Pour la première fois, un tribunal juge qu'un chauffeur Uber est un salarié
La cour d'appel de Paris a considéré qu'un chauffeur Uber était un salarié et que la relation entre la plateforme et son chauffeur n'était pas de type client-fournisseur. Une décision qui remet en cause l'organisation des entreprises de l'économie dite collaborative.
Que va devenir l'économie du partage et les plateformes réputées collaboratives ? Après l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation sur Take Eat Easy, c'est un nouveau coup dur que vient de lui porter la cour d'appel de Paris, révèle le Figaro.
La fin de l’ubérisation ?
Cette fois, c'est le symbole de ce mouvement qui est concerné, puisque la décision concerne Uber, la société qui est devenue un nom commun, la fameuse uberisation tant décriée.
La Cour d'appel de Paris a estimé que la relation entre un chauffeur et la plateforme n'était pas une relation client fournisseurs, mais plutôt un lien salarial classique. Par conséquent, la Cour renvoie le dossier aux prud'hommes, qui s'étaient déclarés incompétents pour arbitrer le litige entre les deux parties. Rappel des faits : le chauffeur a porté plainte après que son compte ait été désactivé, l'empêchant de recevoir des commandes.
Cette décision est particulièrement intéressante car elle change partiellement la réflexion juridique. Jusqu'ici, dans les conflits entre un prestataire et les différentes plateformes, le tribunal cherchait à établir si les conditions d'un lien salarial étaient ou non réunies, via la notion de lien de subordination.
Pas d’entreprise indépendante
Selon les informations du Figaro, il semblerait que la Cour d'appel ait eu un raisonnement différent, en cherchant à établir si les conditions d'existence d'une libre entreprise étaient réunies ou pas. Or, tel n'est pas le cas. Une entreprise individuelle indépendante doit être librement créée par son auteur, qui organise comme il l'entend ses tâches et choisit ses fournisseurs et prospecte des clients.
Avec les applis, ces conditions ne sont pas réunies de façon évidente. Pour travailler avec Uber, il faut créer une entreprise individuelle. En outre, le chauffeur ne fixe pas ses tarifs et ne peut pas démarcher de clients, Uber interdisant la possibilité de se "constituer une clientèle propre".
Au-delà de ces arguments, la Cour a estimé qu'Uber contrôlait le travail du chauffeur notamment parce que son refus de plusieurs courses impliquait des relances de la plateforme.
Il est probable que la plateforme se retourne vers la Cour de cassation qui devra affiner sa doctrine après l'arrêt TakeEatEasy. En effet, l'enjeu est loin d'être neutre. Si le chauffeur est un salarié, cela implique un changement profond de la relation mais aussi de l'équilibre économique entre les entreprises et les chauffeurs (paiement de cotisations sociales, congés payés, couverture en cas d'accident... ). De nombreuses plateformes ont mis en place des prestations pour leurs prestataires, afin de mieux les couvrir. Le législateur prévoyait par ailleurs la mise en place de chartes pour réguler ses régulations et créer une sorte de statut intermédiaire entre le salariat pur et dur et la relation commerciale basique.
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