"Pour une prise de fonction, l'idéal est d’arriver lancé comme dans une course de relais", selon Frédéric Marquette

Directeur associé d’une entreprise de management de transition, Frédéric Marquette vient de publier "100 jours pour réussir, paroles de dirigeants". Il y détaille les mesures à prendre pour réussir une prise de fonction. Un des points importants identifiés dans cet ouvrage est la constitution de l’équipe. Nous lui avons demandé comment faire pour réussir à asseoir sa légitimité et mobiliser au plus vite toutes les énergies. 

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L'Usine Nouvelle - D'où vient l'idée qu'il faut 100 jours pour réussir ?

Frédéric Marquette - Nous réalisons des missions de management de transition, dont la durée moyenne est d’environ cent jours. Donc si nous n'avions pas réussi dans cette durée, notre intervention serait un échec. J'avais l'intuition que cela était vrai de toute prise de postes, qu'il s'agisse d'une mission à court terme ou d'une embauche à plus long terme. Pour vérifier cette hypothèse, nous avons réuni un groupe de travail avec des managers de transition puis interrogé des dirigeants. A l'issue de ce travail, les mêmes règles se sont révélées applicables à de nombreuses situations. Ce n'est bien sûr pas au jour près, c'est l'indication que beaucoup de choses se jouent en très peu de temps. Il faut donner rapidement une impulsion, imprimer sa crédibilité. A défaut, la suite sera plus difficile.

Un des premiers chapitres de votre ouvrage est consacré au choix de l'équipe. En quoi est-ce aussi important ?

Un responsable d'équipe ne réussit pas seul. Il doit savoir s'entourer. La difficulté est de faire ses choix, en quelques semaines. Un organigramme établi rapidement est facteur de tranquillité et assure une relative paix sociale. Les ambitions des uns et des autres sont soit exaucées, soit frustrées, mais chacun sait à quoi s'en tenir. Il peut y avoir une grande déperdition d'énergie si l'incertitude règne trop longtemps.

Faut-il changer l'équipe ou garder le plus possible celle qui est en place ?

Beaucoup de dirigeants que nous avons interviewés estiment qu'il faut garder le plus de personnes, si cela est possible. D'autres, moins nombreux, arrivent avec leur propre équipe. A mon sens, cette solution n'est pas idéale, car on se prive de personnes qui connaissent l'entreprise, son histoire, sa mémoire même. Bien sûr, ils peuvent être des facteurs bloquants, mais un bon manager doit savoir tirer le meilleur de chacun.

En revanche, il faut savoir se séparer des maillons faibles et autres personnalités négatives qui critiquent tout et veulent saborder la prise de fonction. Enfin, il faut éviter ce que j'appelle l'effet Robespierre, c'est-à-dire annoncer que " des têtes vont tomber " sans préciser lesquelles. L'histoire a montré qu'il a été guillotiné lui-même deux jours après ce discours. Tous ceux qui avaient peur d'y passer se sont ligués contre lui. Autrement dit, il faut faire et annoncer ses choix rapidement. Quand je demande à des dirigeants quel est leur principal regret, ils me disent que c'est de ne pas s'être séparé assez rapidement d'une personne avec laquelle ils pressentaient que cela ne se passerait pas bien.

Comment choisir les membres de son équipe, que ce soit pour le directoire d'une entreprise ou pour un manager de proximité ?

Pour réussir dans une mission, il vaut mieux privilégier le contact avec les gens que les états chiffrés qui donnent une information froide. Une entreprise c'est vivant. En rencontrant les personnes, on peut se faire une idée de leurs compétences, de leurs potentialités et de leur volonté. Et elles savent où sont les problèmes. Au bout de deux ou trois semaines, on sait en général sur lesquelles on pourra compter, qui est en accord avec le projet.

Que faire si une personne avec laquelle on ne souhaite pas travailler possède une compétence clé ?

La première chose à faire est de lui dire qu'on compte sur ces compétences. C'est très positif. Ensuite, il faut trouver une solution ensemble, pour que les désaccords n'empêchent pas de travailler. Plus tôt c'est fait, moins il y aura de malentendus entre les deux personnes et mieux ce sera. Et si l’on voit que cela ne sera vraiment pas possible d’avancer et de construire ensemble, mieux vaut en tirer les conséquences et lui trouver une autre place dans le groupe, voire s’en séparer.

Jusqu'ici nous avons imaginé des personnes venues de l'extérieur. En cas de promotion interne, la situation est différente. On connaît souvent les personnes qu'on va encadrer, ce sont d'anciens collègues. Comment faire ?

Cette situation présente un atout majeur puisqu'on connaît déjà l'entreprise, son fonctionnement. En revanche, cette promotion peut créer des jalousies. On va dire "pourquoi lui et pas moi ?". Le promu doit aussi au plus vite changer de rôle dans son esprit et dans le regard que portent les autres sur lui. Globalement, j'ai envie de dire que c'est plus facile pour une personne venant de l'extérieur. Elle a une sorte d'état de grâce. On attend de voir ce qu'elle va faire, alors qu'on connaît les faiblesses de celui qui a été promu en interne. Faiblesses que les jaloux ne manqueront pas de pointer du doigt à la première occasion. Le nouveau manager doit donc fédérer autour de lui et imposer rapidement son autorité. Il a l’avantage de connaître lui aussi les atouts et faiblesses de ses collaborateurs, les équipes qui fonctionnent ou peuvent être fructueuses, comme celles qui sont plus délicates. Il doit savoir exploiter habilement sa propre connaissance de l’entreprise et des hommes pour instaurer son leadership.

Dans ce contexte de promotion interne, comment sélectionner son équipe ?

Il faut entrer dans une phase d'écoute au départ, se donner le temps de comprendre l'attitude des gens en place et surtout ne pas établir un consensus mou en espérant que les conflits s'arrangeront avec le temps. Il faut s'assurer du soutien des uns et des autres, recueillir leur avis et prendre rapidement les premières décisions pour marquer. Pour les raisons déjà évoquées, le manager doit le faire rapidement. Il faut éviter d'annoncer de grandes ambitions à long terme qui tarderont à se concrétiser et préférer un plan d'action précis et jalonné. Ensuite, il faut montrer vite quel sera son style de management. Cela se voit dans des détails, la tenue de réunions régulières ou non, la mise en place d'indicateurs, le suivi rapproché des actions décidées...

Y'a-t-il des moyens de gagner du temps ?

L’idéal est d’arriver lancé comme dans une course de relais. La prise d’information peut commencer dès la période de recrutement. Par exemple, certaines personnes qui vont prendre un poste se font envoyer la liste des noms et des photos des personnes de leur équipe. Quand ils arrivent, ils peuvent serrer la main des uns et des autres. Cela crée un contact immédiat. Certains diront que c'est une forme de manipulation. C'est surtout un moyen de montrer à ses futurs collègues qu'on s'intéresse à eux.

Propos recueillis par Christophe Bys

"Cent jours pour réussir", éditions A contre courant, 20 €

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