[Tribune] Taxe carbone gelée, le certificat d’économie d’énergie en alternative?
A l'initiative de Benoit Ferres, président de Cameo Energy et Isaure d’Archimbaud, expert économie circulaire d'IA Conseils, une vingtaine de députés signent une tribune qui milite pour une extension du mécanisme de certificats blancs d’économie d’énergie à d'autre secteurs, comme l'eau ou le recyclage, en attendant la reprise ou non d’une trajectoire d’augmentation de la taxe carbone.
Les certificats d’économie d’énergie (CEE) sont désormais un sujet politique dont s’est emparé le Parlement. Une loi de programmation quinquennale fixera en effet à partir de 2023, le corridor du volume d’obligation d’économie d’énergie imposé aux fournisseurs d’énergie.
Le certificat blanc...
Le modèle économique du CEE décliné aussi dans le domaine de l’agriculture avec le CEPP (certificat d’économie de produit phytosanitaire) mérite qu’on s’y arrête. Ce certificat, appelé certificat blanc est un instrument de politique publique relativement récent (2006 pour les CEE et 2016 pour les CEPP), et hybride. Il associe un cadre règlementaire contraignant à une relative liberté laissée aux acteurs du dispositif. Si un objectif d’économies d’énergie ou de produits phytopharmaceutiques s’impose aux « obligés ». Les moyens qui leur sont donnés pour l’atteindre mêlent sensibilisation (le rôle « actif et incitatif » de l’obligé à la réalisation d’opérations d’économie) et un marché dans lequel les certificats se négocient et s’échangent librement entre acteurs du dispositif. La spécificité du modèle est ainsi d’aligner les acteurs autour d’un même objectif fondant la transition écologique.
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... un outil de politique publique
Cet outil de politique publique, alternatif à la fiscalité écologique traditionnelle, présente la caractéristique majeure d’être redistributif pour les ménages les plus modestes, et donc socialement acceptable. Ainsi, dans le domaine de l’énergie, un mécanisme particulièrement innovant est mis en place depuis 2016 avec les certificats « précarité ». Destinés aux ménages précaires, ils leur permettent de rénover leur logement, souvent des passoires thermiques, grâce aux opérations d’isolation de combles ou de remplacement de chaudière à 1 euro.
3% de la facture électrique
Le certificat blanc n’est par ailleurs pas une taxe- sa finalité n’est pas budgétaire -et son coût pour l’état est quasi nul. Certes l’impact global du CEE sur le pouvoir d’achat des ménages a été dénoncé mais il est très relatif et ne représente que 3% de la facture d’électricité d’un ménage quand les taxes représentent à elles seules 45% de la facture[1].
Enfin, le mécanisme du certificat blanc, reposant sur une obligation à la charge des distributeurs et non des producteurs, préserve la compétitivité des entreprises françaises. Générant 2 à 3 milliards d’euros par an de flux financiers directs, pour la période 2018 – 2020, on peut estimer à 10 voire 15 milliards d’euros annuels les effets économiques induits par le dispositif des CEE.
Principal levier d'efficacité énergétique
Les CEE sont d’ailleurs le levier principal utilisé par la France pour satisfaire à son obligation d’efficacité énergétique imposée par la directive européenne dite efficacité énergétique. Et l’efficacité du mécanisme du certificat blanc est confirmée pas sa généralisation à une majorité d’Etats en Europe (Royaume Uni, Italie, Danemark ...) et dans le monde (USA, Brésil, Inde Canada ...)
Le modèle économique du certificat blanc pourrait donc utilement accompagner la transformation écologique et peut être expérimenté pour d’autres services et biens (le recyclage, le transport aérien, l’eau etc) comme le suggèrent certains économistes notamment Adam Baïz, dans un article de The Conversation.
A étendre à d'autres secteurs que l'énergie
Chacun, la société civile comme les instances politiques, s’accorde aujourd’hui sur l’urgente nécessité de changer notre modèle pour accompagner cette transformation. Un effort massif doit être engagé à court terme. Mais la transition écologique ne sera pas acceptable sans mesures sociales d’accompagnement pour davantage prendre en compte les plus fragiles économiquement. Le modèle du certificat blanc qui échappe aux réflexions de la sphère publique doit dans ce contexte être pleinement considéré.
Tribune signée par : Marjolaine Meynier-Millefert députée LREM de l’Isère, co-animatrice du plan de rénovation énergétique des bâtiments, Dominique Potier, député PS de Meurthe-et-Moselle, Benoit Ferres, président de Cameo Energy, Isaure d’Archimbaud, IA Conseils, expert économie circulaire, Huguette Tiegna, députée LREM et Présidente du groupe Economie Circulaire, Claire Pitollat, députée LREM, Véronique Riotton, députée LREM et co rapporteuse du projet de la loi Economie Circulaire, Delphine Bagarry, députée LREM des Alpes-de-Haute-Provence, Valérie Petit, députée LREM du Nord, Cécile Muschotti, députée LREM du Var, Nathalie Sarles, députée LREM de la Loire, Annie Chapelier, députée LREM du Gard, Frédérique Dumas, députée des Hauts-de-Seine (Union des démocrates, radicaux et libéraux), Yannick Kerlogot, député LREM des Côtes-d'Armor, Élisabeth Toutut-Picard, députée LREM de la Haute-Garonne, Fabienne Colboc, députée LREM de l'Indre-et-Loire, Damien Adam, député LREM de Seine-Maritime et Anissa Khedher, députée LREM du Rhône.
[1] Source CRE (Commission de Régulation de l’Energie). En considérant une facture d’électricité au tarif règlementé d’un ménage de 1669 euros / an et en intégrant un cout du CEE à 8 euros / MGWHC, plus de 45% de ce coût global résulte de taxes, les coûts commerciaux s’élèvent à 3,6%, les coûts de production à 26%, la marge du fournisseur d’énergie à 2%. l’obligation CEE à 3,4%.
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