[Tribune] Une électricité française "zéro carbone" en 2025, c'est possible

Pour Olivier Lluansi, Associé chez EY Strategy, une production électrique française totalement indépendante des énergies fossiles d’ici à 2025, c'est possible. C'est même un formidable défi industriel pour la France.

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[Tribune] Une électricité française
Olivier Lluansi, associé au sein de EY Strategy

La France, avec son choix historique d’une filière électronucléaire, dispose d’une électricité à très faible contenu carbone : 40-60 g de CO2/kWh contre une moyenne européenne autour de 450 g de CO2/kWh. Seulement 5-8 % de notre électricité (soit environ 35TWh/an) sont produits par des fossiles. En Espagne, le contenu carbone est de 340 g CO2 / KWh, en Allemagne de 680 g.

Entre 2005 et 2015, les nouvelles énergies renouvelables sont passées de zéro (ou presque) à 7 % de la production d’électricité en remplaçant principalement de l’électricité d’origine fossile (charbon, fuel, gaz). La LTE (Loi sur la transition énergétique) tend plutôt à substituer du nucléaire aux énergies renouvelables. En s’inspirant de la tendance historique, il est possible d’atteindre le "zéro carbone" en 2025.

En 2016, les centrales à charbon ont été assujetties à une taxe carbone dissuasive qui a été rapidement suspendue, officiellement du fait de l’impact sur les emplois concernés… mais pas seulement. Les centrales à gaz, à fioul ou à charbon (dites "thermiques à flamme") ont leur place dans le système électrique pour éviter les black-out : elles ont en effet la capacité de produire "à la demande" (contrairement au photovoltaïque ou à l’éolien), et sont flexibles (démarrage relativement rapide) contrairement au nucléaire.

Développer le thermique renouvelable

Pour qu’une taxe carbone sur ce secteur soit efficace, il faudra anticiper la question sociale, mais aussi disposer d’une filière de substitution "thermique renouvelable" à base de biofuel, biogaz, biomasse ou biométhane. Cette filière produit aujourd’hui environ 6 TWh électrique soit 15 % de ce qui est nécessaire pour une électricité "zéro carbone". Chez nos voisins allemands, la production d’électricité notamment à partir de biogaz dépasse les 45TWh. Cela représente 150 % de ce dont nous aurions besoin pour une électricité "zéro carbone".

Le potentiel énergétique des résidus agricoles est d’au moins 50 TWh électriques, celui du biofuel de 15 TWh électriques. Ils sont aussi stockables et faciles d’utilisation que leurs cousins fossiles. Ils garantiront la sécurité d’approvisionnement et l’équilibre du réseau.

L’usage de la biomasse-bois est plus contesté puisque la concurrence est forte entre la filière bois traditionnelle (notamment les papetiers) et ces nouveaux usages. Une meilleure exploitation, très inférieure au potentiel de la forêt française, changera cette situation, à moyen terme.

Le coût de cette transition ? Une réallocation inférieure à 800MEUR par an, au sein des plus de 10Mrd EUR/an dédiés aux énergies renouvelables. Outre la conversion des centrales traditionnelles aux biocarburants, la création de petites centrales locales biogaz ou biomasse permet un complément de revenus pour les exploitations agricoles et les territoires ruraux qui pourraient se voir ainsi allouer 2-3MdsEUR/an (soit 40 % supplémentaires à la Politique agricole commune).

Une taxe carbone à 100 euros

Le nucléaire restera pour un temps la production "de base", adaptée pour le socle de la consommation. Un ratio de 50 %-60 % de production de base est techniquement optimal. C’était l’objectif initial du programme électronucléaire dans les années 1970-1980. La croissance de la consommation d’électricité qui s’est interrompue à partir de 2005-2006 a induit durablement un niveau élevé de l’ordre de 75 % d’électronucléaire.

Infléchir les priorités de la Loi sur la transition énergétique, orienter de nouveaux crédits "énergies renouvelables" vers le biogaz, le biofuel, la biomasse ; introduire progressivement une taxe carbone autour de 100€/t dans le secteur de l’électricité (préférablement au niveau européen pour des raisons de concurrence) : le défi "électricité zéro carbone " serait ainsi réalisable sans rupture technologique d’ici à 2025.

La France serait la première grande économie à proposer une électricité "zéro carbone", sûre et abordable. Actuellement seule la Suède en est proche. Elle permettrait d’imaginer un autre futur : la mobilité durable : quid d’une mobilité électrique "zéro carbone" ? Les bâtiments : quid d’un chauffage "zéro carbone" ? De nouvelles filières : quid de datacenter "zéro carbone" ?

Une idée simple pour la lutte contre le réchauffement climatique, excellente pour l’image de la France et le développement de filières avals "zéro carbone"… mais une idée qui bouscule les a priori sur les renouvelables.

Par Olivier Lluansi *

Ingénieur du Corps des Mines, Olivier Lluansi est associé au sein de EY Strategy, il a été conseiller industrie et énergie à la présidence de la République et plus récemment membre associé du comex et directeur de la transformation numérique de RTE.

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