Total dans l'ère des gaz de schiste au Texas

Le géant français profite de l'opportunité des gaz de schiste aux États-Unis pour muscler et rendre plus compétitives ses productions pétrochimiques américaines. Au Texas, son vapocraqueur partagé avec BASF a été converti et est devenu flexible pour son alimentation en matières premières.
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Total dans l'ère des gaz de schiste au Texas
Le complexe pétrochimique de BASF Total Petrochemicals à Port Arthur.

Découverts dans les années 1820, les gaz de schiste ont patienté 150 ans avant de changer la donne aux États-Unis. En 1977 est mis au point un procédé technologique d'exploitation économiquement viable. Il faudra encore 20 ans avant qu'un industriel ne se lance, et puis 10 années supplémentaires avant de provoquer une ruée vers l'or. Aujourd'hui, ils comptent pour 20 à 25 % du gaz en Amérique du Nord. Une production boostée à la fois par la prolifération des champs exploités et par la formidable infrastructure américaine de pipelines, laquelle ne cesse de s'étoffer. Depuis deux ans, les grands pétrochimistes opérant aux États-Unis se mettent en ordre de bataille pour capter les bénéfices de ces matières premières plus que compétitives. De nouveaux opérateurs, notamment asiatiques, commencent aussi à développer des ambitions sur le sol américain. Construction de plain-pied, dégoulottages, voire une combinaison des deux, les stratégies divergent. En amont, certains possèdent déjà des parts, ou s'apprêtent à en prendre, dans des gisements de gaz de schiste. Total est un peu au carrefour de toutes ces stratégies.

Dès 2010, le groupe français a commencé à acquérir des parts du portefeuille de l'Américain Chesapeake dans des gisements qui comptent parmi les plus importants en Amérique du Nord. Comme celui du Barnett Shale, dans le Nord du Texas. En aval, privilégiant les schémas intégrés, il concentre ses ambitions sur sa plateforme de Port Arthur (Texas), sur les berges du Golfe du Mexique. Total investit ainsi sur son complexe pétrochimique, dont il détient 40 % des parts aux côtés de BASF (60 %), et qui est intégré à sa gigantesque raffinerie adjacente. Depuis avril, le vapocraqueur d'une capacité de 1 million de tonnes par an n'est plus sur une unique base naphta. Il est devenu flexible et peut utiliser des matières premières issues des gaz de schiste. Il produit aujourd'hui environ 40 % de son éthylène à partir d'éthane, et 40 % à partir de butane et de propane. « Compte tenu de la hausse du prix des produits pétroliers d'une part et de l'apparition de ressources gazières abondantes d'autre part, nous l'avons adapté pour le rendre flexible et maintenir ainsi sa compétitivité. Il a désormais accès à de l'éthane d'un coût d'environ 30 $ par baril équivalent pétrole (bep), donc très concurrentiel par rapport à celui du naphta (environ 100 $/bep), mais aussi à des GPL comme le butane et le propane, eux aussi meilleur marché », explique Patrick Pouyanné, directeur général Raffinage-Chimie de Total. Un dixième four sur éthane est aussi en construction, avec une mise en service programmée au second semestre 2014. Ce qui permettra d'augmenter les capacités du vapocraqueur de près de 15 %. Le tout dans le cadre d'un investissement « d'un peu moins de 100 millions de dollars », note Patrick Pouyanné. L'idée de construire à Port Arthur un « side-cracker » un peu plus petit et sur base éthane est par ailleurs sur la table et en discussions avec BASF. Positionné dans l'amont et dans l'aval aux États-Unis, Total dispose ainsi d'un portefeuille équilibré qui doit lui permettre de capter les marges là où elles se trouvent, avec des taux de production constants.

L'Amérique déborde d'ambitions

Le vapocraqueur de la coentreprise BASF Total Petrochemicals à Port Arthur était une première et aurait pu rester une dernière. En 2001, lors de son démarrage, il s'agissait alors du plus gros vapocraqueur sur base naphta aux États-Unis. Aujourd'hui encore, il compte parmi les plus imposants en service au monde. Il allait s'agir aussi du dernier à être construit au pays de l'Oncle Sam jusqu'à ce jour. « Au milieu des années 2000, on pensait qu'on ne construirait plus jamais de craqueur aux États-Unis », rappelle Chuck Carr, directeur senior Oléfines chez IHS Chemical. Pendant une longue décennie, la pétrochimie mondiale va avoir alors les yeux rivés sur l'Asie et le Moyen-Orient, où projets et sites pétrochimiques fleurissent. Pendant ce temps aux États-Unis, plombés par le prix trop onéreux du gaz naturel, certains n'ont pas hésité à démanteler des craqueurs sur base éthane... 10 ans plus tard, la donne est diamétralement opposée. Hormis les impacts écologiques, dont les contours demeurent encore incertains, l'impact économique de la révolution américaine des gaz de schiste ne cesse d'être revu à la hausse. Et l'Amérique flambe, débordante d'ambitions.

Pour la période 2013-2030, IHS recense 109 projets chimiques et pétrochimiques annoncés aux États-Unis. Ce qui représente des capacités additionnelles de 34,6 Mt/an et des investissements de 33,4 Mrds $ ! 114 autres projets, évalués à un total de 52,6 Mt/an de capacités supplémentaires et pour la bagatelle de 69,3 Mrds $ sont attendus ! Une petite dizaine de vapocraqueurs est, ou va être, en construction. Les capacités américaines d'éthylène, de 30 Mt/an actuellement, mais qui tournent aujourd'hui à pleine charge, pourraient bondir de 10 Mt par an dans les toutes prochaines années. Et avec un prix du gaz qui ne représente plus que 20 à 30 % du prix du pétrole brut, soit le plus compétitif au monde, le recours aux gaz issus du schiste va « proliférer dans toutes les productions chimiques américaines », prédit Chuck Carr. A peine cinq ans après le gouffre de 2009, la chimie américaine a bondi sur une occasion en or et commence désormais à afficher des marges prolifiques. De quoi accroître la pression sur la pétrochimie européenne, qui ne pouvait déjà plus échapper à une rationalisation, ou même sur la pétrochimie chinoise où certains projets seraient déjà retardés en attendant de voir la progression américaine.

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