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Stockage électrique, le faux problème de l'intermittence
Le stockage de l'électricité, même produite de manière intermittente par les énergies renouvelables, n'est pas un frein à la transition énergétique. Les solutions existent.
On n'attrape pas des mouches avec du vinaigre. Quand EDF annonce un plan stockage électrique de 8 milliards d'euros pour installer 10 gigawatts (GW) de nouvelles capacités dans le monde d'ici 2035, c'est qu'il a un objectif. Et ce n'est pas uniquement celui de "développer un système électrique 100 % décarboné d'ici à 2050", comme annoncé dans sa communication. Si son plan concerne à 80 % l'installation de batteries au service de grands systèmes électriques ou de l'autoconsommation, il vise également l'installation de 2 GW de stations de transfert d'énergie par pompage (Step), principalement dans l'Hexagone. Or, les deux principaux projets français de Step d'EDF, l'un dans la vallée de la Truyère (Aveyron) et l'autre sur la Dordogne, sont bloqués.
Ce plan met en lumière une réalité. Le stockage d'énergie électrique ou thermique n'est pas un obstacle au développement des énergies renouvelables. Ni en France, ni ailleurs.
Pas dans un avenir proche
"Le stockage ne sera jamais bloquant pour le développement des énergies renouvelables. Dès que l'on sentira un déséquilibre, il y aura quelqu'un pour y répondre", prévoit Luc Payen, expert énergie chez Enea Consulting. En Europe, "le réseau est l'outil de stockage le plus efficace qu'on puisse imaginer. Les Danois sont à plus de 40 % d'énergies renouvelables et n'ont toujours pas besoin de stockage supplémentaire", rappelle Marc Jedliczka, le porte-parole de l'association né-gaWatt. Mais il n'y a pas de réponse unique.
Le stockage stationnaire répond à trois types de besoins. Le premier concerne la réserve primaire des réseaux électriques, pour maintenir la fréquence. Aujourd'hui, ce service est fourni par des actifs de production d'électricité thermique classique de type centrale à charbon ou à gaz. "Les batteries peuvent parfois faire mieux", observe Luc Payen. Preuve a été faite dès 2011 aux États-Unis, puis en Allemagne et, en 2016, au Royaume-Uni, où EDF Energy Renewables installe actuellement 49 MW de batteries sur le site de West Burton. En Europe, on aura besoin de 3 GW de batteries de ce type, selon Enea consulting. Outre les batteries lithium-ion, les volants d'inertie pourraient y répondre. Ils sont plus durables, ne contiennent pas de matériaux critiques, mais sont plus compliqués à gérer et plus chers. Depuis les premiers essais aux États-Unis, plus personne n'en installe.
Le deuxième besoin est celui du stockage centralisé d'électricité pour gérer les pics de consommation et valoriser le MWh. Les 5 GW de Step installés en France dans les années 1980 par EDF répondent à cette logique. Techniquement, les batteries pourraient aussi remplir ce service à plus petite échelle. Elles sont plus modulaires et s'installent partout. La Jamaïque va ainsi installer 15 GW de batteries pour faire de la réserve primaire. Mais globalement, une Step coûte moins cher, au MW, que des batteries. Le stockage d'électricité dans le monde reste à 98 % hydraulique.
Un investissement de 103 milliards de dollars
Le troisième besoin de stockage stationnaire se situe chez les consommateurs - particuliers ou entreprises -, pour optimiser l'autoconsommation et écrêter les pics de consommation. Les États-Unis et l'Australie sont à la pointe. Mais les batteries ne sont pas les seules réponses. "En France, si on connectait les ballons d'eau chaude [pour un stockage par chaleur, ndlr], on n'aurait pas besoin de capacité de stockage supplémentaire avant 2025", relève Luc Payen. En revanche, "utiliser les batteries de voiture électrique pour le stockage n'aurait pas de sens, mais elles pourraient servir à réguler le réseau et piloter la charge", insiste Marc Jedliczka.
Dans tous les cas, de quelques gigawattheures aujourd'hui, les besoins de stockage d'électricité stationnaire dans le monde devraient atteindre 305 GWh d'ici à 2030, nécessitant 125 GW de capacités de stockage supplémentaires et un investissement de 103 milliards de dollars sur quinze ans, selon une étude de Bloomberg New Energy Finance de novembre 2017. À l'horizon 2050 en revanche, si les scénarios 100 % renouvelables se réalisent, les options Step et batteries - lithium-ion ou à circulation (dite Redox) -, qui commencent à émerger ne vont pas suffire.
Comment valoriser les excédents de production
Jusqu'à 50 à 60 % d'énergies renouvelables variables dans le réseau, les infrastructures de réseau sont suffisantes, estime négaWatt. Au-delà, le problème sera davantage de valoriser les excédents de production que l'intermittence. "On aura besoin de déplacer cette énergie de l'été vers l'hiver. Pour cela, il n'y a pas d'autre réponse possible que le power-to-gas", estime Marc Jedliczka. Il s'agirait alors de stocker l'électricité renouvelable sous forme d'hydrogène produite par électrolyse, voire transformée par méthana-tion en gaz de synthèse après captation de CO , qui pourrait être réinjecté dans les réseaux de gaz. EDF n'y croit pas. En-gie mise à fond sur l'hydrogène vert, autant pour la mobilité que pour le stockage. "L'un des seuls stockages additionnels utilisables aujourd'hui de manière non polluante est l'hydrogène", confirme Florence Lambert, la directrice du CEA-Liten. Pour le stockage de masse à long terme, la piste du stockage d'énergie par air comprimé, toujours explorée dans les laboratoires, bute sur des questions thermodynamiques, qui plombent ses rendements.
Mais attention, "les technologies de power-to-gaz sont pertinentes si on a un réseau de gaz", rappelle Stéphane Biscaglia, ingénieur à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Et le marché français n'est pas représentatif du marché global. Il faut regarder au moins à l'échelle européenne. Voire beaucoup plus loin. "Dans les pays qui ont des raccourcis énergétiques, on aura des surprises sur des solutions de stockage", prévient Florence Lambert. En Afrique subsaharienne ou en Inde, la question du stockage ne se limite pas à l'accès à l'électricité avec des kits solaires. Il faudra fournir des solutions de production et distribution d'électricité décentralisées efficientes pour porter l'économie et des transports non polluants. Les français Saft et Blue Solutions (Bolloré) y travaillent. Ils ne sont pas les seuls.
"EDF investira avec des partenaires financiers et industriels"
Alexandre Perra , responsable du plan stockage électrique d'EDF
Comment a été dimensionné le plan stockage d'EDF ?
Le plan vise à installer 10 GW de nouvelles capacités de stockage dans le monde d'ici 2035. C'est près de 5 % des besoins estimés à cet horizon. Et c'est une belle ambition au regard des 2 % de la puissance mondiale qu'opère EDF avec 130 GW installés sur un total de 6 500 GW dans le monde. Pour mémoire, 98 % des moyens de stockage électrique dans le monde sont des stations de transfert d'énergie par pompage (Step). Mais ce qui va changer la donne, aujourd'hui, c'est la batterie, qui ne pèse que 2 %. Nous avons bâti nos hypothèses sur les projections mondiales de besoin en stockage stationnaire de Bloomberg New Energy Finance.
Comment se décompose-t-il ?
Le plan stockage prévoit l'installation de 10 GW de nouvelles capacités de stockage dans le monde en plus des 5 GW de Step déjà opérés par EDF.
Il cible trois marchés. Le premier représente peu en puissance installée, mais est très important en soi : c'est celui de l'accès à l'électricité.
Nous visons 1,2 million de kits solaires installés en Afrique subsaharienne d'ici à 2035. Le deuxième marché est celui de l'équilibrage des grands systèmes électriques. C'est un marché mondial.
Le plan prévoit l'installation de 6 GW, dont 2 GW de Step, essentiellement en France, et 4 GW de batteries.
Le troisième marché est celui l'autoconsommation avec stockage, soit 4 GW de batteries installés chez nos clients en France, au Royaume-Uni, en Belgique et en Italie. Nous tablons sur 10 % à 15 % de parts de marché.
Mais dans l'autoconsommation, ce sont les clients qui payent les batteries ?
C'est exact. C'est pourquoi les 8 milliards d'euros d'investissement annoncés dans le plan stockage porteront essentiellement sur le marché des systèmes électriques, pour financer des Step ou de grands systèmes de batteries. EDF investira avec des partenaires financiers et industriels, comme dans les énergies renouvelables.
Comment EDF compte-t-il s'imposer sur ce marché ?
Notre métier consiste à monter les projets, sélectionner les fournisseurs, intégrer les technologies et les dimensionner aux besoins du réseau grâce aux savoir-faire de notre filiale Store & Forecast. Nous tirerons aussi parti de l'expérience de la gestion des réseaux complexes d'EDF SEI (systèmes énergétiques insulaires). Nous allons également investir dans l'innovation en consacrant 70 millions d'euros à la R & D sur le stockage entre 2018 et 2020. Enfin, pour capter l'innovation au-delà d'EDF, notre filiale EDF Nouveaux Business consacrera 15 millions d'euros aux questions de stockage et de flexibilité dans les deux ans qui viennent.
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