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Pourquoi la souveraineté numérique devrait être au coeur des européennes

N’en déplaise aux politiques, qui s’y noient. Le numérique n’est pas qu’un sujet sociétal ou économique, mais éminemment politique, qui interroge la souveraineté des États. Et doit donc être traitée dans les plus hautes instances politiques… européennes notamment.

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Pourquoi la souveraineté numérique devrait être au coeur des européennes

En 2012, le numérique était totalement absent de la campagne de l’élection présidentielle, tous bords confondus. L’intuition, déjà, que la transformation de fond culturelle, économique et sociale qu’entraînent ces technologies ne peut se gérer qu’à un niveau supranational ? On voudrait la mettre au crédit de nos politiques français. Mais comment expliquer alors que le sujet ne soit pas au cœur des élections européennes ? En France, en tout cas.

Des enjeux supranationaux

L’avis du CNNum sur les négociations transatlantiques — qui pointe notamment l’impréparation de la France et de l’Europe pour être en position de force sur les questions de fiscalité, d’investissement et de droits numériques — ou les premières Assises de la souveraineté numérique, organisées à Paris le 13 mai dernier, semblent arriver bien tard pour peser dans le débat.

Pourtant, du dernier avis du CNNum à la quasi-totalité des propos tenus aux assises de la souveraineté numérique, tous les avis convergent : c’est principalement l’Europe qui est et doit être à la manœuvre pour traiter, négocier, réguler (ou non) afin que le numérique arrête d’être, quasi uniquement, un outil de (re)conquête américaine !

Vite, une stratégie numérique européenne

"Le numérique est une industrie nativement internationale. La création de normes et de processus de régulation y dépasse souvent l’échelle des États. Sa gouvernance doit être appréhendée le plus directement possible au niveau multilatéral", prévient le CNNum dans son avis sur le volet numérique du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) en négociation. Mais " pour faire du numérique l’atout de l’Europe, la seule approche consumériste n’est pas suffisante, si elle ne se double pas d’une ambition industrielle ", écrivent encore les experts du CNNum.

Or, " l’asymétrie entre les États-Unis et l’Union européenne en matière de numérique ne peut être ignorée ", reconnaît le CNNum, qui rappelle que, côté États-Unis, "l’ambition d’en faire un facteur de puissance est affichée "… Rien de tel en Europe. L’Union doit " temporiser, le temps pour elle de se construire une stratégie numérique européenne ".

Sortie du prisme transatlantique

Le CNNum propose aussi de faire levier sur les valeurs de l’Union Européenne (réciprocité, égalité de traitement, maintien de la souveraineté) pour développer son marché numérique, garantir sa souveraineté et sa capacité à réglementer le numérique dans le futur. Il incite également à " sortir du prisme transatlantique pour aborder le numérique dans une perspective internationale ", en direction de l’Afrique ou de l’Asie, notamment. Sachant que la notion de souveraineté n’a pas les mêmes leviers partout. Si en Europe, c’est la force de l’État qui protège des agressions extérieures ou intérieures, les États-Unis misent plus sur leur société civile.

Repenser la souveraineté

Une différence de poids à l’heure du numérique, et qui explique peut-être que les Français, intervenus aux Première assises de la souveraineté numérique, en aient quasi unanimement appelé à l’Europe, voire à l’international ! Quitte à revisiter la notion de souveraineté : "Il faut un droit international du numérique, a lancé Blandine Kriegel, philosophe, professeur émérite des Universités. Pour autant, la souveraineté a encore un sens car nous avons encore besoin d’un pouvoir, de normes pour assurer le pouvoir politique et les libertés individuelles. Mais elle doit être pensée comme une coopération juridique et judiciaire a posteriori de tous les états et de leurs représentants. " En clair, repenser la souveraineté en cherchant "à réconcilier l’État et la cité, c’est-à-dire la société civile"… comme outre-Atlantique ?

Réinventer un Web européen

Plus pragmatique Corinne Erhel, députée des Côtes d’Armor, a expliqué de son côté que "la souveraineté numérique ne signifie pas le repli sur soi. Il ne s’agit pas de parler de protectionnisme, mais de se donner les moyens d’être les meilleurs et de maîtriser les réseaux." Et l’Europe aurait les moyens de s’affranchir de la domination numérique américaine. "Il faut faire des propositions technologiques alternatives, tempête le philosophe Bernard Stiegler. Et l’Europe a absolument les moyens de repenser le Web."

Entrer dans une logique de reconquête

Car il y a urgence. "Les Gafa (NDR. acronyme pour Google, Apple, Facebook, Amazon) sont en train de légiférer à la place des États", prévient Didier Renard, PDG de Cloudwatt, une des coentreprises développant un cloud européen dit souverain. Pour lui, le sujet de la souveraineté est donc celui d’une reconquête politique autant qu’économique. Il appelle même à se réapproprier les fabrications des composants électroniques de base, pour assurer une autonomie européenne en matière d’énergie numérique. Pour défendre son territoire, Pascal Thomas, PDG de Mappy et directeur New Media, Solocal Group, veut un nouveau système juridique et fiscal, adapté à cette logique de reconquête. Mais pas forcément plus de régulation. "Il faut plutôt lever les contraintes sur nos entreprises pour leur permettre de conquérir, plutôt que de chercher à imposer nos lois", avance Olivier Babeau, professeur à l’Université Paris 8.

En attendant, au niveau national, c’est le levier protectionniste qui est actionné, comme le montre notamment l’ajout du secteur de l’exploitation des réseaux et des services de communications électroniques, au domaine stratégiques soumis au décret relatifs aux investissements étrangers sur des actifs français. Une décision d’Etat, qui cherche à défendre sa souveraineté face aux logiques de mondialisation. David contre Goliath ?

Aurélie Barbaux

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