Pourquoi la France n'a aucun parc éolien offshore au contraire des autres pays européens ?
Comment expliquer le retard français dans l'installation de parcs éoliens en mer ? Le 6 septembre, l'inauguration en mer d'Irlande de la ferme d'éoliennes offshore la plus puissante au monde a rappelé que la France n'en comptait aucune à ce jour, malgré des ressources importantes. Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) se justifie.
Mis à jour
14 septembre 2018
Le 6 septembre, le producteur d’énergie danois Orsted a inauguré la ferme éolienne offshore la plus puissante du monde en mer d’Irlande. Une réussite qui rappelle à nouveau le retard de la France dans la filière. Les eaux françaises ne comptent aucun parc éolien malgré l’existence d’industriels qui développent donc des projets... à l’étranger.
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Sur son site, le ministère de la Transition écologique et solidaire affiche encore un objectif de 500 MW de puissance installée pour l’éolien en mer d’ici la fin de l’année 2018. Un but désormais inatteignable.
En France, l’éolien offshore brille d’autant plus par son absence qu’il est paradoxal. Sans tomber dans le chauvinisme, l’Hexagone détient un espace maritime de 11 millions de kilomètres carrés, c’est le deuxième plus grand dans le monde. Le pays ne souffre pas non plus, a priori, d’un manque de compétences puisqu’il parvient à exporter ses technologies. En témoigne le démonstrateur d’éolien offshore de Blyth, en Mer du Nord, exploité par EDF Energies Nouvelles.
Le premier appel d’offres de l’État pour développer la filière remonte à 2011. Comment expliquer alors le retard français ? Nous avons interrogé Marion Lettry, déléguée générale adjointe du Syndicat des énergies renouvelables (SER).
Les défis technologiques peu à peu relevés
“Nous avons rencontré des difficultés que les autres pays européens ont eu, estime Marion Lettry. La première avait aussi ralenti le développement de l’éolien en mer en Europe du Nord: c’est le raccordement de ces grands parcs de production au réseau électrique.”
La particularité de la géographie française est parfois pointée du doigt pour justifier le retard. Tandis que les pays d’Europe du Nord bénéficient de mers avec des fonds peu profonds, la France nécessite des technologies de fondations différentes. Il ne s'agit plus d'un obstacle selon la déléguée générale adjointe: “Ce n’est pas un problème, c’est une différence. Aujourd’hui, nous savons exploiter des fonds jusqu’à 30 ou 40 mètres de profondeur. Cela coûte plus cher et le coût de production de l’énergie produite sera un peu plus important mais ce n’est pas un frein.”
Beaucoup de contentieux sur les projets d’éolien en mer
Pour Marion Lettry, l’une des principales explications au retard français est la longueur des contentieux sur les projets d’éolien en mer : “Aujourd’hui, les autres pays arrivent à réaliser des parcs éolien en mer en quatre ou cinq ans tandis qu’en France nous mettrions le double. Une fois que les autorisations sont obtenues, elles sont attaquées et il y a une période de recours qui peut durer trois ou quatre ans.” Un phénomène qui ne s’observe pas ailleurs selon elle.
L’ensemble des projets lauréats des deux premiers appels d’offres ont ainsi subi des recours. Et les exploitants des parcs ne sont pas les seuls visés par ces procédures. Le RTE, réseau de transport d’électricité, peut également être attaqué puisqu’il a besoin d’une autorisation de raccordement du parc au réseau. “Ce n’est pas forcément une association entière qui s’oppose au projet”, précise Marion Lettry. “Un riverain isolé suffit à le retarder.” Certaines régions font également face à des problématiques locales, liées aux intérêts des pêcheurs ou des acteurs du tourisme.
Le SER constate des progrès sur l’adaptation de la réglementation à l’éolien offshore. Comme avec le permis enveloppe prévu par la loi pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC) adoptée en juillet. “C’est un dispositif qui existait dans la grande partie de l’Union Européenne. Il permettra, lorsqu’on a obtenu une autorisation par le préfet, de modifier le choix des machines. C’est-à-dire de prendre une technologie nouvelle tout en conservant son autorisation et donc sans être obligé de faire une demande de modification de son autorisation. Avant, ce n’était pas possible en France, cela rajoutait des délais et des risques de contentieux assez importants”, détaille Marion Lettry.
Des premiers parcs attendus pour 2020-2021
En 2011, le gouvernement a lancé un premier appel d’offres pour la répartition de 2000 MW sur cinq zones : Le Tréport (Seine-Maritime), Fécamp (Seine-Maritime), Courseulles-sur-Mer (Calvados), Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) et Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Selon le ministère de la Transition écologique et solidaire, les premières mises en service sont prévues pour 2020-2021, une fourchette large qui suscite des interrogations.
Faut-il s’attendre à de nouveaux retards sur ces premiers projets ? Vraisemblablement non, selon la déléguée générale adjointe : “Il n’y a pas de raison qu’il y ait de décalage. Nous attendons les dernières décisions qui sont liées aux contentieux. Une fois que le porteur de projet aura eu la décision du Conseil d’Etat, il pourra engager les différents financements et les phases opérationnelles.”
L'attente de la PPE
Prochaine attente pour le SER : la révélation prochaine de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Elle doit définir les objectifs de production d’électricité pour 2023 et 2028 pour chaque filière. Les volumes déterminés pour l'éolien offshore vont donc grandement décider de son développement ou de sa stagnation.
“Nous savons que des gens restent à convaincre sur l’éolien en mer parmi ceux qui prendront des décisions importantes sur la PPE. Nous ne nous attendons pas forcément à voir des volumes extrêmement importants mais nous voulons qu’il y ait suffisamment de visibilité pour les industriels. Pour que la filière continue sa baisse des coûts et que petit à petit elle prenne la place qui lui convient dans le mix énergétique français”, conclut Marion Lettry.
Aujourd’hui, le SER défend un objectif de 9% d’éolien en mer dans la production d’électricité en 2030. Prochainement, le syndicat devrait communiquer des objectifs plus précis et un calendrier d’appel d’offres jusqu'en 2024.
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