Tout juste annoncé, le "paquet pharmaceutique" de la Commission européenne loin de faire l'unanimité

La Commission européenne a finalement publié son projet d’évolution de la législation pharmaceutique de l’UE. Encore loin d’être adopté, il concentre déjà les critiques des grandes entreprises du secteur. 

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Tout juste annoncé, le

La Commission européenne a dévoilé les contours de la future évolution de la législation pharmaceutique, également appelée « paquet pharmaceutique ». Une révision conséquente de la directive de 2004 attendue de longue date. Il faut dire que cette réforme vise « à trouver le bon équilibre entre promouvoir l’innovation et garantir l’accès des patients à des médicaments abordables dans toute l’UE », a souligné Margaritis Schinas, vice-président de la Commission européenne.

Une note d’intention en face de laquelle la Commission émet une série de recommandations (voir aussi notre encadré) diversement appréciées par les entreprises concernées. La fédération européenne des associations et industries pharmaceutique, l’EFPIA, a critiqué le projet, allant jusqu'à évoquer « un risque de sabotage de l’industrie des sciences de la vie en Europe ».

Au cœur des critiques, la mesure incitative phare, destinée à introduire une durée de protection variable des médicaments, en fonction d’objectifs d’innovation et d’accès à tous les pays membres de l’UE.

Des durées de protection variables pour les brevets

Concrètement, les laboratoires commercialisant un médicament innovant bénéficieront d’une protection réglementaire minimale de huit ans, incluant six ans de protection sur les données réglementaires et deux ans de protection sur le marché, contre huit ans et deux ans actuellement. En contrepartie, cette durée pourra être portée à douze ans maximum, contre onze ans aujourd’hui.

Selon quels critères ? C’est là que le système proposé prend une tournure complexe. Un bonus de deux ans supplémentaires sera accordé à un médicament lancé dans tous les Etats membres. S’il répond à un besoin médical non satisfait, + 6 mois, et encore + 6 mois si des essais cliniques comparatifs seront menés. Si le médicament peut traiter d’autres maladies, un an supplémentaire sera prévu pour récompenser le laboratoire.

Un système progressif difficilement applicable, selon l'EFPIA. « L’approche retenue dans cette législation, [qui consiste à, N.D.L.R.] (de) pénaliser l’innovation si un traitement n’est pas disponible dans tous les Etats membres est fondamentalement défectueuse et représente une cible impossible à atteindre pour les entreprises », a critiqué Nathalie Moll, directrice générale de l’EFPIA.

Un projet encore loin d’être adopté

Alors que l'annonce du projet avait été plusieurs fois reportée, provoquant la colère de députés européens y voyant un embarras face à l'industrie, la réaction hostile des entreprises du médicament laisse deviner d’intenses négociations. « Dans les mois à venir, nous serons amenés à travailler avec les membres du Parlement européen, le Conseil et les autres parties prenantes (…), si des changements ne sont pas faits, l’héritage de cette Commission aura été de faire de l'Europe un simple consommateur de l’innovation médicale issue d’autres continents et de faire attendre plus longuement que jamais les patients européens dans l'accès aux dernières innovations », tacle Nathalie Moll. Les propositions de la Commission vont désormais continuer leur chemin en étant transmises au Parlement européen et au Conseil.

Réduction des délais, réforme de l'EMA, nouveaux antibiotiques, pénuries... Les autres chantiers de la réforme

Au-delà de la question des brevets, la réforme introduit une série de mesures visant à raccourcir les délais d'arrivée sur le marché. L’Agence européenne du médicament (ou EMA) disposera désormais de 180 jours pour rendre son évaluation, au lieu de 210 jours actuellement. Pour l’autorisation de mise sur le marché, après avis de l’EMA, la Commission aura, là-aussi, un délai réduit, passant de 67 à 46 jours. Un raccourcissement rendu possible par une simplification des procédures et par une réorganisation de l’EMA. L’agence verra son organisation simplifiée à un comité des médicaments à usage humain et à un comité de sécurité. Exit donc le comité des médicaments orphelins, le comité pédiatrique et le comité des médicaments de thérapie innovante, amenés à disparaître. Le but est ainsi de laisser « un soutien accru aux deux comités restants » et de libérer « des ressources scientifiques pour renforcer le soutien aux développeurs », avant les demandes d’autorisation. Sur ce point, la Commission souhaite mettre en place des « bacs à sable » réglementaires pour tester de nouvelles approches et plaide également pour la généralisation des échanges et transmission de dossiers par voie électronique. 

Autre chantier d'ampleur, celui de la lutte contre l'antibiorésistance. La Commission européenne souhaite favoriser la mise au point de nouveaux antibiotiques, un marché sur lequel peu de laboratoires se positionnent aujourd’hui. La principale mesure passe par un système de « coupons » (vouchers), qui donnera une année supplémentaire de droits pour les laboratoires développant de nouveaux antibiotiques. Ces coupons pourront être revendus et ainsi fournir des revenus supplémentaires aux entreprises. Un mécanisme proche de ce qui peut exister aux États-Unis avec les "priority review vouchers" de la FDA, qui donnent un accès prioritaire à l'agence et font l'objet de reventes parfois lucratives entre laboratoires. Sur ce point, comme sur les différentes propositions encore floues autour des pénuries de médicaments, des précisions seront attendues pour en fixer les conditions. 

Enfin, cette proposition de réforme n’aborde pas directement la question de la relocalisation. Sur ces sujets, la Commission renvoie au PIIEC Santé, encore en cours d’élaboration, au projet de fabrication « Fab UE » destiné à mobiliser un réseau de producteurs de vaccins dans l’UE ainsi qu’aux travaux de l’HERA, équivalent de la BARDA américaine, destiné à mieux préparer l’Europe en cas de nouvelle crise sanitaire.

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