Quels outils pour améliorer la compétitivité de la filière ?
Certification ISO 50001, plan de comptage de l'énergie, lean manufacturing... sont autant de méthodes qui permettent de gagner des points de compétitivité dans un marché mondial ultra disputé.
Pour donner une suite au contrat de la filière chimie-matériaux, signé entre le gouvernement et les industriels de ces secteurs, la DGCIS et les syndicats professionnels UIC, Copacel, Fédération de la plasturgie et SNCP, ont organisé le 16 octobre dernier, à Bercy, une après-midi de débats sur le thème de l'amélioration de la performance industrielle.
La filière chimie-matériaux couvre un périmètre assez large mais cohérent, puisqu'elle englobe principalement des acteurs de la chimie, du caoutchouc, du papier-carton et de la plasturgie. Et cette filière pèse lourd dans l'économie de notre pays avec ses 7 000 entreprises (dont 95 % d'ETI). Or sa compétitivité est aujourd'hui mise à mal dans l'univers globalisé que nous connaissons à cause d'un coût du travail trop important, une réglementation trop lourde et un coût de l'énergie durablement orienté à la hausse. Pourtant, il existe des leviers que les industriels peuvent encore actionner pour regagner quelques points de compétitivité. Ces leviers sont l'amélioration de l'efficacité énergétique et l'optimisation de la performance opérationnelle.
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21 Mars 2023
Pétrole Brent contrat à terme échéance rapprochée
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Janvier 2023
Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 20.1 − Produits chimiques de base, engrais, Produits azotés, plastiques, caoutchouc synthétique
Base 100 en 2015
Une première table ronde sur le thème de la performance énergétique a ainsi réuni Marie-Emmanuelle Crozet, responsable Développement Énergie à l'Afnor, Pierre Claudel, directeur de la division métrologie du Cetiat, Johann Prieux, directeur adjoint de Manuplast, David Guéant, responsable Sécurité Environnement Énergie de Camfil et Yann Henriette, directeur technique chez Munksjö Arches.
L'industrie en France consomme 27 % de l'électricité et 36 % du gaz. Et les entreprises des filières chimie et matériaux peuvent être considérées comme électro-intensives dans la mesure où elles consomment à elles seules 29 % de cette électricité destinée à l'industrie et 60 % du gaz (hors industries agroalimentaires). Or il existe aujourd'hui une norme, l'ISO 50001, qui permet justement d'améliorer la performance énergétique des installations industrielles. Cette norme est relativement nouvelle, puisqu'elle n'est proposée que depuis début 2012. En France, seule une cinquantaine de sociétés sont allées jusqu'à la certification, selon Marie Emmanuelle Crozet. C'est le cas de la société Camfil, spécialisée dans les filtres industriels. « Nous travaillons depuis de nombreuses années sur ce thème à travers notre certification ISO 14001 puis EN 16001, a expliqué David Guéant. Mais les exigences de la norme ISO 50001 ne sont pas tout à fait les mêmes, notamment au niveau de la partie achat ». Chez le papetier suédois Munksjö qui opère une usine en France à Arches, Yann Henriette a expliqué que « cela fait 20 ans que l'on en parle et 5 à 10 ans que l'on accélère sur le sujet avec l'augmentation du prix de l'énergie, en particulier du gaz. Avant, la France avait une avance concurrentielle sur le thème de l'énergie. Nous l'avons perdue. Dans les grands groupes industriels, le site France n'est plus aussi attractif qu'avant ».
Pour mettre en œuvre cette norme, tout commence par un audit énergétique de son site industriel et un comptage de la consommation énergétique. « L'idée est de repérer les fortes zones de consommation d'énergie et l'évolution des consommations dans le temps, afin de pouvoir mener des actions » a déclaré Pierre Claudel, venu expliquer le b.a.-ba des plans de comptage. Le plasturgiste Manuplast a ensuite partagé son expérience dans le domaine : « Une PME qui veut se lancer dans le plan de comptage, c'est possible. Même avec les moyens du bord, cela marche très bien », a expliqué Johann Prieux.
Du management de la fiabilité au lean manufacturing
Outre l'amélioration de leur efficacité énergétique, les industriels peuvent aussi recourir à des méthodes d'excellence opérationnelle qui ont plusieurs vertus : gagner de la capacité de production, améliorer la qualité des produits, diminuer les stocks, les coûts de maintenance, les réclamations clients, les accidents du travail, l'absentéisme... Et le panel de méthodes est assez large : du management de la fiabilité à la démarche lean, en passant par l'usage de nombreux outils de spécialités de type 6 sigma, TPM, 5S, Kaizen.
L'objet de la deuxième table ronde était justement d'essayer d'y voir plus clair entre toutes ces options, grâce à la participation de 5 représentants de grandes et petites entreprises de la filière chimie matériaux. A la tribune étaient réunis François Colin, directeur de l'usine Arkema de Serquigny, Didier Visine, directeur du Lean management chez Hutchinson, Nicolas Porteau, directeur des ressources humaines France et directeur développement durable de Chryso, William Berbessou, directeur général adjoint de Richard Laleu et Didier Chauffaille, directeur général d'Emac.
François Colin a démarré le débat par une intervention sur le management de la fiabilité. Depuis quelques années, Arkema s'intéresse en effet au thème de la fiabilité industrielle qui revient à produire le bon objet avec un minimum de variabilité. Le groupe a développé sa propre approche, puis l'a déployée sur plusieurs sites. Le site de Serquiny, qui produit notamment les fameux polyamides 11 Rilsan, s'en est emparé pour aller plus loin. Au point de devenir un site pilote dans le groupe sur ce thème de la fiabilité. « Je considère que la fiabilité industrielle est un des piliers de l'excellence opérationnelle car la variabilité est notre ennemi » a expliqué François Colin évoquant outre la fiabilité technique, l'importance de la fiabilité humaine. Cette dernière a nécessité la mise en place d'une démarche de « management de proximité usine » où la responsabilité de l'opérateur se trouve accrue. « Le faisant est la pierre angulaire de notre performance », a-t-il ajouté.
Puis, les intervenants se sont longuement exprimés sur leur expérience du lean. La méthode fait parfois peur. Outre sa réputation de complexité, elle a souvent été associée au thème de la productivité et de la casse sociale. Mais les intervenants se sont inscrits en faux. Unanimes, ils ont convenu que le lean ne relevait que du bon sens. Une démarche lean commence par une analyse des flux qui traversent l'usine : flux physiques et flux d'information. Ensuite, il faut déterminer des pistes d'amélioration et des actions à mener avec l'aide des nombreux outils du lean.
Placer l'humain au cœur du lean
En revanche, la méthode doit être appliquée en replaçant l'humain au centre du dispositif. Nicolas Porteau a, par exemple, expliqué que chez Chryso, qui produit des adjuvants et additifs pour matériaux de construction, lean et développement durable ont été fusionnés dans une seule et même démarche intégrée.
Chez Emac (mélange à façon de polymères et caoutchoucs), Didier Chauffaille a pondéré les améliorations de productivité par la mise en œuvre d'une politique RSE. De ce fait, médecins du travail et psychologues étaient au chevet des collaborateurs pendant tout le déploiement du programme.
On retiendra aussi que, pour être efficace, une mise en place de lean doit être accompagnée par des consultants spécialisés. William Berbessou de chez Richard Laleu a, par exemple, expliqué que sa société, spécialisée dans les emballages souples, a profité d'une action collective de la région Poitou Charentes, pour financer partiellement le programme. En particulier, la formation des personnels pour s'assurer de leur pleine adhésion au changement. Une fois en place, la démarche lean doit être pérennisée. Selon Didier Visine, la clé du succès consiste à essaimer au maximum à tous les niveaux de l'entreprise pour que la démarche repose sur l'ensemble des collaborateurs et non pas sur une poignée de responsables.
Les débats se sont achevés sur le constat optimiste qu'il existe encore des gisements de productivité. Une bonne nouvelle pour les entreprises industrielles déterminées à opérer sur le territoire français.
Pour tout renseignement complémentaire : www.dgcis.gouv.fr