[Tribune] Quand le big data promet de révolutionner l’aéronautique (1/2)
Peu à peu, les technologies numériques imprègnent le secteur aéronautique. C’est la bonne exploitation des données qui permettra à chaque acteur, avionneur, motoriste ou équipementier, de profiter à plein des bénéfices du big data. A condition de savoir s’entourer. De nombreux exemples à l’appui, Pierre Constant, associé au sein du cabinet de conseil EY, esquisse les premiers pas de ces technologies encore naissantes qui promettent de modifier le secteur en profondeur.
Chaque seconde dans le monde, un avion décolle. En 2010, un avion générait 6,9 To de données. En 2030, il en produira 1 000 To ! Des avionneurs aux motoristes, en passant par les équipementiers : grâce à la prolifération des capteurs et autres puces embarquées, les mégadonnées (big data) sont appelées à jouer un rôle de plus en plus déterminant tout au long de la chaîne de valeur de la filière aéronautique.
Changement de modèle économique
VOS INDICES
source
Chez les avionneurs et les motoristes, les mégadonnées représentent des gains de temps de cycle et de productivité. Gains de productivité tout d’abord, en injectant, dès la conception, de nouveaux paramètres dans les calculs de dimensionnement des produits : aux équations classiques de physique fondamentale pourraient venir s’ajouter des comportements jusqu’alors insoupçonnés. Compression des temps de cycle ensuite, notamment grâce une réduction de la durée des campagnes de vols d’essais.
Cela va sans dire que l’exploitation des data bouleverse sensiblement les business model des industriels et des équipementiers. En effet, exploiter la data pour faire parler les pièces de l’avion leur permet d’identifier leur comportement, au-delà de la seule température d’un composant : à l’usure ou sous l’effet des conditions de pression atmosphérique, des vibrations, du champ magnétique ou de la micro-fréquence… On observe dès lors la même lame de fond qui rebat les cartes de l’économie dans son ensemble, à savoir un déplacement de la valeur attachée au matériel, ici les pièces, à une valeur d’usage et de disponibilité. Une tendance brillamment résumée par l’équipementier Michelin, qui affirme désormais ne plus vendre des pneus d’avions, mais un nombre d’atterrissages.
Ainsi, les industriels et les équipementiers sont en train de quitter une ère dans laquelle ils écoutaient les pièces et composants selon des paramètres déterminées, pour désormais les laisser parler en se dotant d’expertises dédiées à l’exploitation des data. A l’instar d’Airbus Defence & Space, qui participe au financement d’un total de 5,7 millions d’euros du centre d'analyse et de recherche sur le Big data du campus de Reading, inauguré en 2015 au Royaume-Uni, au sein d’un consortium de 13 industriels et universités. On pense aussi à Thalès, qui compte aujourd’hui dans ses rangs 80 data scientists, et qui a fondé aux côtés d’Orange et de Keyrus la chaire Big data à l’école Polytechnique.
à la maintenance prédictive
En termes de maintenance, à travers l’exploitation des mégadonnées s’opère un basculement d’une approche corrective à une approche prédictive. Une véritable révolution pour les compagnies aériennes qui cherchent à anticiper les pannes, maîtriser l’effet « domino » d’une panne à l’autre et minimiser le temps où leurs appareils restent immobilisés.
Constructeurs et équipementiers se penchent de près sur le développement de la maintenance prédictive et du « health monitoring ». Le motoriste Pratt et Whitney a par exemple noué un partenariat avec IBM, afin de réduire de moitié ses opérations de maintenance non planifiées avec, au bout de la chaîne, une réduction des coûts de maintenance pour ses clients.
Début 2015, General Electric a déployé en Europe une nouvelle plateforme clés en mains, dénommée « Equipment Insight », qui permet aux fabricants de contrôler en continu le fonctionnement de leurs installations et de donner à leurs clients des recommandations en temps réel. La cartographie en réalité augmentée fait ainsi son apparition dans les usines, à l’instar du partenariat entre Accenture, Airbus et Google Glass permettant d’identifier le circuit électrique sous les panneaux.
A lire aussi [Tribune] Quand le big data promet de révolutionner l’aéronautique (2/2)
De son côté, Microsoft a dévoilé en octobre 2014 un algorithme de machine learning développé pour la maintenance prédictive, incluant également des lunettes de réalité augmentée. Chez Airbus Helicopters, l’analyse des données issues de système qui enregistrent en vol les signaux de vibration, permet de déclencher une carte de travail de façon préventive dans un atelier de maintenance. Chez les motoristes comme Rolls-Royce ou Safran enfin, les systèmes de propulsion en service sont équipés de centaines de capteurs capables d’enregistrer le moindre détail de leur fonctionnement et signaler en temps réel aux ingénieurs tout changement dans les données.
Parallèlement, la maintenance est révolutionnée par une autre technologie de rupture : l’impression 3D, permettant de vérifier et d’ajuster le dimensionnement d’une pièce de rechange avant sa mise en production chez le fournisseur…
Pierre Constant est Associé au sein du cabinet de conseil EY en tant qu’expert du secteur aéronautique
Les avis d'experts et points de vue sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs et n’engagent en rien la rédaction.
SUR LE MÊME SUJET
[Tribune] Quand le big data promet de révolutionner l’aéronautique (1/2)
Tous les champs sont obligatoires
0Commentaire
Réagir