Technologie, business model, défis... Tout ce qu'il faut savoir sur le taxi volant

Une nouvelle catégorie d'aéronefs légers, silencieux, tout électrique et pouvant décoller et atterrir à la verticale s'apprête à transformer la mobilité des grands centres urbains.Plus sûrs et silencieux que les hélicoptères et fonctionnant pour certains sans pilote, ils seront d'ici à 2030 au cœur de services de taxis volants. Tour d'horizon de cette révolution à venir.

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Technologie, business model, défis... Tout ce qu'il faut savoir sur le taxi volant

Les voitures volantes sont un élément classique des œuvres de science-fiction, de « Blade Runner » à « Retour vers le Futur » en passant par « Le Cinquième Élément ». Mais cette vision du futur héritée du début du XXe siècle ne s'est jamais matérialisée dans le monde réel. Pourtant, la technologie progresse, et un nouveau type d'aéronef se dessine peu à peu. Léger, peu bruyant, entièrement électrique et équipé de multiples hélices, il est en grande partie automatisé, voire complètement autonome.

S'il ne venait probablement pas à remplacer la voiture telle qu'on la connaît, cet «hélicoptère du futur» représente un changement de paradigme pour le transport aérien sur de courtes distances. Et son avènement pourrait être plus proche qu'on ne le pense. Depuis quelques années déjà, les annonces se succèdent concernant le développement de nouveaux appareils, des essais en vol et d'importantes levées de fonds. Un marché semble se dessiner, et il intéresse aussi bien les start-up que les grands groupes de l'aéronautique et de l'automobile. Alors, la «voiture volante» sera-t-elle au final l'une des révolutions du XXIe siècle ? Petit tour d'horizon des innovations technologies au cœur de ce mouvement, les projets les plus prometteurs, les enjeux économiques et sociétaux, et les défis qu'il faudra surmonter.

Des services de taxis volants plutôt que des véhicules particuliers

À l'origine de ce nouveau marché se trouvent plusieurs innovations technologiques qui, combinées, donnent les aéronefs eVTOL. Cet acronyme anglais signifie «Electric Vertical Take-Off and Landing», et désigne les aéronefs électriques à décollage et atterrissage verticaux. Leur construction est désormais envisageable grâce aux progrès en matière de stockage d'électricité via les batteries lithium-ion, à de nouveaux designs multi-rotors qui vont de quatre à huit ou même seize-hélices (à la fois plus sûrs car redondants et beaucoup moins bruyants), et aux avancées en matière d'automatisation du pilotage.

Le cabinet Oliver Wyman, qui a réalisé une étude stratégique de ce marché pendant trois ans, a recensé environ 170 prototypes d'aéronefs eVTOL. Tous les projets en cours ont en commun une même finalité : déployer un service de taxis volants plutôt que de commercialiser un véhicule volant auprès de particuliers. Plusieurs facteurs expliquent ce choix. D'une part, le coût assez conséquent de ces technologies oblige au déploiement d'un service permettant de répartir le coût de production du véhicule sur plusieurs personnes. D'autre part, la réglementation très stricte s'appliquant à l'espace aérien fait qu'il est plus réaliste d'envisager l'exploitation de couloirs aériens dédiés par des sociétés clairement définies.

Enfin, du point de vue de la sécurité, en particulier en milieu urbain, les exigences du pilotage aérien sont difficilement applicables à la majorité de la population. En 2017, Bill Ford, président du groupe automobile du même nom, décrivait le problème sans tourner autour du pot lors de la conférence SXSW : «Ces véhicules auront intérêt à être autonomes. La plupart des gens ne savent pas conduire en deux dimensions, et encore moins en trois.» À noter que si certains projets envisagent l'utilisation de pilotes humains pour transporter des passagers, la plupart misent sur un contrôle entièrement automatisé.

Un marché convoité par les géants de l'aéronautique

L'indicateur le plus sûr que la technologie est mature est le fait qu'Airbus et Boeing travaillent chacun sur des projets en la matière, ainsi que d'autres géants industriels comme Honeywell, qui veut mettre au point les systèmes de pilotage autonome. Boeing s'est notamment rapproché du constructeur automobile Porsche pour étudier la mise au point d'un tel véhicule. En parallèle, l'avionneur américain s'est aussi rapproché de Tactical Robotics, une filiale de l'entreprise israélienne Urban Aeronautics, pour travailler sur sa technologie de propulsion baptisée «Fancraft». Ce système utilise deux hélices carénées en direction du sol intégrées au fuselage de l'appareil.

Boeing s'est également associé à la start-up Kitty Hawk pour créer la coentreprise Wisk. Cette dernière est financée par Larry Page, le cofondateur de Google, et dirigée par Sebastian Thrun, le créateur du laboratoire Google X. Elle développe un aéronef eVTOL baptisé Heaviside. Cet appareil peut accueillir deux passagers, il est équipé de 12 rotors indépendants les uns des autres et d'un système de parachute permettant à l'avion d'atterrir en toute sécurité en cas de défaillance des hélices. Wisk en développe une version autonome nommée Cora, qui servira à un service de taxis volants. Des essais ont actuellement lieu en Nouvelle-Zélande.

En 2016, Airbus donne naissance au prototype Vahana. Un aéronef eVTOL qui a accumulé de nombreuses heures de vol avant de tirer sa révérence au début de l'année 2020. En parallèle, l'avionneur européen planche sur un autre concept de drone 100% électrique équipé de quatre doubles rotors contrarotatifs.

Des projets qui permettent au groupe de penser aux cas d'usages, d'avancer sur les caractéristiques techniques de cette technologie et d'imaginer des designs. Des recherches d'autant plus essentielles qu'Airbus s'est rapproché de la RATP et Groupe ADP (Aéroports de Paris). Leur objectif : développer un démonstrateur de taxi volant opérationnel lors des jeux Olympiques qui se tiendront à Paris en 2024.

Par le passé, Airbus s'est également rapproché du constructeur automobile allemand Audi. Les deux partenaires ont dévoilé un projet de voiture volante baptisé Pop. up Next : un concept constitué d'un module aérien qui venait se connecter à un châssis de voiture autonome pour lui permettre de prendre son envol. Mais Audi a annoncé en octobre 2019 sa décision d'abandonner le projet, sans doute un peu trop futuriste pour être réalisable.

Les constructeurs automobiles ne sont pas en reste

Audi et Porsche sont loin d'être les seuls constructeurs automobiles à lorgner sur ce marché. Hyundai, qui a annoncé vouloir investir 2 milliards de dollars dans les technologies du futur, a par la suite créé une nouvelle division dédiée à la mobilité urbaine aérienne. Le constructeur coréen a présenté à l'occasion du CES 2020 sa vision de la smart city et dévoilé à cette occasion une maquette de taxi volant baptisé S-A1. Un véhicule pouvant accueillir quatre passagers en plus du conducteur, ce dernier étant indispensable selon Hyundai, qui espère mettre ce véhicule en circulation en 2023.

D'autres constructeurs optent plutôt pour la stratégie de l'investissement dans des start-up qui leurs semblent prometteuses. Toyota a par exemple investi dans Joby Aviation, une start-up californienne fondée en 2009 qui développe un aéronef eVTOL pouvant accueillir 4 passagers en plus du conducteur.

La start-up allemande Volocopter, qui semble assez prometteuse, a séduit des investisseurs comme Daimler et Geely (Volvo Cars). La jeune pousse a obtenu l'agrément d'organisme de conception (DOA) de la part de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) pour son VoloCity. Cet aéronef eVTOL peut transporter deux adultes et leurs bagages en plus du pilote. Il est composé d'une multitude de rotors alimentés par batterie. Au total, le VoloCity dispose de 9 batteries et 18 moteurs électriques dotés chacun d'une hélice. Toujours du côté de l'Allemagne, Lilium conçoit et construit un appareil eVTOL doté de deux paires d'ailes et pouvant accueillir cinq personnes. La start-up, qui souhaite produire elle-même son Lilium Jet, est en train de bâtir des usines à cet effet. Il pourra atteindre les 300 km/h et disposera de 300 kilomètres d'autonomie. La start-up souhaite opérer un service régional de transport aérien dans différentes zones géographiques à travers le monde dès 2025.

La Chine n'est pas en reste. EHang développe EHang 216, un taxi volant de 16 rotors et doté de deux places. S'il est conçu pour être autonome à terme, dans un premier temps un pilote sera présent à bord. EHang souhaite déployer le premier service commercial d'un réseau de transport aérien à basse altitude pour les personnes et les marchandises à Canton en Chine. En parallèle, la start-up chinoise conclue des accords avec des pays européens et mène des essais aux États-Unis.

Des entreprises de VTC pour gérer le service ?

Le développement de ce type de service permettra de relier plus rapidement deux points opposés d'une grande ville, comme un centre-ville urbain dense et un aéroport (souvent situé en périphérie des agglomérations). Les municipalités ne cachent pas leur intérêt pour la question, et le cabinet Oliver Wyman évalue à 60 le nombre de villes qui seront dotées d'un service de taxi volant en 2035. Mais qui opérera ces services ? Certaines des sociétés qui planchent sur ces taxis volants veulent les opérer elles-mêmes, mais d'autres souhaitent en déléguer la gestion.

Des acteurs du monde de la mobilité se positionnent donc comme de futurs gestionnaires de ces services. C'est le cas d'Uber qui, via sa division dédiée Uber Elevate, multiplie les partenariats en tout genre pour déployer un service commercial de taxi volant dès 2023. De Hyundai à Boeing, en passant par Joby Aviation ou encore des universités, l'entreprise de VTC multiplie les accords. Comme il n'a pas les compétences pour développer lui-même l'aéronef, Uber met en avant son importante base clients et sa plate-forme logicielle : deux points essentiels pour le lancement réussi de ce genre de service. De son côté, la plate-forme de VTC Grab a placé ses billes sur la pépite allemande Volo-copter. Les deux partenaires, qui souhaitent déployer un service de taxi volant en Asie du Sud-Est, vont étudier la faisabilité du projet et chercher les meilleurs couloirs aériens pour déployer un service commercial.

Des barrières réglementaires restent à lever

Si ce marché au fort potentiel aiguise tous les appétits, un certain nombre de défis restent à relever, à commencer par les questions réglementaires. Dans l'Hexagone, la réglementation autour de ces aéronefs à décollage et atterrissage verticaux (VTOL) incombe à l'Agence européenne de la sécurité aérienne (Aesa). La France, au même titre que les autres États européens, participe aux travaux sur un projet de cadre réglementaire pour la sécurisation des déplacements en Europe des futurs aéronefs VTOL. «Il s'agit de pouvoir développer avec l'industrie les meilleures innovations technologiques pour la sécurité et l'environnement, et pour une compétition juste entre fabricants», affirmait Patrick Ky, le directeur général de l'Aesa, en juillet 2019.

Sur de tels projets réglementaires, toute la complexité est de fournir une certaine souplesse au niveau des normes techniques afin de promouvoir l'innovation sans pour autant rogner sur la sécurité la plus stricte (notamment en zone urbaine et pour le transport commercial de passagers). L'agence européenne discute aussi avec ses homologues à l'étranger, et notamment la FAA, le but est d'ériger des normes communes.

Un rôle dans la mobilité du futur encore à définir

Outre les aspects réglementaires, de nombreuses questions restent encore à résoudre avant le lancement de ces services à grande échelle. La sécurité tout d'abord, même si de par leur conception ils sont bien moins dangereux qu'un hélicoptère. Ils seront aussi moins cher, mais toujours beaucoup plus coûteux que le taxi. Pour qu'ils soient rentables, il faudra qu'un nombre suffisant de personnes puissent y accéder et que le gain de temps sur le trajet soit réel.

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