[Tribune] Mettre fin à la "culture du héros" pour prévenir les risques liés à l’hyperconnexion
Prévenir les risques liés à l’hyperconnexion demande d’intervenir sur les comportements individuels et sur ceux de l’organisation, conseille Piérelle Boursaly, responsable formation au cabinet Psya, spécialisé dans la prévention et la gestion des risques psychosociaux.
Une dizaine d’années après la démocratisation des smartphones en milieu professionnel, arrive le constat des effets pervers associés à un usage irraisonné des outils numériques. Deux tiers des travailleurs français expriment le souhait que leur employeur se saisisse du sujet et mette en place des actions de régulation. L’entrée en vigueur des dispositions de la loi El Khomri sur la déconnexion, en janvier 2017, devrait y aider.
Face à un flux excessif d’information, non maîtrisé, dont découle une accélération du rythme de travail, le sentiment d’obligation de réactivité et d’instantanéité fait loi dans grand nombre d’environnements professionnels. Face à cette culture de l’urgence Les travailleurs sont fréquemment amenés à prendre sur leur temps de vie personnelle pour continuer à gérer ce qu’ils n’ont pas eu le temps de gérer sur leur temps de travail. Dès lors, les outils numériques, associés en premier lieu à flexibilité et souplesse, peuvent devenir facteurs d’aliénation et de risque psychosocial. Ils remettent en question les frontières du temps et du lieu de travail et poussent à une grande perméabilité des vies professionnelle et personnelle.
Des causes individuelles et organisationnelles
Les causes de l’hyperconnexion sont à la fois d’ordre individuel et organisationnel. Les salariés hyperconnectés ont souvent un niveau de conscience professionnel élevé. Pour ces personnes, l’accès aux outils numériques amplifie le risque de surinvestissement du travail voire de workaholisme, associé à l’impression de n’avoir jamais fini son travail, puisque toujours joignables et connectées. Du côté de l'organisation du travail, les causes de l’hyperconnexion sont liés en particulier à la pression des objectifs, la charge de travail accrue et/ou une « culture du héros » dans l’entreprise, favorisant la compétition et le don de soi sans limite… Jusqu’à ce que les professionnels craquent, puisque ce n’est pas tenable dans la durée !
Les risques de l’hyperconnexion sont le résultat d'une sur-sollicitation des ressources individuelles, qui agit comme un phénomène de débordement, cause de stress, pouvant participer à des phénomènes d’épuisement professionnel. Cela s’accompagne évidemment d’un envahissement de la sphère privée, avec un niveau de disponibilité pour son entourage personnel et familial qui se réduit.
Les besoins des salariés sont clairs : il s’agit avant tout de préserver un rythme de travail soutenable, de réinstaurer des coupures et des limites entre le travail et le hors-travail sans se sentir coupable. Et cela afin de se consacrer aux autres dimensions de sa vie, essentielles à sa bonne santé psychologique.
Mettre en place des actions préventives
Pour prendre en compte ces besoins et les enjeux organisationnels associés, l’entreprise a tout intérêt à mettre en place des actions préventives et régulatrices à un niveau individuel et collectif : évaluer la charge de travail, définir des objectifs clairs et des priorités, éviter de solliciter un collaborateur sur ses temps de repos, débattre en équipe pour définir des règles d’usage des outils numériques.
Il s’agit également de veiller à l’exemplarité des comportements managériaux en remettant en question "la culture du héros" souvent érigée comme modèle au sein des organisations. Incarner les messages diffusés auprès des équipes pour rendre le discours de prévention crédible et cohérent est une condition de réussite de l’ensemble de ces actions.
Tribune de Piérelle Boursaly, du cabinet PSYA
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