnable ?

Un projet de loi constitutionnelle visant à inclure un principe d’innovation en face du principe de précaution, est à l’étude. Et fait - forcément - débat. Car l’innovation est surtout affaire de culture. Une loi suffira-t-elle à la changer ?

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Un principe d’innovation dans la constitution, est-ce bien raisonnable ?

Le principe de précaution a bon dos. Pour beaucoup, il sert d’excuse aux piètres performances en matière d’innovation de la France. Qui stagne, il est vrai, au milieu des classements internationaux… Sauf pour l’innovation technologique, valorisé par les brevets, où là, la France tient sacrément bien son rang. Le principe de précaution, inscrit dans la constitution dans la Charte pour l’environnement, bride-t-il donc tant l’innovation en France, qu’il faille lui opposer un principe d’innovation, dans cette même constitution ?

La mission Innovation 2030, dirigée par Anne Lauvergeon est en tout cas arrivée à cette conclusion. "Les Français sont tellement attachés au principe de précaution, qu’il est illusoire de penser à le retirer de la constitution. En revanche, on pourrait lui opposer un principe d’innovation", explique-t-elle. Une proposition de loi constitutionnelle est même déjà rédigée. Et fait l'objet d’auditions à l’assemblée, le 5 juin 2014. Car si l’idée est séduisante, elle fait débat.

Pour le sénateur Bizet par exemple, rapporteur d’un avis sur ce projet de loi, "le principe de précaution est aussi un principe d’innovation". Il rappelle les débats passionnés de 2004 et 2005, avant son inscription dans la constitution, et vante un texte équilibré. Il reconnait toutefois qu'après près de dix ans, "le bilan de l’application de ce tout nouveau principe constitutionnel laisse apparaître des limites". Il invoque "une interprétation souvent excessive, voire déraisonnable, des dérives, mais aussi des difficultés concrètes dans son application". Mais le Sénateur Bizet milite pour son maintient, considérant "qu’un meilleur encadrement est aujourd’hui indispensable" et que "le principe de précaution est aujourd’hui indissociable d’un principe d’innovation."

Un idée du "progrès absolu" paralysante ?

L’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST), va plus loin pour justifier la nécessité d’un principe d’innovation. Il invoque la faiblesse des politiques et une certains idée du "progrès absolu" à la française comme freins à l’innovation en France ! Et argue qu’en France, "aucune structure politique stable du Gouvernement ne prend en charge l’innovation", et qu’un principe d’innovation permettrait de "corriger cette faiblesse étonnante de l’innovation longtemps masquée par l’idéologie du progrès". Considérant au passage les affaires des OGM et des Gaz de Schiste comme mineures.

Pour l’OPECST, le principe d’innovation devra à la fois "définir le cadre général de l’innovation en France, de l’action des pouvoirs publics et du développement des entreprises innovantes des Français", mais aussi être protecteur pour les innovateurs. Le spectre d’un statut d’innovateur défendu notamment par Patrice Noailles, Président du Forum des Politiques d'Innovation, n’est pas loin. Même si ce statut ajouterait surement encore de la complexité administrative, alors que tous réclament surtout de la simplicité !

La commission "Lauvergeon" a elle aussi défini les bases d’un principe d’innovation : il devrait "reconnaître que l’innovation est essentielle au succès économique, accorder un accueil favorable à la nouveauté, simplifier les procédures, encourager l’expérimentation, alléger les normes, consacrer une part significative des commandes publiques à des propositions innovantes, faire preuve de constance dans les politiques publiques, valoriser la prise de risque et son corollaire, l’échec, dans le système éducatif, etc." N’en jeter plus !

Liberté, égalité, fraternité, Innovation

Mais comment inscrire ceci dans une loi. Et faut-il une loi ? Le Forum des politiques d’innovation pense que "OUI", expliquant que depuis la révolution française, la loi écrite aurait progressivement effacé la coutume. CQFD, il faut donc écrire une loi pour l’innovation... pour formaliser un raisonnement ! Ou une charte de l’innovation, à inscrire dans la constitution en plus de la Charte de l’environnement ? Chiche !

Passons sur le casse-tête de la rédaction du texte, en commençant par l’inextricable exercice de donner une définition à l’innovation. Une charte de l’innovation dans la constitution serait à coup sûr un signal fort vis-à-vis de l’international : que le pays a besoin d’une loi pour se rappeler qu’il a besoin innover ! Et pourquoi ne pas ajouter à "Liberté, égalité, fraternité", le terme "innovation", sur le fronton des mairies ? N’y a-t-il pas un autre moyen ? L’éducation ? La valorisation de innovateurs (et non juste leur protection) ?

Et si les politiques veulent un principe d’innovation… Pourquoi ne pas commencer par innover. On a déjà un principe de précaution dans la constitution. C’était certes, une sacrée innovation (que seul l’Equateur partage ), mais ne peut-on pas trouver autre chose… d’encore plus innovant qu’une loi, pour faire de l’innovation un principe français ?

Aurélie Barbaux

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