Quand la chimie veut sauver la planète
En 2050, la planète comptera deux milliards d'êtres humains supplémentaires, augmentant les besoins en eau, nourriture, médicaments et énergie. Selon Stéphane Sarrade, la chimie est notre meilleure alliée pour produire plus tout en consommant moins de ressources.
La chimie cherche-t-elle à se racheter une image ? Encore considérée dans l'inconscient collectif comme une activité industrielle polluante et dangereuse, bien qu'indispensable, elle serait devenue plus respectueuse de l'environnement, en se tournant notamment vers le monde végétal. Pas seulement. Comme le rappelle l'ouvrage en préambule, le concept de chimie verte englobe douze principes fondateurs. « Je définis la chimie verte comme une réflexion globale, qui intègre non seulement la question des matières premières, des réactifs et de l'énergie nécessaires à la production, jusqu'à la gestion des déchets », explique Stéphane Sarrade. Le livre, qui aurait pu se transformer en liste à la Prévert, est en fait divisé en cinq parties, correspondant aux cinq grands enjeux auxquels la chimie sera confrontée selon l'auteur. Ce dernier énumère les solutions existantes : plutôt que les anciens pesticides chimiques, des molécules naturelles préservent les récoltes pour nourrir la planète ; au lieu d'extraire un médicament en détruisant des plantes, le faire produire artificiellement par des bactéries afin d'endiguer une épidémie ; utiliser dans nos moteurs l'hydrogène, l'élément le plus répandu de l'Univers, plutôt que le précieux pétrole.
Pour verdir, la chimie a déjà à disposition les briques technologiques posées par la communauté scientifique internationale. Mais veut-elle vraiment ce changement ? Rarement détracteur, l'auteur s'évertue à montrer que la chimie n'est pas l'industrie toxique et artificielle que l'opinion a en tête. Exemple à l'appui, avec le cas des solvants. Indispensables à la production chimique, ces derniers proviennent pour la plupart d'hydrocarbures. L'urgence à les remplacer est réelle, non seulement parce qu'ils épuisent des réserves finies, mais parce qu'ils sont nocifs pour la santé. Depuis trente ans, les fabricants de café décaféiné les ont remplacés par... du CO2. Le principal responsable du réchauffement climatique s'avère terriblement efficace pour extraire des molécules, décontaminer des aliments ou formuler des médicaments.
Diversifier les sources d'énergie
« Pour faire tout ce que nous avons décrit précédemment, il nous faudra de l'énergie... Beaucoup d'énergie », écrit Stéphane Sarrade. En fin de compte, c'est elle qui fait vivre l'humanité, en rendant l'eau potable, en lui apportant une nourriture sûre, ou même en faisant fonctionner les très énergivores hôpitaux. « Plutôt que de tenir un discours pessimiste, je pars du principe qu'il nous reste une importante marge de manoeuvre : en France, nous pourrions par exemple économiser 25 % d'énergie en conservant le même volume de production ». Encore faudra-t-il trouver des substituts au fameux or noir. Sur les 85 000 produits chimiques commerciaux, 85 % sont issus de dix matières premières, provenant majoritairement de ressources fossiles.
STÉPHANE SARRADE CHERCHEUR AU CEADirecteur du département de physico-chimie du CEA de Saclay, le scientifique est devenu spécialiste dans le développement d'écoprocédés, notamment par le biais de l'utilisation de membranes. Cette expérience l'a amené à la présidence du Club français des membranes et de l'association Innovation fluides supercritiques. Le chercheur est également vice-président du pôle de compétitivité Trimatec, dédié aux éco-technologies. Il est l'auteur de deux autres livres de vulgarisation sur le thème de la chimie : « La chimie est-elle réellement dangereuse ? » et « Quelles sont les ressources de la chimie verte ? ».
LE LIVRELA CHIMIE D'UNE PLANÈTE DURABLE Éditions Le Pommier 224 pages, 20 euros
ET AUSSIIntroduction à l'écochimie - Les substances chimiques de l'écosphère à l'homme De François Ramade, Lavoisier, 2011 Ce livre écrit par un professeur d'écologie et de zoologie émérite se veut comme un ouvrage de référence pour les ingénieurs et les techniciens spécialistes de la prévention des pollutions et de la gestion du risque environnemental chimique. Une partie est consacrée plus spécifiquement à la chimie verte : l'origine du concept créé dans les années 1990, le contexte réglementaire, la démarche et des exemples de synthèse industrielle verte, et enfin les aspects liés au recyclage.