Deux jours après, le vote surprise de l’Allemagne en faveur du glyphosate en Europe continue d’entraîner des remous politiques. Mais que s’est-il passé, alors que le gouvernement avait décidé que le pays s’abstiendrait ? C’est en effet la règle lorsque les partenaires de la coalition ne parviennent pas à un compromis. Or, sur un sujet aussi controversé que l’herbicide de Monsanto, c’était bel et bien le cas : la ministre de l’environnement (appartenant aux sociaux-démocrates) Barbara Hendricks y était opposée, tandis que le ministre de l’agriculture (appartenant à la CSU, la branche bavaroise des chrétiens-démocrates) Christian Schmidt y était favorable.
Finalement, c’est ce dernier qui, contre toute attente, a voté positivement. "Cela ne reflète cependant pas la position officielle du gouvernement, a réagi Angela Merkel lors d’une conférence de presse ce mardi. J’en ai discuté avec lui et j’attends de tous mes ministres que cela ne se reproduise plus". Pour calmer la tempête, Christian Schmidt a lui aussi affirmé avoir "pris la décision seul, en examinant les faits". Pour autant, il conserve la confiance de la chancelière.
Furieux de ce soutien, le SPD évoque désormais une "rupture de confiance de la part de la CSU" et accuse Merkel de ne pas savoir "tenir ses troupes". De plus, l’affaire survient au plus mauvais moment car la CDU doit entamer des négociations avec les sociaux-démocrates, pour sortir le pays de l’impasse politique dans lequel il se trouve depuis deux mois.
Mais en coulisse, il se murmure que le coup était en réalité préparé depuis des mois. Ce sont en tout cas les révélations de plusieurs journaux, dont le Süddeutsche Zeitung, qui se sont procuré des documents internes du ministère. Ceux-ci évoquent dès le 7 juillet l’idée de passer outre l’avis de leurs collègues de l’environnement. Le ministre de l’agriculture aurait alors profité de l’instabilité politique qui règne actuellement. En guise d’hypothèse, il faut rappeler que la Bavière, terre de la CSU, est le premier Land agricole en Allemagne et que de très nombreux exploitants traditionnels utilisent des produits chimiques. Cependant, le parti y est en perte de vitesse. Aux dernières législatives, il a ainsi obtenu son plus mauvais résultat depuis 1949, avec 38,5 % des voix contre 49,3 % quatre ans auparavant. Avant les élections régionales de l’automne 2018, le ministre aurait pu vouloir reconquérir une partie de ces électeurs. Sa décision n’a d’ailleurs pas échappé à l’Association des agriculteurs allemands (DBV) qui s’est réjouit d’une "avancée logique et trop longtemps repoussée".
Pour le député Verts Anton Hofreiter, l’explication se trouve aussi du côté des lobbys de la chimie, troisième plus grand secteur économique. La fusion entre Bayer et Monsanto, pour un montant record de 66 milliards d’euros, est actuellement examinée par la Commission européenne. Or, la division herbicides et semences, qui réalise plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaires, est un des futurs piliers du groupe de Leverkusen, qui réclamait une prolongation de quinze ans. Reste que cette décision historique a littéralement fait basculer l’issue du scrutin. Pour obtenir la majorité qualifiée, il fallait en effet obtenir l’approbation des États représentant au moins 65 % de la population de l’Union européenne. Avec l’Allemagne, qui aurait également été suivie de la Pologne, de la Bulgarie et de la Roumanie (toutes les trois s’étaient abstenues le 9 novembre dernier), c’était chose faite, avec 65,71 % de la population.