[SNCF] "Les dernières annonces du gouvernement remettent en cause la sincérité du débat", estime Didier Aubert, CFDT Cheminots
Alors que l’intersyndicale de la SNCF vient d’annoncer ne plus vouloir négocier avec la ministre des Transports Elisabeth Borne, suite aux annonces du gouvernement sur les points en négociations, Didier Aubert, le secrétaire général CFDT Cheminots, répond aux questions de l’Usine Nouvelle.
L'Usine Nouvelle - Pourquoi avoir décidé de ne plus discuter avec Elisabeth Borne ?
Didier Aubert - On s’interroge sur la liberté de manœuvre de la ministre des Transports pour négocier. Les dernières annonces du gouvernement, notamment sur la date de la fin des embauches au statut remettent en cause la sincérité du débat. Or, le ministère avait précisé au préalable que ce point était en négociations avec les syndicats. Du coup, on a choisi d’écrire au Premier ministre pour caler la méthode de négociations.
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Remettez-vous en cause l’ouverture à la concurrence ?
On ne partage pas le principe, mais c’est inévitable et il faut l’aménager. Sur le statut des cheminots, nous ne sommes pas d’accord non plus, mais nous voulons bien discuter. L’accord de branche deviendra la règle. On dit : laissez-nous le temps de créer un nouveau modèle social. Il n’est pas possible d’avoir terminé dans les délais imposés par le gouvernement. Nous négocions déjà depuis deux ans avec l’UTP (Syndicat patronal des transports publics, Ndlr]. Et nous avons proposé que lorsque nous aurons fini cette négociation, nous organisions un référendum auprès des cheminots pour valider l’accord. C’est une vraie innovation. Or le lendemain, Matignon fixe la date de la fin de l’embauche au statut. Et annoncer que 130 000 cheminots vont conserver leur statut, c’est faux. Quand ils seront transférés, ils perdront leur statut. Quant au régime des retraites, on sait bien que la future loi le remettra en cause.
Le recours au volontariat sera-t-il suffisant ?
Si la mariée est belle, les cheminots n’auront pas de raison de refuser un transfert. Si rien n’est calé, si aucune garantie de retour n’est actée, la situation sera différente. Si un cheminot a accepté son transfert et qu’à la fin du contrat l’opérateur n’est pas reconduit au profit de la SNCF, dans quelles conditions se fera son retour ? Il doit retrouver son statut comme s’il ne l’avait jamais quitté.
A la CFDT, on a senti par la voix de votre secrétaire général Laurent Berger un désir de négocier il y a quelques jours ?
Nous avions proposé une vingtaine d’amendements sur le transfert du personnel, afin d’obtenir des garanties sociales et de favoriser le volontariat. Quelques avancées avaient été enregistrées, mais cela s’est arrêté tout de suite.
"Le gouvernement autorise SNCF Réseau à emprunter 1,5 milliard d’euros par an"
Sur la reprise de la dette, êtes-vous rassuré ?
Pour le débat sur le désendettement, ils sont incapables de répondre. On est dans l’impréparation la plus complète. Rien n’est réellement arrêté. La dette, c’est solder les décisions du passé. Quand le gouvernement dit qu’il met beaucoup d’argent pour régénérer le réseau, c’est faux. Il autorise SNCF Réseau à emprunter 1,5 milliard d’euros par an, ce qui engendre du déficit structurel supplémentaire. Ils nous disent que le montant de la reprise de la dette est négociable avec les syndicats, mais c’est faux. Le gouvernement est complètement hors sujet. A aucun moment, sa réforme améliorera le service et résoudra le problème des 9000 kilomètres de petites lignes.
Et la filialisation de Fret SNCF vous a pris de court ?
Le fret ferroviaire, ce n’est pas un problème d’être privé ou public. Pour le relancer il faut une initiative forte de l’Europe, notamment sur le transport international et en transit. Il faut une taxe écologique sur les poids-lourds. Sinon, c’est voué à l’échec. Et en filialisant Fret SNCF, la direction ne dit pas clairement avec qui elle va travailler. On comprend qu’il s’agit de salariés avec des conditions sociales abaissées. C’est une vision très libérale.
Sur le changement de statut de la SNCF, le gouvernement a donné des garanties contre tout risque de privatisation ?
La loi parle de la société de tête, pas des sociétés filles. On n’entend plus parler de groupe public ferroviaire. Quand il n’y a pas de réponse on peut envisager le pire.
Et Gares & Connexions ?
Nous sommes favorables à son intégration dans SNCF Réseau, mais pas à sa filialisation. Il faut garder les bijoux de famille au chaud et éviter une future vente à la découpe comme pour les aéroports.
La mobilisation des grévistes ne risque-t-elle pas de s’essouffler comme semble le montrer les chiffres de la direction ?
Le nombre de grévistes a augmenté entre le 18 et le 19 avril. Nous demandons les chiffres par établissements. La direction est incapable de les donner. Et le véritable indicateur est le nombre de trains qui roulent.
Propos recueillis par Olivier Cognasse
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