Récupération d'énergie : la SNCF accélère
Le groupe ferroviaire, qui s’est engagé à améliorer sa performance énergétique, explore différentes pistes pour atteindre ses objectifs. L’une d’elles consiste à récupérer l’énergie de freinage et à la stocker pour la réutiliser.
Vu de l’extérieur, l’onduleur électrique installé en juin au sud de la gare d’Austerlitz, à Paris, ressemble à une simple armoire électrique. Pourtant, à partir de cet automne, il doit être au cœur d’une expérimentation constituant une première en France. Son rôle : récupérer l’énergie de freinage des TER, intercités et RER circulant sur le réseau ferré alimenté en courant continu et la renvoyer vers le réseau de transport d’électricité. Ce démonstrateur, développé, dans le cadre du projet Masséna, est l’une des solutions envisagées par la SNCF pour atteindre ses objectifs environnementaux à l’horizon 2025. Responsable du programme innovation énergie, Vincent Delcourt rappelle que la SNCF est le premier consommateur industriel d’électricité en France, avec 17 TWh en 2017, soit environ 3 % de la consommation nationale. « Et sur ces 17 TWh, 60 % servent à la traction des trains et sont répartis entre 80 % d’énergie électrique et 20 % d’énergie thermique. »
Récupérer l’énergie de freinage, les trains le font depuis des années. Mais des pertes subsistent sur une partie du réseau. Lorsqu’un train freine, le moteur électrique entre en mode générateur et crée de l’électricité. Celle-ci repasse par la caténaire et alimente les trains qui accélèrent au même moment sur la ligne. Mais s’il n’y en a pas, la tension peut augmenter jusqu’à une certaine limite au-delà de laquelle l’énergie est évacuée sous forme de chaleur dans des résistances. D’où l’intérêt de la stocker ou de la renvoyer vers les réseaux de transport ou de distribution d’électricité.
Passer à l’hybride
Or il existe deux réseaux d’électrification ferroviaire en France. Les lignes récentes, notamment celles des TGV, sont en courant alternatif, contrairement aux plus anciennes et aux réseaux urbains, en courant continu. Le renvoi de l’alternatif ferroviaire vers les réseaux de transport ou de distribution, eux-mêmes alternatifs, est relativement aisé. Les choses se corsent quand il s’agit de passer du continu à l’alternatif. Si les systèmes de conversion sont répandus en 750 V, pour les réseaux urbains de type métros ou tramways, ils le sont moins en 1 500 V, pour le réseau ferroviaire. « Aucun industriel n’avait développé d’onduleur qui puisse fonctionner à ce niveau et délivrer la puissance requise », indique Vincent Delcourt. Partenaire du projet Masséna, le suisse ABB a donc greffé un onduleur pour passer du continu à l’alternatif parallèlement au redresseur à diodes qui effectue la conversion dans l’autre sens. « C’est une technologie en pleine expérimentation, indique Laurent Neyret, spécialiste du marché ferroviaire chez ABB. La quantité d’énergie récupérée sera confirmée par ce démonstrateur 1 500 V pour véhicules lourds. »
Une autre piste envisagée par la SNCF consiste à stocker l’énergie de freinage dans des batteries le long des voies. « Elles permettraient de combler les creux de tension induits par l’augmentation de la densité du trafic et de la puissance des trains », indique Vincent Delcourt. Les premiers tests de batteries à forte puissance reliées à la traction sont prévus d’ici à 2020. Celles installées récemment à Aix-en-Provence et Sarcelles-Saint-Brice, reliées à la gare ou à la signalisation, sont moins puissantes.
Dernière option : stocker l’énergie directement à bord des trains, première étape dans la réduction des émissions de CO2. « Nous travaillons à l’hybridation du matériel », poursuit Vincent Delcourt. Il s’agit de remplacer, par des batteries, la moitié des moteurs thermiques qui équipent encore certains trains régionaux, dont la traction est à la fois électrique et thermique pour circuler sur les parties non électrifiées du réseau. « Notre objectif est de lancer un TER hybride en 2021, pour un déploiement sur une partie de notre flotte jusqu’en 2025. » Viendra ensuite le remplacement des derniers moteurs diesel, par des piles à combustible par exemple. « L’idée serait de sortir un train régional à hydrogène vers 2022 ou 2023 », confie Vincent Delcourt, tout en rappelant que la décision appartient aux régions propriétaires du matériel.
Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, a présenté, le 1er juin, son plan de soutien à la filière hydrogène. En Allemagne, les deux?premiers trains à hydrogène au monde, produits par Alstom, ont reçu en juillet leur homologation pour circuler. D’autres suivront. « Le Land de Basse-Saxe a signé, en septembre?2017, un contrat portant sur la fourniture de 14?trains », indique Olivier Delecroix, directeur commercial d’Alstom France. Leur mise en service est prévue en 2021. ?