"Solvay est un fournisseur clé dans les composites pour l'aéronautique", affirme son patron Jean-Pierre Clamadieu
Attiré par le dynamisme du secteur, le chimiste Solvay passe à l’offensive dans l’aéronautique. Après avoir finalisé l’acquisition de Cytec en décembre dernier pour 5 milliards d’euros, le groupe a multiplié début 2016 les annonces de contrats de fourniture de matériaux avec Airbus et Boeing. Pour comprendre les ambitions de Solvay, L’Usine Nouvelle a interrogé son PDG, Jean-Pierre Clamadieu.
L’Usine Nouvelle- Pouvez-vous revenir sur les raisons qui vont ont poussé à acquérir Cytec ?
Jean-Pierre Clamadieu- Nous avions déjà chez Solvay une position forte dans les polymères de spécialités, des matériaux qui offrent des solutions d’allègement dans des secteurs comme l’automobile, les smartphones ainsi que le domaine médical. Nous voulions continuer dans cette direction, avec deux entrées : par une technologie de rupture et avec la volonté de se diriger vers des temps de développements plus longs pour lisser les effets de cycles. S’il faut jusqu’à deux ans pour développer un smartphone et six ou sept ans dans l’automobile, les temps de développement dans l’aéronautique peuvent atteindre vingt ans.
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C’est à partir de ce constat que vous avez ciblé le secteur aéronautique ?
Oui, mais la question s’est posée de savoir comment y entrer et avec quelles technologies. Les composites étaient la bonne réponse. Nous avons alors jeté notre dévolu sur Cytec, qui réalise la moitié de son chiffre d’affaires dans l’aéronautique, soit un milliard d’euros. Avec cette acquisition nous prenons tout de suite la place de numéro deux pour les composites dans l’aéronautique, derrière l’américain Hexcel.
Avec cette acquisition, quelles sont aujourd’hui vos ambitions dans ce secteur ?
Je préfère ne pas donner de chiffres à ce stade, mais nos ambitions sont grandes. Les composites prennent de plus en plus de place dans les avions et on bénéficie en plus du développement des volumes de production. Dans l’aéronautique, nous avons un beau potentiel de croissance devant nous. Via nos polymères spéciaux, nous allons fournir Airbus pour son programme A350 en mousses, plus résistantes que des matériaux à structure alvéolaire, destinées notamment aux parois d’aménagement de la cabine de l’avion. Ce produit vient d’être certifié.
Dans quels autres programmes êtes-vous engagé grâce à l’acquisition de Cytec ?
Solvay est le fournisseur exclusif de composites pour les pièces de structures du F-35 de Lockheed Martin. Solvay fournit aussi des pièces composites pour la partie froide du moteur Leap de Safran. Je peux également citer le 777X de Boeing, le C919 de Comac et le CSeries de Bombardier. A termes, nous visons toute la gamme des matériaux innovants non métalliques dans un avion, des pièces de structure aux pièces secondaires et les pièces d’aménagement des cabines. Nous sommes un fournisseur clé dans les composites pour l'aéronautique.
Comment comptez-vous vous différencier face à la concurrence, en particulier les groupes Hexcel et Toray ?
L’enjeu c’est le contenu technologique, c’est d’être capable à apporter une solution différenciante. Aujourd’hui, les composites thermodurcissables sont majoritaires dans les grandes structures dans l’aéronautique. Ils permettent de produire des pièces aux caractéristiques mécaniques très bonnes, mais les processus de production sont contraignants et ces pièces ne peuvent être modifiées après fabrication. Nous préférons miser sur les thermoplastiques. Solvay était déjà positionné sur ces produits, dont le comportement se rapproche de celui des métaux dans la mesure où les pièces peuvent être déformées en les chauffant. Notre ambition est de devenir un leader dans les applications des composites thermoplastiques pour l’aéronautique.
Comment un chimiste peut-il se faire une place dans ce secteur ?
Nous serons capables d’apporter des innovations en matière d’optimisation de coûts de production et de mise en forme des pièces et leurs caractéristiques. Notre deuxième axe de développement de produits concerne les polymères de spécialités qui peuvent être mis en œuvre dans les équipements de la cabine. Avant Cytec, nous étions effectivement perçus comme outsider par les avionneurs. Aujourd’hui, ils nous considèrent comme un fournisseur stratégique. Plutôt que de parier sur les forts volumes, nous misons sur les solutions à haute valeur ajoutée. C’est comme ça que nous allons gagner du terrain. Pour ce qui est de fournir des pièces pré-formées, cela reste un sujet de réflexion.
Propos receuillis par Olivier James
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