Malgré les nuages bas et la pluie glaciale, lors de l’inauguration des nouveaux équipements de la plateforme intégrée raffinage-pétrochimie de Total dans le port d’Anvers (Belgique), le 30 novembre, régnait une ambiance chaleureuse. Il est vrai que dans ce contexte de prix du pétrole durablement bas, un investissement de 1,1 milliard d'euros dans un site industriel pétrochimique avait de quoi réchauffer les cœurs des participants, à commencer par le maire d’Anvers, le Ministre-Président des Flandres, le vice-Premier ministre Belge et l’ambassadrice de France venus inaugurer le site aux côtés de Patrick Pouyanné, PDG de Total.
Pour le groupe pétrolier français, numéro deux du raffinage en Europe derrière Exxon, et de la pétrochimie derrière Dow Chemical, cet investissement n’est pourtant qu’une étape dans la modernisation de son outil industriel. Mais les choix technologiques réalisés en Belgique sont riches d’enseignement sur la stratégie de Total en matière de transition énergétique. Pourquoi, alors que l’Europe souffre encore de surcapacité de raffinage, Total a-t-il réalisé cet investissement entre 2014 et 2017.
Miser sur les plateformes intégrées
D’abord, Total a décidé de concentrer ses investissements sur ses six plateformes intégrant raffinage et pétrochimie qu’il possède en France, en Belgique, aux États-Unis, en Arabie Saoudite, au Qatar et en Corée du sud (où des investissements ont été annoncés en avril 2017), au détriment des sites spécialisés. En France, les trois raffineries ont ainsi été fermées et reconverties, en centre de formation à Dunkerque (Nord), à la pétrochimie de spécialité à Carling-Saint-Avold (Moselle) et en bioraffinerie à La Mède sur la commune de Châteauneuf-les-Martigues (Bouches-du-Rhône). Cette dernière devrait entrer en production d’ici à la fin 2018.
Produire des carburants moins polluants
Ensuite, si la demande en pétrole doit continuer à augmenter, la lutte contre la pollution et le réchauffement climatique change peu à peu la demande. Le fioul lourd émetteur de soufre et de particules est pointé du doigt. Et une nouvelle réglementation va par exemple obliger les navires à réduire leurs émissions de soufre. Total peut les aider. À Anvers, il vient d’investir 700 millions d’euros dans OPTARA, un nouvel équipement comprenant une unité de désasphaltage et un hydrocraqueur, pour convertir plus de fioul lourd qui lui arrive de la zone ARA (Amsterdam, Rotterdam et Anvers) en produits légers à basse teneur en soufre.
Augmenter encore la part du gaz
Enfin, l’avenir de Total est définitivement orienté vers le gaz plutôt que le pétrole, comme carburant mais aussi pour la pétrochimie. Total a donc investi 350 millions d’euros dans ROG, une unité récupérant les gaz riches produits par la raffinerie pour les convertir en matière première, et 50 millions d’euros dans le projet Ethane, qui a permis l’adaptation d’un des deux vapocraqueurs et de la logistique du site pour pouvoir importer et traiter de l’éthane. "Les vapocraqueurs d’Anvers pourront traiter dorénavant jusqu’à 60 % de charges avantagées dérivées du gaz dont les prix sont moins élevés que le naphta issu du pétrole, contre 30 % [avant l’investissement]", a expliqué Bernard Pinatel, directeur général de la branche Raffinage-Chimie de Total.
Étonnamment, cet investissement a aussi bénéficié de la chute des cours du pétrole brut en 2014. "La baisse des prix a augmenté la demande, explique Patrick Pouyanné. Et comme nous n’avons pas totalement répercuté la baisse sur nos prix, nous avons pu dégager une marge supplémentaire." Une marge qui a notamment permis à Total de décidé cet investissement XXL à Anvers.