Pyrowave recycle le polystyrène avec des micro-ondes
Créée en 2014, la société canadienne Pyrowave s'est attaquée au recyclage du polystyrène. Basé sur l'utilisation des micro-ondes, son procédé permet de dépolymériser le polystyrène de façon très sélective, rapide et moins gourmande en énergie. Une innovation qui a notamment séduit Michelin.
Isolation des bâtiments, conditionnement des produits frais ou encore emballage des ordinateurs, le polystyrène (PS) est utilisé dans de nombreuses applications. Ce plastique, polymère du styrène, est aujourd'hui très peu valorisé en fin de vie. C'est ce problème que la société canadienne Pyrowave tente de résoudre. La société outre-Atlantique a mis au point un procédé de pyrolyse du polystyrène par micro-ondes. Ingénieur chimiste de formation, Jocelyn Doucet, fondateur et p-dg de la société, s'est spécialisé dans la mise à l'échelle de procédés. Les projets de valorisation des déchets et des plastiques se sont faits de plus en plus nombreux. « Je ne voyais pas trop comment on arriverait à mettre à l'échelle de tels projets car ce qui permet de convertir les déchets en un produit de bonne qualité, et ayant une réelle valeur économique, est lié au taux de transfert de la chaleur », raconte Jocelyn Doucet. Avant d'expliquer: « Plus on transfère la chaleur vite pour casser les liens, plus on est sélectifs. Le problème est que quand on grossit les procédés, cette vitesse réduit grandement. Intrinsèquement, la mise à l'échelle se fait au détriment de la qualité des produits et du rendement ». L'objectif à ce moment-là était donc de développer des procédés assez petits et modulaires afin de s'adapter aux installations, tout en maintenant des rendements et une sélectivité à des taux suffisamment satisfaisants.
« En 2010-2011, nous avons donc commencé à travailler sur la pyrolyse à petite échelle. Il se trouve qu'il y avait un micro-ondes dans le laboratoire de Polytechnique où nous réalisions nos essais. Et nous avons tenté de pyrolyser des déchets avec les micro-ondes », raconte l'ingénieur. Une fois les pyrolyses effectuées, l'équipe a réalisé des chromatogrammes pour comparer avec une pyrolyse classique. Résultats : le chromatogramme de la pyrolyse par micro-ondes présentait des pics qui sont absents d'une pyrolyse classique. « Il s'agissait de pics de styrène et de dérivés », explique Jocelyn Doucet. Le polystyrène étant un polymère composé uniquement de monomère de styrène, sa dépolymérisation est plus simple. Et l'avantage principal des micro-ondes est leur capacité à produire énormément de densité énergétique dans un très petit volume. L'ingénieur est donc parti de ce constat pour développer un procédé de « dépolymérisation catalytique par micro-ondes », et a créé la société Pyrowave en 2014.
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Les billes entrent en jeu
Le polystyrène ne réagissant pas directement avec les micro-ondes, il est nécessaire de rajouter une masse absorbante capable de convertir l'énergie électrique en chaleur. Dans le procédé mis au point par la société canadienne, il s'agit de billes avec un composé carboné, du carbure de silicium, qui vont agir comme des résistances. Le polystyrène est donc injecté dans un réacteur, dans lequel les billes sont en suspension. « Les billes vont réagir avec l'énergie électrique et se mettre à chauffer. Elles vont ainsi se retrouver entourées de plastique fondu isolant, permettant ainsi à la bille d'atteindre une haute température. La dépolymérisation se passe uniquement à la surface extrêmement chaude de la bille, c'est un mécanisme de rupture en bout de chaîne », explique Jocelyn Doucet. L'extrémité de la chaîne de polystyrène entre en contact avec la bille, ce qui va permettre de couper un monomère de styrène, « un peu à l'image d'un saucisson dans une machine à couper la viande, le processus coupe le saucisson à partir du bout et forme des tranches régulières. Dans notre cas, le saucisson est la longue molécule de polystyrène, la tranche est le monomère de styrène et la lame est la bille ». Une fois la molécule coupée, elle va remonter sous forme gazeuse à travers le plastique froid. Cette différence thermique permet de refroidir très rapidement le styrène, évitant ainsi les réactions secondaires à l'origine de molécules indésirables. « C'est une réaction très rapide, ce qui permet d'avoir un rendement plus élevé », détaille Jocelyn Doucet.
Grâce au mécanisme de rupture en bout de chaîne, le procédé est très sélectif. La chaîne se coupe en molécules égales. Le styrène est ensuite évacué en phase gazeuse dans la vapeur. Mais qu'arrive-t-il aux additifs et colorants qui peuvent être présents dans la matrice polymère ? Les contaminants organiques vont former du coke, une poudre fine de carbone, qui va se déposer sur les billes. Avec les mouvements permettant de maintenir les billes agitées et en suspension, le coke est délogé des billes et se retrouve librement dans le mélange, avec d'autres contaminants inorganiques possibles, comme des additifs et colorants. Ils sont ensuite évacués grâce à un système de centrifugation. « Dans un procédé conventionnel, le carbone s'accumule sur la surface d'échange. Et plus le carbone s'accumule, plus l'échange est réduit, ce qui entraîne un ralentissement de la réaction. Dans notre procédé, le carbone a tendance à augmenter la température de la réaction. Nous sommes donc indépendants de la présence de carbone dans le réacteur », se félicite Jocelyn Doucet. En plus d'être un procédé très sélectif, son rendement est élevé. « Nous avons un rendement en liquide de 90-95 %. Pour une tonne de polystyrène, nous obtenons 950 kilos de liquide. Et dans ce liquide, nous avons une teneur comprise entre 66 et 80 % de styrène. Cette variation vient du fait que, lorsque nous arrivons en bout de chaîne du polymère, il devient plus difficile de le couper. Le polymère devient plus volatile, nous perdons ainsi 15 à 20 % de la chaîne.» Les équipes de Pyrowave travaillent aujourd'hui sur la pression afin de maintenir ces « résidus » de chaîne plus longtemps dans le procédé.
Un procédé destiné aux consommateurs
Malgré tous ces avantages et ces résultats prometteurs, les micro-ondes ont un inconvénient de taille : la capacité des unités est limitée en puissance. « On ne peut pas produire des unités réactionnelles de plus de 100 kilowatts car ce sont les systèmes les plus puissants qui existent. Nous sommes limités dans la capacité de production de nos plateformes », constate Jocelyn Doucet. Ce qui n'est pas réellement un problème pour la société. Les plateformes vendues par la société, comprenant six à douze réacteurs, ont une capacité de production comprise entre 7 500 et 15 000 tonnes par an. Ces petits volumes sont plus adaptés pour les consommateurs de styrène que pour les producteurs. « On peut avoir plus facilement un impact significatif sur la consommation totale d'un groupe utilisateur de styrène qui a des besoins en styrène plus petits de l'ordre de milliers de tonnes par année, que les grands groupes producteurs de styrène qui ont des capacités de l'ordre du million de tonnes par année. » En effet, le procédé canadien permettrait de consommer 15 fois moins d'énergie qu'un procédé conventionnel basé sur la déshydrogénation de l'éthylbenzène. Ce qui a permis d'attirer des investisseurs comme Michelin, qui utilise du styrène pour la fabrication du caoutchouc synthétique, composant qui se retrouve dans ses pneus, ou comme Sofinnova Part-ners, société de capital-risque qui s'intéresse notamment à la chimie durable. La société canadienne espère, avec le soutien de tels investisseurs, réussir à nouer de nouveaux partenariats, notamment en Europe, et ainsi vendre sa technologie à de nouveaux industriels.
PYROWAVE EN BREFCréation : 2014
Nombre de collaborateurs : 13, et 21 d'ici à fin 2020
Localisation : Montréal (Canada)
Partenaires : Michelin et Sofinnova Partners
Financement : Subvention fédérale canadienne de 3,3 millions de dollars canadiens (environ 2,2 ME)