Retrait de l'offre de Technip sur CGG : "les deux groupes sortent fragilisés"
Technip a finalement renoncé à son offre sur CGG, faisant échouer la consolidation franco-française qui se profilait dans le parapétrolier, un secteur fortement touché par la baisse des cours du pétrole. Sandrine Cauvin, gérante du fonds Turgot Pure Energy, décrypte pour L’Usine Nouvelle les raisons et les conséquences de cet échec des négociations.
L'Usine Nouvelle - Quel a été le principal point d’achoppement dans les négociations entre Technip et CGG ?
Sandrine Cauvin - Certainement le prix. Dès que la pré-offre de Technip a été rendue publique, CGG a publié un communiqué affirmant que le prix proposé était insuffisant. Ensuite, la décision de l’Opep [de ne pas abaisser ses quotas de production, ce qui a fait chuter plus bas encore le prix du pétrole, ndlr] a aggravé le contexte, ce qui n’a pas aidé à un éventuel relèvement de l’offre. J’avais d’ailleurs été surprise de voir Technip sortir avant la réunion de l’Opep. C’est peut-être l’erreur stratégique de Thierry Pilenko.
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Par peur d’une offre concurrente ?
On n’a vu personne se manifester depuis. Schlumberger serait un concurrent possible, mais il a lui-même allégé sa flotte de 6 bateaux. General Electric ? Ils ont déjà Alstom, ce qui réduit l’intérêt de mener d’autres achats en France. L’autre option, désormais, serait une fusion d’égal à égal entre CGG et un acteur secondaire, mais ce scénario a déjà échoué avec PGS.
La sismique marine peut-elle échapper à une consolidation ?
Il y a aujourd’hui une surcapacité incontestable. Il va falloir réduire le nombre de bateaux, d’une manière ou d’une autre. Pour cela, plusieurs scénarios sont possibles. Tout d’abord, certains acteurs du secteur sont devenus très fragiles. C’est par exemple le cas des norvégiens Polarcus (7 bateaux) et Dolphin. Si l’un des deux venait à disparaître, le secteur serait déjà assaini. L’autre option est un accord entre CGG, PGS et Schlumberger sur une réduction partagée du nombre de bateaux.
Et on dit tout et son contraire sur la position de l’Etat, actionnaire des deux entités, dans cette négociation : d’abord qu’il était à la manœuvre pour renforcer Technip, puis qu’il freinait en raison de craintes pour l’emploi…
La question de l’emploi me semble secondaire. D’une part parce que le pôle acquisition de CGG avait déjà été fortement touché par la restructuration [CGG a déjà procédé à la suppression de 10% de ses effectifs, soit un millier de personnes, ndlr]. D’autre part parce que que Technip ne prévoyait pas de suppression d’emploi, bien au contraire : Thierry Pilenko avait précisé qu’il comptait renforcer certains pôles. Même la branche acquisition n’aurait pas été cédée de manière sauvage. Le marché est difficile en ce moment, et comme CGG n’avait pas trouvé de solution, Technip aurait attendu des conditions plus favorables pour vendre.
Si vraiment l’Etat a freiné - ce dont je ne suis pas certaine - c’est pour des questions de prix. Il ne faut pas oublier que le prix de revient pour l’Etat, au moment où il est entré, était de 17 euros. Certes, à 8,30 euros, l’offre de Technip en était loin. Mais maintenant que l’action CGG a plongé sous les 5 euros, on en est plus loin encore. Et puis, en cas d’accord, l’Etat aurait revalorisé ses parts à travers sa participation dans Technip. Au final, je ne crois pas que l’Etat ait joué un rôle d’arbitre.
Finalement, les deux groupes ressortent fragilisés de cet épisode ?
Technip est en difficultés, comme tout le secteur pétrolier. Au Brésil, qui est un marché très important pour le groupe, il est menacé par l’endettement colossal de Petrobras. Et ses investissements gaziers en Afrique de l’Est, notamment au Mozambique, ont été décalés. Tous ces revers risquent de rendre difficile le renouvellement de son carnet de commandes. Si le groupe veut effectivement développer des compétences sur l’amont, ce qui aurait du sens, et ce à quoi Thierry Pilenko dit penser depuis des années, il va devoir le faire en interne, de manière organique. Et cela prendra du temps. C’est une opportunité manquée.
Quant à CGG, la société avait commencé à relever la tête avant l’offre de Technip, ce qui avait été salué par le marché suite à la publication de ses résultats intermédiaires au troisième trimestre. Alors qu’on attend les premiers fruits de la restructuration qu’ils ont menée, le contexte s’est aggravé, avec la baisse des investissements dans le secteur pétrolier. Quant à sa valorisation boursière, fortement touchée par le retrait de Technip, chaque jour de baisse dégrade encore le ratio dette nette sur fonds propres, alors que son flottant (la part de son capital détenue via la bourse) est de 89%. Sauf disparition à court terme d’un concurrent, on s’attend à des annonces qui iront dans le sens d’une nouvelle restructuration. Des cessions d’actifs ont également été évoquées, pour soulager le bilan.
Propos recueillis par Myrtille Delamarche
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