Pourquoi l’Allemand Bayer a tant besoin de Monsanto

Six mois après l’annonce, le groupe chimique Bayer doit boucler cette année le rachat de l’américain Monsanto, numéro un mondial des semences et des OGM. Une opération d’autant plus cruciale que le marché souffre, et que les concurrents fusionnent aussi.

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Pourquoi l’Allemand Bayer a tant besoin de Monsanto

En annonçant en septembre dernier le rachat de l’américain Monsanto, le groupe chimique et pharmaceutique Bayer espère avoir réalisé un grand coup. Le numéro deux mondial des pesticides s’emparant de Monsanto, champion des semences et des OGM ! Une coûteuse acquisition à 66 milliards d’euros que l’Allemand espère boucler avant la fin de l’année, a-t-il assuré le 22 février à l’occasion de la présentation de ses résultats annuels, à Leverkusen (Allemagne).

Or le temps presse pour Bayer, car le marché de l’agrochimie souffre, et les ventes de l’Allemand en la matière aussi. En 2016, elles ont même chuté, passant de 10,1 à 9,9 milliards d’euros. Compensées malgré tout par la croissance de ses deux autres grandes divisions – les médicaments vendus sur ordonnance et la santé grand public -, qui lui ont permis d’atteindre un chiffre d’affaires de 46,8 milliards d'euros, en hausse de 1,5%.

Que se passe-t-il dans le monde de l’agrochimie ? Plusieurs pays comme la France ont déclaré la guerre aux pesticides, les marchés-clés pour les semences de l’Amérique du Sud ralentissent, les ventes de semences transgéniques (OGM) déclinent à travers le monde. Et les agriculteurs ont été confrontés à une baisse de leurs revenus, face à la chute des prix des céréales l’an dernier. La croissance devrait revenir en fin d’année en Asie, Amérique latine, et Europe de l’Est, espère Liam Condon, le patron de la division agrochimie (Cropscience) de Bayer. L’Europe de l’Ouest et les Etats-Unis ne devraient pas profiter de cette embellie, ce sont pourtant les pays où les agrochimistes réalisent leur meilleures marges.

La saison des mariages

Pour tenir le coup, l’heure est aux mariages dans le secteur. Les deux géants de la chimie américains, DuPont et Dow, tentent de fusionner pour créer trois divisions, dont une dédiée à l’agrochimie. Le semencier suisse Syngenta, - Monsanto a tenté en vain de s’emparer en 2015 -, va passer sous pavillon chinois pour 43 milliards de dollars. La Chine ambitionnant de développer rapidement ses propres OGM. Elle rechigne à adopter les technologies étrangères.

Si Bayer veut résister sur ce marché en pleine consolidation, il doit donc au plus vite boucler l’acquisition de Monsanto. Mais les autorités de la concurrence veillent, et freinent tous les mariages en cours. Aux Etats-Unis comme en Europe, l’Allemand doit donc apporter des gages supplémentaires. Et risque, pour les convaincre, de devoir accepter de se séparer de certaines activités, tout comme Monsanto. Mais Werner Baumann, le nouveau patron de Bayer, reste confiant.

En France, l’inquiétude d’une partie du monde agricole et de la restauration

Dans l’opinion publique, le mariage entre Bayer et Monsanto n’est pas accepté pour autant. En France, la Confédération paysanne et de nombreux chefs et pâtissiers, ont exprimé leurs inquiétudes sur l’impact de cette union qui réduira le choix offert aux agriculteurs, et pourrait attiendre la diversité et la qualité de notre alimentation. "En Allemagne, il y a plus d’une centaine d’entreprises de semences, c’est sans doute le cas également en France : nous ne serons qu’une partie de la solution, assure Liam Condon, interrogé par L’Usine Nouvelle. Surtout lorsqu’on voit le dynamisme des fonds d’investissements et des entreprises high tech sur ce créneau."

Ingénierie génétique et digital : les innovations de demain

A Leverkusen, on imagine déjà les innovations qui sortiront de cette gigantesque union. Bayer, tout comme Monsanto, misent sur les nouvelles technologies de l’ingénierie de l’ADN, qui permettent de modifier les plantes de façon très ciblée, pour les rendre plus résistantes au stress, moins gourmandes en eau… De quoi effrayer les associations environnementales et de consommateurs, qui les assimilent à des OGM de nouvelle génération et voudraient les voir encadrer comme tel à l’échelle européenne… ce qui serait un véritable frein pour ces innovations, craint l’industrie de l’agrochimie.

Bayer a néanmoins créé une joint-venture avec l’entreprise Crispr Therapeutics qui lui donnera accès à des applications dans la pharmacie et l’agrochimie. L'industriel allemand croit au potentiel de la digitalisation de l’agriculture, un domaine dans lequel Monsanto est particulièrement en pointe. Objectif, proposer demain aux agriculteurs des solutions alliant produits physiques, comme les pesticides, et numériques avec des plateforme de cartographie du champ, de prédiction de maladies…

Gaëlle Fleitour, à Leverkusen (Allemagne)

Ce qu’il s’est vraiment dit entre Bayer et Trump

En janvier, la direction du groupe allemand a rencontré Donald Trump, le nouveau président américain, inquiet de l’impact du rachat de Monsanto. Ce dernier avait alors affirmé que Bayer prévoyait de maintenir tous les effectifs de Monsanto aux Etats-Unis et d’y créer 3 000 nouveaux emplois. Le patron du groupe chimique et pharmaceutique préfère évoquer "plusieurs milliers d’emplois dans l’innovation, tout simplement dû au fait que nous sommes une entreprise en croissance". Mais promet d’investir, sur six ans, 16 milliards d’euros en R&D, dont la moitié outre-Atlantique.

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