« Toutes les usines de chimie fine tournent, même si c’est au ralenti »

Parce qu’il fournit en intermédiaires et matières actives les industries de la pharmacie et des spécialités, le secteur de la chimie fine est considéré comme stratégique pour le pays. Les quelque 80 sites de production, répartis sur le territoire, continuent de tourner au minimum aux 2/3 de leur capacité. Entretien avec Vincent Touraille, président du Sicos Biochimie

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« Toutes les usines de chimie fine tournent, même si c’est au ralenti »

Vous représentez le secteur de la chimie organique de synthèse et de la biochimie, en tant que président du Sicos Biochimie. Pouvez-vous nous dire si les usines de chimie fine tournent encore sur notre territoire ?

J’ai des contacts très réguliers avec les membres du conseil d’administration du Sicos Biochimie qui représente des sociétés telles que Sanofi, Novasep, Seqens, La Mesta, Interor, Arkema, Solvay, Minakem, Axyntis… mais également avec les membres de la Fefis qui est la Fédération française des industries de santé. Cela permet d’avoir une bonne vision de la situation. Aujourd’hui, il semblerait que toutes les usines de chimie fine tournent, même si la plupart d’entre elles ont réduit leur activité qui se situe entre 2/3 et 90% de leur activité normale. Certains acteurs disent cependant tourner à fond ! Nos employés en production ont pris conscience qu’ils apportaient une contribution essentielle au secteur de la santé. C’est une source de fierté et cela les motive à venir travailler dans leurs usines.

Pourtant, cela n’était pas une évidence au début du confinement…

Dès le tout premier discours du président Macron annonçant le confinement, les entreprises ont immédiatement réduit leurs effectifs sur les lieux de travail et organisé du télétravail pour les collaborateurs qui le pouvaient. Cependant, certains collaborateurs tenus de se rendre sur leur lieu de travail le faisaient la peur au ventre. C’est ainsi que quelques jours plus tard, des courriers d’encouragement et de reconnaissance ont été transmis par des membres du gouvernement aux filières prioritaires, en particulier à la filière santé par les ministres de l’Economie et de la Santé. Il fallait que les salariés restent sur site pour assurer la continuité des activités, pour autant que les mesures barrières qui s’imposent puissent être mises en place.

Quels types de mesure ont été prises dans les entreprises pour respecter ces mesures barrières entre les personnes ?

Par exemple, dans mon entreprise M2i Life Sciences, en laboratoire au lieu d’avoir 4 collaborateurs qui travaillent en même temps, nous avons constitué 2 équipes le matin et l’après midi qui travaillent ainsi à des rythmes différents sans se croiser. En usine, pour respecter la distanciation, on réduit les rythmes de fabrication pour diminuer la taille des équipes. Il y a aussi des consignes de gestes barrières et des règles de distanciation comme on peut en retrouver dans toutes les entreprises.

Cela signifie-t-il que vous continuez à honorer vos contrats même pour des clients à l’export ?

Nos entreprises se sont mobilisées pour le bien commun à travers la production massive de gel hydroalcoolique. Minakem en produit par exemple à Beuvry ; Diverchim en région parisienne ; Seqens à Bourgoin-Jallieu ; M2i à Salin de Giraud… Néanmoins elles poursuivent aussi des fabrications classiques pour des clients afin de continuer à faire entrer du chiffre d’affaires et des devises, malgré toutes les mesures d’aide du gouvernement. Pour le moment, nos usines n’ont pas été réquisitionnées pour des fabrications d’actifs stratégiques qui pourraient manquer à la France. L’Inde est certes en train de fermer ses frontières, mais la Chine redémarre. Notre objectif est de ne pas casser les chaines d’approvisionnement afin de pouvoir redémarrer le plus efficacement possible en sortie de crise. Mais si le besoin était là, nous serions en capacité de produire sous quelques semaines des actifs stratégiques. Pour ce qui est des projets, ils sont globalement en stand by. Mais tous les acteurs sont logés à la même enseigne, il n’y a pas trop de risques de pertes de marchés. En cette période, l’important est surtout de pouvoir garder ses talents pour être en état de redémarrer le plus tôt possible à la fin de la crise.

Pensez-vous pouvoir tenir plusieurs semaines à ce rythme ?

La première semaine de confinement nous nous sommes tous battus pour maintenir nos activités. Aujourd’hui nos entreprises se sont organisées et si la pandémie ne s’accélère pas très fortement au point de toucher nos opérateurs nous pensons être en mesure de continuer à ce rythme. Notre inquiétude vient davantage de nos sous-traitants : les fournisseurs de cartons, de fûts, d’énergie, les acteurs du traitement de déchets… Par exemple si l’on ne pouvait plus éliminer nos déchets parce que les produits pour stations d’épuration ne seraient plus disponibles ou parce que les cimenteries seraient arrêtées, nous serions également obligés de suspendre nos activités. Nous sommes également très attentifs à la situation dans le secteur de la logistique car nous constatons déjà que les temps de transport ont tendance à se rallonger.

Pensez-vous que l’on va pouvoir tirer des enseignements positifs de cette crise sanitaire ?

Cela fait une quinzaine d’années que notre secteur tire la sonnette d’alarme sur la désindustrialisation du pays. Or on voit bien que ce qui est en train de sauver la France c’est le fait d’avoir encore des industriels capables de produire dans le secteur santé de l’alcool, des gels hydroalcooliques, des matières actives essentielles aux médicaments… Dans des moments comme celui-ci, on est bien content d’avoir un leader comme Sanofi qui accélère sa recherche d’un vaccin ou est capable de fabriquer des produits tels que l’hydroxychloroquine ! Je souhaite que cette crise serve à prendre conscience que, pour avoir un pays fort, il faut avoir une industrie forte et qu’il faut en particulier réindustrialiser la filière pharmaceutique pour garder une souveraineté en matière de santé.

Le Sicos Biochimie en bref

Le Sicos Biochimie est le syndicat de l’industrie chimique organique de synthèse et de la biochimie. Il compte aujourd’hui plus de 40 sociétés adhérentes, filiales de grands groupes, PME et ETI. Le secteur de la chimie fine fournit en intermédiaires et matières actives les industries de la pharmacie, de la cosmétique, de l’agro-alimentaire et d’autres secteurs de pointe comme l’électronique. Avec la production d’intermédiaires et de principes actifs sur près de 80 sites, la chimie fine pharmaceutique en France est une industrie très répartie géographiquement sur l’ensemble du territoire. C’est une industrie compétitive qui représente entre 10 000 et 12 000 emplois directs avec un chiffre d’affaires global estimé entre 2 et 2,5 milliards d’euros par an. Ce secteur est fortement tourné vers l’export avec près des 2/3 des sociétés ayant une part du chiffre d’affaires à l’export supérieure à 50%.

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