Premier bilan contrasté de la loi Alimentation
Réunis au Sénat ce 6 février, les principaux acteurs de la filière agroalimentaire ont dressé un bilan contrasté des premières mesures de la Loi Alimentation. Ils regrettent notamment l'absence de contraintes pour faire "ruisseler" les bénéfices des mesures jusqu'à l'amont.
Quelques jours à peine après l'application du relèvement de 10% du seuil de revente à perte et plus d'un mois après la fin des promotions, les principaux acteurs de la filière agroalimentaire se retrouvaient ce 6 février au Sénat pour tirer un tout premier bilan de l'application de la loi Alimentation. S'ils saluent l'effort des Etats généraux de l'alimentation (EGA) et l'organisation exemplaire de certaines filières, tous soulignent aussi la persistance de la guerre des prix lors des négociations commerciales.
Des négociations commerciales toujours déflationnistes
Premier grand test de la loi Alimentation, les négociations commerciales qui règlent les prix entre producteurs et distributeurs pour l'année, ont débuté en novembre dernier. Elles s'étendent jusqu'au mois de mars.
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Cette édition 2018/2019, première depuis le raout des Etats Généraux de l'Alimentation et l'adoption de la loi Alimentation à l'automne dernier, suscite pourtant nombre de déceptions chez les principaux acteurs du système.
"Nous sommes toujours dans un système déflationniste", confirme Richard Girardot, président de l'Ania (Association nationale des industries de l'agroalimentaire). Le représentant des industriels s'appuie sur les conclusions de l'Observatoire des négociations commerciales : "chez les PME, il y a une pression sur le prix de -1,5% à -4% de la part des distributeurs". Un constat partagé par Dominique Chargé, Président de Coop de France : "cette année encore, les négociations commerciales sont difficiles et se font sur un fond déflationniste. L'entrée dans la négociation se fait par le prix plutôt que par la qualité".
Pour Dominique Amirault, président FEEF (Fédération des Entreprises et des Entrepreneurs de France), la principale cause de cet échec tient au monopole exercé par les centrales de distribution. "Cette situation n'est pas étonnante. La loi ne s'est pas attaquée aux causes du problème. Nous avons un amont atomisé qui fait face à un aval très concentré". En effet, le marché français est structuré de manière à ce que 17 000 industriels de l'agroalimentaire, à 98% des TPE /PME font face à cinq centrales d'achats.
Echec de la théorie du ruissellement
Une concentration qui ne facilite pas l'application de la loi Alimentation. Questionné sur la fin des promotions et le relèvement du SRP, Dominique Chargé n'a pas hésité à qualifier la mesure de "rente financière pour les distributeurs". En effet, Coop de France tout comme l'Ania ou la FEEF dénoncent l'absence de contraintes pour les distributeurs de faire ruisseler les bénéfices de la baisse du seuil de revente à perte vers les producteurs.
A l'heure actuelle, ni la loi ni son décret d'application n'imposent aux distributeurs de répercuter la hausse des prix vers les consommateurs. "Croire dans le ruissellement, c'était faire abstraction de la réalité des pratiques commerciales des distributeurs" analyse Richard Girardot. Le président de l'Ania réclame par ailleurs plus de contrôles de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour surveiller les pratiques des distributeurs.
Le bon exemple de la filière laitière
Face à ce bilan plus que mitigé, les différents acteurs ont tout de même souligné le bon exemple de la filière laitière française. La "seule dans laquelle l'esprit des EGA est respecté" précise Dominique Chargé. En effet, depuis le début d'année, de nombreux distributeurs, à l'image du partenariat entre Bel et Intermarché ou Leclerc et Lactalis ont signé des accords pour assurer des prix minimums aux producteurs.
"Il s'est inévitablement passé quelque chose dans la filière laitière", confirme Richart Panquiault, directeur Général ILEC (Institut de Liaisons et d'Etudes des industries de Consommation). "Dans la filière du lait et dans certaines filières de niche comme les pommes de terre, nous avons réussi à récréer une volonté de travailler ensemble, ajoute Richard Girardot. Malheureusement, dans d'autres filières comme la viande ou les céréales, nous n'y sommes pas encore arrivés". Si les professionnels gardent encore espoir de voir les choses évoluer dans les filières alimentaires en lien direct avec les productions agricoles (du type lait, viande, céréales, légumes...), ils sont en revanche beaucoup plus sceptiques pour l'alimentaire non lié à la production. "Il va falloir se montrer très vigilant" conclut Richard Girardot. Le gouvernement s'est laissé jusque deux ans pour évaluer l'impact de ces mesures.
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