Safran : cinq défis pour le nouveau tandem Petitcolin-McInnes

[Actualisé] - Le 5 décembre, le conseil d'administration du groupe Safran a choisi un tandem pour remplacer Jean-Paul Herteman, l'actuel PDG, dès avril 2015. Philippe Petitcolin et Roy McInnes dirigeront désormais l'équipementier aéronautique français. La feuille de route industrielle du groupe d'aéronautique et de défense français en cinq points.

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Safran : cinq défis pour le nouveau tandem Petitcolin-McInnes

Le 5 décembre, le conseil d'administration de Safran a choisi un tandem pour remplacer l'actuel PDG de l'équipementier, Jean-Paul Herteman, à partir d'avril 2015.

Philippe Petitcolin (actuel PDG de la filiale sécurité Morpho) assurera les fonctions de directeur général et Roy McInnes (actuel directeur général délégué chargé des finances) celles de président du conseil. Pour ce tandem, la feuille de route est claire. Les priorités industrielles de Safran sont, dans les grandes lignes, déjà définies.

Discret, ce groupe du CAC40 (près de 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2013), issu de la fusion, en 2005, de Snecma et Sagem, a pourtant développé une large palette de solutions technologiques de pointe.

Il tient une position de choix grâce à ses multiples filiales (Snecma, Aircelle, Morpho, Turbomeca, Labinal Power Systems…) dans l’aéronautique, la défense, la sécurité et le spatial. Quelles seront les principales missions des nouveaux dirigeants ?

1/ Assurer la montée en cadence de production du moteur Leap

7800 commandes à honorer ! C’est le niveau, sans cesse croissant, atteint par le moteur d'avion Leap. Son grand frère, le CFM 56, vendu à 26000 unités, est LE best-seller mondial de la motorisation aéronautique. Le Leap, destiné aux monocouloirs, semble emprunter le même chemin. Il est lui aussi conçu, développé et produit par CFM International, joint-venture à 50/50 entre la filiale Snecma de Safran et General Electric. Au français les parties dites "froides" du moteur, à l’américain les parties "chaudes". Le tout vendu à trois clients, mais décliné sous trois modèles différents avec quelques variantes : le Leap-1A pour l’Airbus A320neo, le Leap-1B pour le Boeing 737MAX et le Leap-1C pour le C919 de Comac.

Ce succès commercial, qui s’explique par la moindre consommation de carburant de ce moteur, doit encore se concrétiser en succès industriel, les premiers vols n’étant prévus qu’en 2016. La maîtrise de la montée en cadence de production de ce moteur constitue donc un axe majeur pour Safran. Un point critique, alors même que le groupe va devoir produire dès 2019 l’équivalent d’un moteur d’avion toutes les cinq heures, soit 1 800 par an.

Le groupe achève de mettre en place les pièces du puzzle : choix des 300 fournisseurs directs, construction d’une nouvelle usine à Commercy (Meuse) pour les aubes et carters de turbine en composites tissés 3D, création d’un centre de R&D à Itteville (Essonne), mise en place d’une équipe dédiée au contrôle de la hausse des cadences… Nul doute que le nouveau patron veillera à la production du Leap comme le lait sur le feu.

2/ Diversifier l’offre industrielle dans les moteurs

Loin de se cantonner aux moteurs pour les monocouloirs de l’aviation commerciale, Safran compte bien se tailler la part du lion dans d’autres segments. Un combat industriel que le nouveau patron devra mener malgré l’âpre concurrence qui caractérise le secteur. Suivant les segments, les concurrents ont pour nom General Electric, Rolls-Royce et Pratt & Whitney. Le groupe vient de poser un premier jalon dans l’aviation d’affaires : Dassault Aviation a choisi en 2013 le flambant neuf Silvercrest pour équiper son Falcon 5X. Quel autre avionneur pourrait opter pour ce moteur ?

Depuis plusieurs années maintenant, Safran cherche aussi à se positionner sur le marché des moteurs pour turbopropulseurs (avions à hélice). Une première étape en ce sens vient d’être franchie en novembre 2014 : Snecma va créer une coentreprise à 50-50 avec SAIC, filiale du chinois Avic, afin de développer des turbopropulseurs pour l’aviation commerciale. D’ici cinq à sept ans, le groupe devrait proposer un nouveau moteur. On imagine que le nouveau patron tentera de décider la direction de l’avionneur ATR (société commune entre Airbus et Finmeccanica) à se lancer dans un appareil de plus de 90 places.

Quant aux moteurs du futur, qui remplaceront le Leap, Safran se penche en particulier sur l’open rotor (turboréacteur muni d’une soufflante non carénée). Le choix de développer un tel moteur devrait être pris par la direction de Safran entre 2017 et 2020.

3/ Devenir leader dans l’avion plus électrique

Le regroupement dans une même entité des activités dédiées à l’avion plus électrique début 2014 marquait une étape décisive. Avec sa nouvelle filiale Labinal Power Systems, Safran se positionne en première ligne : son chiffre d’affaires est estimé à 1,4 milliard d’euros, soit environ 10% du chiffre d’affaires total du groupe, et elle emploie 12 000 salariés (20% du groupe). Objectif : développer des solutions qui permettront d’augmenter la part faite à l’électrique dans les avions afin de limiter la consommation des réacteurs, aussi bien au niveau de la ventilation, que de la pressurisation, des freins ou bien encore des systèmes antigivrage. Exemple de projet : celui intitulé "Electric Green Taxiing System", mené avec l'américain Honeywell. Il vise à munir le train d’atterrissage principal d’un moteur électrique.

La direction de Safran va devoir veiller à ce que cette filiale parvienne à monter à bord des grands programmes actuels, comme l’A350, l’A320neo, le B787 et le B737MAX. Egalement dans le viseur, les équipements dans les turbopropulseurs, les hélicoptères et les avions d’affaires.

4/ Consolider les positions dans la sécurité

Objectif de la nouvelle équipe : accélérer la dynamique acquise par Morpho, sa filiale spécialisée dans les technologies de contrôle d’accès (biométrie), d’identification numérique, de détection d’explosifs… Les activités Sécurité dirigées par Philippe Petitcolin représentent environ 10% du groupe, aussi bien en chiffre d’affaires qu'en effectifs. Entre 2005 et 2013, cette activité a été multipliée par cinq notamment grâce à des acquisitions réalisées sur le marché nord-américain.

Safran vise notamment avec toutes ces solutions à équiper les aéroports du futur et à fournir le marché de l’identification numérique. Discret sur ces applications, le groupe n’en est pas moins reconnu. Des exemples ? Safran fournit aux États-Unis la technologie de reconnaissance des empreintes digitales utilisée par le FBI. En Inde, il a mis en place le système de la carte d’identité biométrique. Toutefois, la rentabilité de cette activité a souffert en 2013 du fait de la forte concurrence internationale. Dès lors, l’objectif fixé d’atteindre une croissance deux fois supérieure à celle de la branche aéronautique paraît plus qu’ambitieux.

5/ Se faire une place de choix dans l’industrie spatiale

Dans le secteur spatial, le défi est considérable. Il est à la fois technique, commercial et stratégique. Il faudra impérativement réussir le décollage de la nouvelle société commune rassemblant les actifs spatiaux de Safran et Airbus Group. Cette société est l’initiative majeure qui a déclenché la réorganisation industrielle du secteur spatial européen et qui a rendu possible la décision de lancer la future fusée Ariane 6. L’entreprise baptisée Airbus Safran Launchers sera opérationnelle en janvier prochain, forte de 450 collaborateurs.

Ce n’est qu’un point de départ. Elle va se renforcer au fur et à mesure de l’avancée des travaux de la nouvelle fusée européenne dont le premier vol est prévu en 2020. Airbus Safran Launchers devrait aussi étendre son portefeuille d’activités en absorbant à moyen terme Arianespace, chargé de la commercialisation des différents lanceurs tirés depuis Kourou (Ariane, Vega, Soyouz…). En 2016, Airbus et Safran joindront également leurs actifs industriels et R&D liés au secteur spatial, civils comme militaires.

Olivier James et Hassan Meddah

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