Silver entrepreneur ou comment réinventer sa seconde partie de carrière
Le vieillissement de la population et l’âge de départ à la retraite relancent l’épineux débat autour de l’emploi des seniors. Comment l’améliorer, le prolonger et l’adapter ? Une réponse semble se dessiner : l’émergence des Silver entrepreneurs, ces travailleurs de plus de 45 ans qui voient dans le freelancing une réelle opportunité de réinventer leur seconde partie de carrière. Décryptage d’une tendance en plein essor.
Silver entrepreneurs : qu’y a-t-il derrière cette tendance ?
Chaque année, en France, plus de 180 000 personnes de plus de 45 ans créent leur entreprise, selon les chiffres de l’Insee publiés en 2017. Selon un rapport du Global Entrepreneurship Monitor (GEM), le nombre d’entrepreneurs de plus 50 ans dépasse celui des entrepreneurs de moins de 30 ans (données entre 2009 et 2016). Pas si étonnant quand on sait que le nombre de plus de 60 ans devrait atteindre les 30 millions d’ici l’horizon 2030 (contre 15 millions en 2016) dans l’hexagone. Et cette tendance des Silver entrepreneurs va s’accélérer.
En effet, expérimentés, munis d’un réseau fourni et experts dans leur domaine, leur parcours rassure. Ces profils sont souvent perçus comme plus fiables que les jeunes indépendants. Alors que les employeurs hésitent à les embaucher dans le cadre d’un contrat salarié classique, ces derniers intègrent volontiers les Silver dans le cadre de missions freelance sur des domaines d’expertise ou de management de transition.
Comment expliquer l’essor des entrepreneurs seniors ?
- L’augmentation “forcée” du taux d’emploi des seniors : la fin des systèmes de pré-retraite ont participé à l’accroissement du taux d’emploi des 55-64 ans depuis vingt ans (36,5% en 2003 et 52,7% en 2019 d’après l’Insee). Mais les entreprises restent frileuses quant à leur embauche souvent perçue comme un coût, d’où le recours à l’alternative freelance.
- Un retour à l’emploi compliqué : même si le taux de chômage des seniors (6,9% selon les chiffres 2019 du Ministère du travail) est en dessous de la moyenne nationale, sa durée reste plus longue. Selon la Cour des Comptes, plus d’un tiers des demandeurs d’emploi de 50 ans ou plus l’étaient depuis plus de 2 ans, contre 22,3 % de l’ensemble des demandeurs d’emploi. Forcés de se renouveler après 50 ans, ces ex-salariés préfèrent se tourner vers la création d’entreprise.
- L’engouement des français pour le freelancing : aujourd’hui, seuls 34% des salariés détiennent un CDI dit fordiste à savoir avec un seul employeur, à temps plein et à horaires fixes, comme l’explique l’expert en statistiques Claude Picart dans une étude « Références Emploi et salaires » réalisée pour Insee, en avril 2014. En effet, depuis quelques années d’autres formes d’emplois ont la quote dont le freelancing : la France compte 930 000 freelances, soit une progression de 145% en 10 ans, d’après une étude intitulée « Le freelancing en France en 2019 : état des lieux » (Malt, 2019). L'entrepreneuriat a également conquis les quinqua/sexa en quête d’indépendance.
- Des carrières plus séquencées et protéiformes : dans leur ouvrage “The 100-Year Life : Living and Working in an Age of Longevity”, Lynda Gratton et Andrew Scott estiment que l’on devra renouveler nos compétences de manière à mener quatre à six carrières différentes. L’après 45 ans fait donc partie des cycles professionnels, et les seniors souhaitent lui donner plus de sens en choisissant le format qui leur convient.
Une opportunité de réinventer sa carrière... à condition d’être soutenu
Pour les seniors, l’entrepreneuriat est une manière de retrouver leur place sur le marché de l’emploi et de valoriser leurs compétences ou expertises et de les transmettre en entreprise. D’ailleurs, les chiffres montrent que ce sont eux qui réussissent le mieux : selon l’étude du MIT d’avril 2019 par Pierre Azoulay, la réussite des plus de 50 ans est supérieure à celle des créateurs d’entreprises plus jeunes.
Pourtant, une autre enquête The Global Entrepreneurship Monitor (GEM) met en évidence que les plus de 50 ans ont besoin d’accompagnement spécifique dans l’aventure entrepreneuriale. En effet, le monde du travail étant en hyper-mutation, il s’agit d’apprendre à décrypter les outils numériques, les nouveaux modèles organisationnels et économiques et de bien réfléchir à la préservation de leur patrimoine. De nouveaux acteurs - RH, sociaux ou tech - se positionnent sur ce marché et ouvrent la voie pour sécuriser et valoriser ces nouveaux parcours atypiques :
- Les agents de talents dont la vocation est d’accompagner les actifs tout au long de leur parcours professionnels grâce à un écosystème complet (conseils, réseaux…) et adapté à chaque séquence de la carrière.
- Les réseaux dédiés aux 45 ans et plus : l’Eustache club créé par Loic Richer promeut l’entrepreneuriat des Silver, met en lumière les atouts de ce public auprès des entreprises et organise des événements pour favoriser le partage d’expériences.
- Les start-up tech en faveur de la diversité : Mixity.co pousse les entreprises à prendre conscience de leur “empreinte diversité”. Ils utilisent notamment la “data intelligence” pour les encourager à innover en matière d’inclusion. Une étape indispensable pour ouvrir les employeurs à la richesse des publics seniors.
Concluons avec les mots de Thomas Schøtt, co-auteur du rapport du GEM de 2017 : “il est temps que nous arrêtions de penser à cette tranche démographique comme un poids, que nous la reconnaissions plutôt comme un atout”.
Mathieu Libessart
Directeur Progressive Recruitment, marque du Groupe Sthree
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