Speedy : un robot archéologue pour explorer les épaves en Méditerranée
Le robot sous-marin Corsaire 1 Speedy va débuter cette semaine sa seconde campagne d'expérimentation. Après des premiers tests sur l'épave de La Lune à Toulon, il explorera les fonds marins à proximité de Marseille. L'objectif : tester les nouveaux équipements de collecte d'objets et de cartographie 3D.
C'est un travail minutieux que celui de l'archéologue. Bien plus encore lorsque son terrain de fouille se trouve à des centaines de mètres de profondeur. Pour permettre aux archéologues d'atteindre des lieux inaccessibles, le laboratoire d'informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier (LIRMM) a développé un prototype de robot archéologue. Cette semaine, le robot descendra jusqu'à 1 000 mètres de profondeurs en Méditerranée, près de Marseille. Cette nouvelle expérimentation permettra aux chercheurs de tester les nouveaux équipements destinés à la collecte d'objets et la cartographie 3D des lieux.
Baptisé Corsaire 1 Speedy, ce robot entre dans le projet Corsaire Concept piloté par le ministère de la culture (DRASSM) et le FDS Med. Débuté en 2012, le projet a pour objectif de développer des systèmes robotiques pour l'intervention et la cartographie 3D à 2 000 mètres de profondeur. Il réunit des laboratoires du CNRS (Institut Pprime, IRCCYN ...) ainsi que des petites entreprises (A-Corros, Becom-D, Techno Concept).
Une première campagne expérimentale s'est déroulée en octobre-novembre 2014 à Toulon sur l'épave de La Lune, un navire de guerre de Louis XIV qui avait sombré en 1664. Un chantier "facile" d'accès pour le robot - 90 mètres de profondeur qu'il atteint en 5 minutes - qui reste, selon Vincent Creuze, responsable scientifique du projet, inaccessible à l'homme sur les longues durées. L'épave sera à nouveau explorée à l'automne prochain, avec le test d'une nouvelle configuration : une flotte de trois robots "seconde génération", plus rapides et plus agiles.
Une restitution de l'effort jusqu'à 2 000 mètres de profondeur
Corsaire 1 Speedy mesure 70 centimètres d'envergure, pèse 30 kilos et est doté d'une main à trois doigts de 1,5 fois la taille de celle d'un homme. « A la fin du projet, le robot devrait être "un tout petit peu plus gros" et posséder une main avec plus de doigts », précise Vincent Creuze. « Les modifications se feront dans la conception mécanique de la main », et seront apportés par la société Techno Concept, située à Loupian (34).
Cette dernière travaille plus exactement sur les modifications du mécanisme de la main, et sur son verrouillage mécanique pour sécuriser la préhension de l'objet. Bien que le nombre de doigts ne soit pas communiqué, on peut penser que la main sera équipée de cinq doigts pour s'approcher au plus près de la main de l'archéologue humain.
Le robot-archéologue n'est pas autonome. Il répondra aux commandes d'un archéologue le guidant via une interface haptique. Ce système, embarqué sur le bateau, comprend un joystick multi-boutons et multi-axes, un clavier et trois écrans vidéos. La poignée motorisée restitue l'effort comme si l'archéologue travaillait à la place du robot. « Le challenge ne se situe pas dans la restitution de l'effort, puisque cette technologie haptique existe. Ce qui est compliqué, c'est de la faire fonctionner à 2 000 mètres de profondeur ». La pression régnant à 2 000 mètres est de 200 bars (200 kg/cm2). L'objectif est de rapporter des échantillons dans une caisse qui sera dissociée du robot, mais en ne faisant que des efforts très mesurés, équivalents à un poids de quelques dizaines de grammes, pour ne pas abimer l'élément de patrimoine inspecté.
Pour être les yeux et les mains du robot, l'archéologue - via le système de guidage présent sur le bateau - est relié au robot grâce à un système filaire. Ce dernier, composé de fibres optiques, permet à la fois un retour vidéo en temps réel (grâce à ses caméras) et l'alimentation du robot en électricité. Pour le moment, ce système est préservé mais une solution plus pratique, sans fil, via un modem, sera testée à l'automne. « Le câble peut effectivement poser un problème : notamment lorsque le système sera composé de plusieurs robots. Une partie du projet consiste à étudier le problème, notamment pour prévenir le mélange des câbles », précise Vincent Creuze.
Le système robotique complet Corsaire sera finalisé dans 4 ans et pourrait bien être commercialisé l'année suivante. Conçu dans un premier temps pour explorer les épaves profondes, un travail d'archéologue, le robot pourra avoir d'autres applications telles que les interventions sur les lieus de catastrophes pétrolières offshore, aériennes ou maritimes. « Ces robots sont conçus pour fonctionner dans l'obscurité et dans la vase, précise Vincent Creuze. Ils sont dotés de sonars et systèmes pour voir dans la boue. La main, quant à elle, permettra de voir à tâtons et les systèmes de localisation et de perception des obstacles lui seront utiles ».