Pour y voir plus clair dans les 40 mesures pour l’innovation…
Pour son plan innovation, le gouvernement a prévu 39 mesures et dégainé un fond national d’innovation de 240 millions d’euros. Revue de détail, décryptage et agenda prévisionnel… dans la mesure du possible.
Officiellement, le plan innovation du gouvernement, présenté début novembre et baptisé "nouvelle donne pour l’innovation", n’introduit qu’un seul nouvel instrument : un fonds national d’innovation de 240 millions d’euros issus du programme d’investissement d’avenir. Si on y regarde de plus près, les 39 autres mesures transverses listées selon 4 axes (public, culture, valorisation, entreprises) mélangent but et moyens, soit des actions lancées ou à mener et de nouveaux instruments, pour certains déjà créés, notamment en matière de politique publique de transfert de la recherche. Sans parler des initiatives déjà entamées, mais non reprises dans les mesures, comme la réorientation des objectifs des pôles de compétitivité, les 34 plans du redressement productif ou la définition de 7 domaines technologiques porteurs pour créer des champions nationaux d’ici à 2030, mais qui viennent en complément et sont présentées comme des mesures uniquement sectorielles (!). Le tout sous fond de redéploiement des investissements d’avenir (cf. ce que va financer l’acte 2 des investissements d’avenir), qui anticipait le plan innovation d’un mois.
Ce qui existe déjà : le Crédit impôt innovation et les CEATech
Et si, dans son discours, Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, de l’Innovation et de l’Economie numérique, a présenté une dizaine de mesures "emblématiques", un décryptage s’impose. En commençant par ce qui a été annoncé, mais existe déjà.
Très attendue, l’instruction fiscale fixant les critères d’éligibilité du crédit impôt innovation, qui permet aux PME d’obtenir un crédit d’impôt de 20% des dépenses de prototypage et de design, a enfin été publiée le 10 octobre 2013. Il devrait correspondre à l’action 14 (améliorer la mise en œuvre du CIR au profit des entreprises innovantes) de l’axe 4 (croissances des entreprises). Lancées il y a déjà un an, les 15 mesures pour doper la valorisation de la recherche vers les entreprises, sont elles aussi bien avancées. Les plates-formes de transfert technologiques du CEA ont, comme prévu, fait des petits à Nantes, Bordeaux, Toulouse et une autre devrait éclore aussi à Metz (action 4 de l’axe 3 : transfert de recherche publique). La prise en compte de la valorisation dans l’évaluation des chercheurs devrait être promulguée début 2014 (action 1 de l'axe 3). En revanche, la création du livre sur le transfert, prévu dans la loi, est encore en cours de transmission au Conseil d’État, le décret relatif au mandataire unique sur les brevets issu du public doit encore être soumis à consultation (en décembre normalement) et la circulaire, sur l’exploitation préférentielle des résultats de la recherche publique sur le territoire européen et pas des PME est… toujours en cours (actions 5 à 7 de l’axe 3).
Juste lancé : le fonds Large Venture
Le Fonds large Venture, de 500 millions d’euros, opéré par Bpifrance a été officiellement créé le 12 novembre sous la forme d’un FCPI de 99 ans (action 3 de l’axe 4 : entreprises), en complément de fonds existants, comme Innobio (Biotech), Ambition numérique ou Ecotechnologies Il mobilisera des investissements importants (plus de 10 millions d’euros) dans des entreprises innovantes, qui peuvent être cotées, généralement en co-invertissement. Ce nouveau fonds intègre même une dizaine d’investissements déjà affectés par le Fonds stratégiques d’investissement (Withings, Supersonic Imagine, ou Valneva).
À préciser?: le fonds national d’innovation
Le fonds national d’innovation de 240 millions d’euros, issus des investissements d’avenir acte II, avait déjà été annoncé et détaillé début octobre. Il financera deux mesures. 20 millions d’euros seront réservés à l’appel à projet pour soutenir le développement de la culture de l’entrepreneuriat et de l’innovation, dans les écoles, notamment (action 1 de l’axe 2 : culture de l’entrepreneuriat et de l’innovation).
Et 100 millions d’euros pour un fonds souverain de la propriété industrielle (un nouvel instrument donc), dont la mission sera aussi de renforcer la capacité française d’influence en matière de standardisation. Il serait complémentaire de France Brevet, lancé il y a deux ans, pour valoriser les brevets français à l’international, sous forme de grappes dans des domaines de pointe. "Le but de ce nouveau fonds serait de constituer des portefeuilles de brevets destinés aux acteurs français en priorité. Nous avons demandé à Jean-Charles Hourcade, directeur de France Brevets, de nous faire des propositions ", explique un conseiller ministériel. Tout reste à faire, donc.
À actionner : le plan Nova de BPIFrance et les designers en résidences
En revanche, les 120 millions d’euros restant, dédiés à l’innovation non technologique, ne seraient dégagés qu’à partir de 2015. Ils sont inclus dans la mesure " la construction d’un pôle Innovation performant au sein de Bpifrance soutenant de nouvelles formes d’innovation " (Action 8 de l'axe 1: politique publique). Cette dernière a détaillé son plan d’action Nova pour les entreprises innovantes, annonçant 400 millions d’euros supplémentaires disponibles en 2014, et un investissement total de 1 milliard d’euros dont les 500 millions du plan Ventures (cf. plus haut).
À noter, une nouvelle gamme de prêts pour les pôles, la robotisation et le numérique lancée début 2014, un club d’entreprises innovantes avec mentorat pour 2015 (action 13 de l'axe 4) et des précisions sur les quartiers numériques (cf. feuille de route numérique !) : Bpifrance financera une dizaine de structures d’accélération et, en 2015, disposera d’un budget de 200 millions d’euros… mais on ne sait pas pour quoi faire ! C’est aussi Bpifrance qui financera le programme d’innovation de rupture proposé par la commission Anne Lauvergeon (le communiqué par appel à projets alors qu’on annonçait un concours !) et le fonds multisectoriel de 600 millions d’euros sur les thématiques d’avenir (cloud, big data…), qui doivent recouper les 34 plans pour la nouvelle France industrielle d’Arnaud Montebourg.
En revanche, la mise en place de designers en résidences dans les pôles (action 15 de l'axe 4) est actée depuis le 15 octobre et les 2e rendez-vous du design. Arnaud Montebourg a même précisé que dès 2014, 10 pôles accueilleraient en résidence un designer pour une durée de six mois afin de sensibiliser les entreprises et entamée des collaborations, mais avec d’autres designers (pour éviter des conflits d’intérêt).
À créer : la commission d’évaluation des politiques publiques d’innovation
Action la plus emblématique de cette " nouvelle donne pour l’innovation ", la création d’une commission d’évaluation des politiques d’innovation, qui sera rattachée au Commissariat général à la stratégie et la prospective (action 1, axe 1 : politiques publiques). Mise en place avant la fin de l’année, elle devra établir l’efficacité des politiques publiques. " C’est un point essentiel pour notre efficacité : combien dépensons-nous ? À quoi servent les euros investis ? Combien d’emplois sont créés ? " explique Fleur Pellerin. Lourde tâche sachant qu’aucune réelle consolidation des dépenses n’existe aujourd’hui et qu’aucun objectif chiffré n’est attribué aux actions mises en place ou annoncées que ce soit les pôles, le CIR, les fonds brevets, ou autres… Et que les outils de mesure, comme le nombre de brevets ou l‘intensité de R&D, ne sont pas des mesures suffisantes !
À suivre?: le code des marchés, le partenariat innovation ouverte, la fiscalité…
Dans les 40 mesures annoncées, encore beaucoup d’initiatives qui devraient aller dans le bon sens, comme l’adaptation du code des marchés publics pour "développer le soutien aux entreprises innovantes" (action 4 de l’axe 1), confirmée par Arnaud Montebourg, mais délicate à mener. L’idée de favoriser fiscalement les investissements en capital-innovation des grands groupes (action 2 de l'axe 4) vient d’être lancée par Pierre Moscovici, et n’attend (pour juillet ?) que l’approbation de l’Europe. En revanche, le partenariat "Innovation ouverte" que l’État veut signer avec les organisations d’entreprises (action 11 de l’axe 4) qui devrait arriver à débloquer les relations grands comptes-PME, laisse dubitatif. Le Pacte PME peinant sur le sujet depuis des années.
À suivre aussi la redynamisation du concours de la création d’entreprises innovantes, ou la bourse des nouveaux entrepreneurs (action 12 de l’axe 4) ou le statut étudiant entrepreneurs (action 4 de l’axe 2). Et il reste encore une vingtaine de mesures, souvent plus diffuses (comme s’appuyer sur les régions ou assurer une coordination interministérielle…), pour lesquelles on manque de détail.
Bref, de quoi occuper pleinement la nouvelle commission pas encore créée.
Aurélie Barbaux
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