[Tribune] Le C919 de Comac, en difficulté malgré les commandes
Malgré les commandes et les premiers essais en vol effectués ces derniers mois, le programme C919 du chinois Comac est à la peine. De nombreux indicateurs prouvent que cet appareil qui se pose en concurrent des Airbus A320 et des Boeing 737 ne serait pas en aussi bonne forme qu’il n’y paraît, selon Jean-François Dufour, analyste au sein du cabinet Montsalvy Consulting, Responsable Stratégie.
Le C919, l’appareil développé par l’entreprise chinoise COMAC (Commercial Aircraft of China) pour concurrencer les Airbus A320 et Boeing B737, s’est à nouveau distingué avec 130 commandes annoncées à l’occasion de l’Aviation Expo China qui s’est tenu à Beijing en septembre. La nature de ces commandes, et d’autres indications sur le projet, amènent cependant à penser qu’elles relèvent plus de la communication de crise que de l’avancement du programme.
Avec 130 nouveaux appareils annoncés en bloc, le COMAC C919 vient de hisser son carnet de commandes à plus de 700 avions. Quatre mois après son premier vol historique, le moyen-courrier développé par le constructeur aéronautique chinois réaffirme ses ambitions. Les dernières commandes du C919 annoncées à Beijing viennent confirmer les ambitions attachées à un programme qui reste une priorité stratégique au niveau national. Mais elles illustrent également le besoin de compenser, en termes de communication, les difficultés associées à sa progression.
VOS INDICES
source
Une clientèle non opérationnelle
Le détail de ces commandes oblige cependant à relativiser cet indicateur de succès. L’ensemble des nouveaux appareils commandés l’ont en effet été par des sociétés de leasing, autrement dit des loueurs qui placeront ensuite les appareils auprès de compagnies les opérant. Si ce phénomène concerne l’ensemble de l’aviation commerciale, les sociétés de leasing comptant désormais pour 40% des flottes en service dans le monde, dans le cas du C919 les dernières annonces portent leur part à près de 80% du carnet de commandes (avec 570 appareils sur 720 commandés).
Mobilisation tous azimuts
Ces toutes dernières commandes indiquent une mobilisation tous azimuts pour soutenir le C919. Pas moins de 12 banques chinoises, ainsi que l’un des principaux assureurs du pays, ont été mobilisés ces dernières années pour se doter de filiales de leasing destinées à commander le C919. Son plus important commanditaire, après la dernière annonce, est une filiale de l’ABC (Agricultural Bank of China), la troisième banque du pays, qui a ajouté 30 exemplaires à sa commande initiale de 45 appareils.
Les nouveaux clients annoncés incluent quant à eux une filiale d’AVIC (Aviation Industry Corp of China), actionnaire et principal fournisseur de COMAC, mais aussi une filiale de CNEC (China Nuclear E&C Group), un investisseur spécialiste du nucléaire, dont le débarquement dans l’aéronautique est pour le moins inattendu.
Echéances politiques et techniques
Ce remplissage quelque peu forcé du carnet de commandes du C919, intervient à un mois de l’échéance politique majeure que constitue le XIXème Congrès du parti communiste chinois, qui va s’ouvrir le 18 octobre pour renouveler les instances dirigeantes du pays. Il intervient aussi cinq mois après un premier vol historique du C919 qui n’a été suivi d’un second que ce 28 septembre. Ce qui traduit de toute évidence de sérieux problèmes de mise au point de cet appareil pionnier.
Une mutation révélatrice ?
Une autre indication des difficultés du programme est fournie par l’évolution à la tête de la COMAC. En juillet Jin Zhuanglong, son président depuis 2011, et de ce fait porteur au plus haut niveau du projet C919, a été discrètement muté vers la Commission centrale pour le développement intégré civil et militaire. Si l’organisme, nouvellement créé, est important, la mutation de Jin Zhuanglong comme simple sous-directeur ne peut être interprétée comme une promotion, dans un contexte général dans lequel d’anciens décideurs de l’industrie aéronautique ont acquis des positions politiques importantes. Le prédécesseur de Jin Zhuanglong, Zhang Qingwei, avait quitté la présidence de COMAC en 2011 pour devenir gouverneur de l’importante province du Hebei.
Jean-François Dufour est analyste chez Montsalvy Consulting, Responsable Stratégie et Développement
Les avis d'experts et points de vue sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs et n’engagent en rien la rédaction.
[Tribune] Le C919 de Comac, en difficulté malgré les commandes
Tous les champs sont obligatoires
0Commentaire
Réagir