[Reportage] Lhyfe produit ses premiers kilos d’hydrogène vert sur son site vendéen
Créée il y a quatre ans à Nantes, Lhyfe est désormais un acteur incontournable de l'écosystème hydrogène en France et en Europe. La jeune pousse a inauguré, jeudi 30 septembre, son premier site de production d'hydrogène renouvelable, situé à deux pas de l'océan, à Bouin (Vendée). L'occasion d'annoncer avoir réalisé une levée de fonds de 50 millions d'euros, principalement destinée à renforcer ses équipes, à financer ses nouveaux projets et à investir en R&D.
Au premier étage de l’usine de Lhyfe, à Bouin (Vendée), des tuyaux de toutes les couleurs se mêlent et s’entremêlent derrière une large baie vitrée. « Le tuyau violet contient de l’eau. Le bleu fait passer de l’air comprimé, le vert, c’est le système de refroidissement. Le tuyau blanc sert à évacuer l’oxygène. Enfin, c’est dans le jaune que circule l’hydrogène ! » Casque de chantier vissé sur la tête, gilet jaune sur le dos, Antoine Hamon, le directeur des opérations de la startup française Lhyfe, mène la visite du site vendéen de Lhyfe. Au fond du local, un réservoir, un compresseur et un purificateur autour desquels serpentent les tuyaux colorés sont installés côte à côte. Plus en avant, sur la gauche, se cache un électrolyseur à peine plus grand que la Toyota Mirai à hydrogène exposée à l’entrée du site de production.
Lancée en 2017, le « pure-player de l’hydrogène » Lhyfe a fait coup double ce jeudi 30 septembre : d'une part l'annonce de la réalisation d'une levée de fonds à hauteur de 50 millions d’euros, la deuxième de son histoire, et d'autre part, l’inauguration de son premier site de production, sur le Port-du-Bec en Vendée, en compagnie de ses partenaires, d’investisseurs et de la presse. Deux nouveau investisseurs – SWEN Capital Partners et la Banque des Territoires – ont ainsi rejoint les partenaires historiques (parmi lesquels le Syndicat d’Energie de Vendée, Ovive du groupe Les Saules, Noria) de Lhyfe.
Antoine Hamon (en centre) a invité partenaires, investisseurs et journalistes à découvrir l'intérieur de l'usine. Au rez-de-chaussé, derrière la porte de gauche se trouve le convertisseur qui transforme le courant électrique alternatif issu des éoliennes en courant continu.
« L’hydrogène vert, tout le monde en parle, nous, on le fait ! a clamé Matthieu Guesné, le PDG de Lhyfe, lors d'une conférence de presse. C’est une première mondiale ! », a-t-il avancé, avant de prendre de soin de remercier, sur fond de musique galvanisante et sous les applaudissements appuyés de la salle, l'ensemble des salariés « qui sont à pied d’œuvre depuis 2019 ».
Pilotage intelligent
Au loin, les huit éoliennes de Bouin peinent à prendre de l’allure en cette journée ensoleillée. Trois d’entre elles permettent de fournir à l’électrolyseur alcalin de Lhyfe l’électricité nécessaire pour fonctionner. C’est précisément le tour de force de la pépite française : avoir inventé une usine à gaz d’un nouveau genre, qui ne s’appuie plus sur une énergie disponible sans interruption, mais sur une énergie intermittente.
« Nous avons développé de nouveaux process de démarrage et d’arrêt, un logiciel intelligent de prédiction, un système de stockage et nous avons inventé du matériel pour purifier des gaz ; tout un système qui rend possible le branchement direct de l’électrolyseur aux parcs éoliens et solaires, ou aux barrages hydrauliques, aux centrales biomasses », avait déjà détaillé M. Guesné au cours d’une longue interview pour Industrie & Technologies .
En tout, le site vendéen s’étale sur 4 000 m², dimensionné pour produire quotidiennement une tonne d’hydrogène renouvelable par jour. « Pour l’instant, nous produisons 300 kg d’hydrogène par jour. Pour augmenter les capacités de production, il nous suffira d’ajouter des stacks à notre électrolyseur », a précisé M. Hamon. Et de puiser une grande quantité d'eau ?
Antoine Hamon pointe son doigt vers une petite cuve, directement reliée à l’Océan Atlantique qui borde l'usine. « Avec 1m3, nous pouvons produire environ 100 kg d’hydrogène. En d’autres termes, avec l’équivalent en eau d’un jacuzzi, vous pouvez conduire toute l’année ! » Sur la gauche de ce réservoir à eau, une passerelle en ferraille mène vers un bâtiment en bois montée sur pilotis, doté de grandes baies vitrées. C’est le centre de R&D, installé juste en face de l’usine, principalement destiné au développement de l’off-shore.
Décarboner la mobilité lourde et l’industrie
Une tonne quotidienne d'hydrogène renouvelable serait suffisante, d’après M. Guesné, pour « alimenter tous les usages de mobilité lourde d’une ville comme La Roche-sur-Yon [la préfecture de la Vendée, près de 55 000 habitants, ndlr] », qui a déjà acquis un bus à hydrogène et compte également se doter de bennes à ordure à hydrogène dans le cadre du projet « Vallée Hydrogène Grand Ouest » (VHyGO).
Porté par Lhyfe, VHyGO vise une production de 5 tonnes d’hydrogène renouvelable par jour d’ici 2024, répartie sur dix sites de production. Au moins 20 stations-services hydrogène devraient être mises en place, alimentant environ 500 véhicules – bus à hydrogène, bennes à ordures ménagères hydrogène, poids-lourds en rétrofit (adaptés à l'hydrogène après leur construction), véhicules utilitaires légers.
Un container peut stocker jusqu'à 350 kg d'hydrogène, d'après Antoine Hamon.
Au-delà des collectivités, certains transporteurs et logisticiens basés en Vendée s’aventurent, timidement, sur la route de l’hydrogène, encouragés par l’implantation d'une unité de production dans la région. « Nous avons une flotte de 33 000 camions au niveau européen et nous avons participé à un appel à projet pour rétrofiter 10 de nos véhicules », a fait savoir Tariel Chamerois, directeur développement durable de DB Schenker France, dont le siège est situé à Montaigu (Vendée).
Dans le secteur du BTP aussi, la réflexion s’amorce doucement. « La société Ineo est en train de retrofiter un de nos tracteurs (350 chevaux) pour qu’il carbure à l’hydrogène. Nous aurons ainsi besoin entre 20 et 30 kg d’hydrogène par jour et sommes en discussion avec Lhyfe », a expliqué Valéry Ferber, directeur innovation et environnement de Charier, une entreprise de travaux public implanté dans l’Ouest.
Produire de l'hydrogène en mer
Mais la France n’est qu’une étape parmi d’autres pour Lhyfe. « Nous avons déjà 60 autres sites de production en cours de développement en Europe, qui sont beaucoup plus gros. Certains sont à 10 tonnes d’hydrogène par jour, ce qui permettrait de répondre aux besoins d’une ville comme Nantes », a affirmé le PDG M. Guesné. Au Danemark par exemple, Lhyfe participe au projet GreenHyScale, qui vise l'installation d'une usine d'électrolyse de 100 MW pour une production d'environ 30 tonnes d'hydrogène renouvelable par jour prévue en 2024.
Sur les 50 millions d’euros issus de la levée de fonds, 20 millions sont ainsi dédiés au financement des projets en cours. Les 30 millions d’euros restant sont destinés à « renforcer ses équipes de déploiement et de R&D, en France et à l’international » : si l’entreprise compte aujourd’hui 60 salariés à travers l’Europe, Matthieu Guesné prévoit un doublement des effectifs courant 2022.
L’investissement en R&D est notamment fléché vers le prochain défi de Lhyfe : la production d’hydrogène renouvelable à partir de champs éoliens offshore. « Nous allons faire comme pour le secteur du pétrole : produire notre carburant en mer, soit via un bateau, soit via de nouvelles plateformes », a expliqué Matthieu Guesné.
La mise en place d’un premier démonstrateur de production d’hydrogène en mer sur le site d’essai en mer « SEM-REV » de Centrale Nantes, au large du Croisic, est prévu pour 2022. « Dimensionné pour produire a minima 10 000 tonnes d’hydrogène par an, c’est le modèle offshore qui permettra le déploiement massif de l’hydrogène vert en Europe », a-t-il tranché.
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