Repousser les limites de la loi de Moore grâce aux nanotubes de carbone
Dans un article publié le 28 août dans la revue Nature, des chercheurs du MIT et d'Analog Devices décrivent comment ils ont fabriqué RV16X-Nano : un microprocesseur dans lequel les 14 000 transistors utilisent des nanotubes de carbone au niveau de leur canal de conduction. Grâce à ce procédé permettant de surmonter les difficultés liées à la fabrication à grande échelle, les chercheurs estiment ouvrir une voie prometteuse pour repousser les limites de la loi de Moore.
Des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (Cambridge, Etats-Unis) et du spécialiste américain des semi-conducteurs Analog Devices ont présenté RV16X-Nano : un microprocesseur de 16-bit composé de plus de 14 000 transistors à effet de champ à nanotubes de carbone (CNFET). « Ces travaux valident par l’expérience une voie prometteuse vers les systèmes électroniques post-silicium », indiquent les chercheurs dans un article publié dans la revue Nature le 28 août.
L’ère du post-silicium fait référence aux technologies qui pourraient repousser les limites annoncées de la loi de Moore. Celle-ci veut que le nombre de transistors - brique élémentaire de l’électronique - par unité de surface au cœur des puces croisse de manière exponentielle. Mais les contraintes physiques qui viennent avec la miniaturisation amènent certains à penser que cette loi arriverait à une limite.
Dix fois moins énergivore
« En raison de la taille nanométrique et de la bonne conductivité électrique des nanotubes de carbone, les systèmes numériques construits avec des CNFET pourraient améliorer leur efficacité énergétique d’un facteur dix par rapport aux technologies silicium conventionnelles », assurent les chercheurs dans leur article. Dans Nature, Max Shulaker, physicien au MIT qui a dirigé les travaux, précise que ce facteur dix est dû au fait qu'un processeur avec des CNFET serait en théorie trois fois plus rapide et trois fois moins gourmand en énergie qu’un processeur en silicium.
D’un diamètre de l’ordre de 1 à 2 nanomètres, les nanotubes sont des feuilles d’atomes de carbone enroulées sur elles-mêmes. Dans les CNFET, ils sont utilisés au niveau du canal de conduction. D’ordinaire en matériau semi-conducteur (comme du silicium) dans les transistors classiques, cet élément est le chemin par lequel transitent les électrons entre la source et le drain en fonction de l’état du transistor : ouvert ou fermé.
Passage à grande échelle
Si des CNFET ont déjà été construits par le passé, voire intégrés en petit nombre (178) dans des microprocesseurs, le passage à grande échelle restait jusqu’à présent un défi en raison de trois difficultés majeures. Dans leur article, les chercheurs détaillent le procédé qu’ils ont mis au point pour les surmonter.
La technique de conception baptisée « Dream » (designing resiliency against metallic CNTs) permet de s’affranchir des nuisances causées par les CNTs métalliques sans pour autant les supprimer. Ceux-ci se forment naturellement et créent des fuites de courant et des dysfonctionnements car ils n’ont pas les mêmes propriétés que les matériaux semi-conducteurs. L’étape « Rinse » (removal of incubated nanotubes through selective exfoliation) permet de se débarrasser des agrégats de CNTs qui peuvent se former. Enfin, la technique Mixed (metal interface engineering crossed with electrostatic doping) permet de maîtriser la polarisation des CNFET de manière complémentaire (de type p ou n) et de contrôler leurs caractéristiques.