PSA a les coudées plus franches pour s'internationaliser
par Gilles Guillaume
PARIS (Reuters) - La sortie brutale de General Motors du capital de PSA Peugeot Citroën sonne le glas de la grande alliance globale envisagée en 2012 par les deux constructeurs automobiles, mais permet au groupe français d'avoir les coudées franches pour forger avec le chinois Dongfeng une union qui favorisera son déploiement à l'international.
L'action PSA chute pour la deuxième journée consécutive vendredi à la Bourse de Paris, le marché réagissant à la sortie de GM du tour de table et à la perspective d'une augmentation de capital.
Mais la vente par l'américain des 7% qu'il détenait dans le capital de PSA clarifie la structure capitalistique du groupe français à un moment où celui-ci s'apprête à tourner, comme GM d'ailleurs, une page de son histoire.
L'épisode montre à quel point les cartes sont en train d'être rebattues en cette fin d'année dans le secteur automobile. General Motors débutera 2014 avec une équipe de direction renouvelée sous la houlette de Mary Barra et une nouvelle stratégie internationale, incarnée notamment par l'arrêt prochain de la marque Chevrolet en Europe et de la production du groupe en Australie.
Du côté de PSA, l'ancien numéro deux de Renault, Carlos Tavares, arrivera en janvier et prendra courant 2014 les rênes d'une entreprise dont les alliances et les priorités auront été simplifiées, une condition importante s'il veut reproduire avec Dongfeng ce que Renault a réussi avec le japonais Nissan.
"Cette décision de GM n'est peut-être pas si mauvaise dans la mesure où elle simplifie l'actionnariat et pourrait faciliter le partenariat avec Dongfeng", résume dans une note Tangi Le Liboux, analyste chez Aurel BGC.
TOUR DE TABLE ET PRIORITÉS RESSERRÉS
PSA conserve de son alliance avec General Motors une coentreprise dans les achats et la logistique ainsi que trois programmes communs de véhicules en Europe.
Cette coopération est ainsi ramenée à peu près au niveau des autres partenariats ponctuels que PSA a multipliés des années durant : dans les utilitaires avec Fiat puis Toyota, dans les moteurs diesel avec Ford, dans les moteurs à essence avec BMW et dans les véhicules électriques avec Mitsubishi Motors.
"A la limite, l'alliance avec GM n'est maintenant plus qu'une opération industrielle qui ne nécessitait pas un apport en capital", souligne un analyste du secteur. "A côté de ces coopérations, le départ de GM libère une place pour un autre intervenant, prêt cette fois à investir dans PSA."
La présence de General Motors, allié à SAIC, concurrent chinois de Dongfeng, compliquait également certains projets de PSA à l'international. Sous la pression de SAIC, PSA et GM ont abandonné un programme de grande voiture et l'idée de travailler ensemble en Inde.
Le projet d'une coopération en Amérique latine n'a quant à lui jamais abouti.
Avec Dongfeng, PSA s'affranchirait d'une partie de ces contraintes. Les choses devraient aussi être plus faciles en Europe, où le groupe chinois n'est pas présent. Pour Opel et PSA, la question des doublons est explosive socialement et politiquement, d'autant que chacun a déjà prévu de fermer une usine en 2014, respectivement à Bochum, en Allemagne, et à Aulnay-sous-Bois.
Dans ce contexte, les deux partenaires n'iront probablement pas beaucoup plus loin que le partage de production envisagé d'une Opel chez PSA à Sochaux et d'une Citroën chez Opel en Espagne.
UN PROJET "PLUS LARGE QUE LA CHINE"
Avec Dongfeng, PSA pourrait notamment accélérer son développement en Asie du Sud-Est et même envisager l'offre low cost qu'il a toujours écartée pour ne pas parasiter la montée en gamme de ses marques Peugeot et Citroën mais qui lui fait aujourd'hui cruellement défaut.
Car le développement à marche forcée dans les régions les plus porteuses est une priorité pour le constructeur français s'il veut réduire son exposition à un marché européen déprimé et ultra-concurrentiel.
PSA est en effet pris en tenaille. La nouvelle segmentation du marché automobile mondial profite aux modèles premium des constructeurs allemands, qui grignotent le marché par le haut en proposant des voitures plus petites et plus abordables, mais aussi aux modèles d'entrée de gamme - une situation illustrée par la réussite de Dacia, la marque low cost de Renault - qui gagnent des parts de marché par le bas.
"La vision de la famille, c'est la pérennité de PSA", déclare une source proche des Peugeot à propos des discussions avec Dongfeng. "Il faut aussi que le projet industriel derrière tienne la route. C'est-à-dire le redéploiement et le développement du groupe en Asie, en Russie et en Amérique latine. Le projet est plus large que la Chine."
Edité par Dominique Rodriguez