Pour l’emploi de demain, les salariés français manquent de compétences liées aux nouvelles technologies
Le conseil d’orientation pour l’emploi (COE) a remis aujourd’hui le tome 2 de son avis "Automatisation, Numérisation et emploi". Il traite de "l’impact sur les compétences". L’enjeu est de taille car si tout le monde n’a pas besoin de devenir ingénieur en informatique, de nouvelles compétences aussi bien d’utilisation du numérique que des compétences générales seront requises y compris dans les emplois les moins qualifiés. Et il y a clairement de gros trous dans la raquette des compétences des actifs français. Sans parler de l’inadéquation de nos structures de formation et de l’organisation des entreprises.
Le conseil d’orientation de l’emploi avait posé en début d’année un diagnostic moins alarmiste que d’autres études internationales sur l’impact de l’automatisation et la numérisation sur l’emploi. Selon lui seul 10 % des emplois français à horizon 15 ans seraient amenés à complètement disparaître tandis que 50 % verraient leur contenu se transformer notablement ou profondément. Petite lueur d’optimisme après une pelleté de rapport plus anxiogènes les uns que les autres puisque le rapport Carl Benedikt Frey et Michael A. Osborne prévoyaient jusqu’à 47 % d’emplois automatisables. Le COE estimait qu’il ne fallait pas raisonner en emplois automatisables mais en tâches automatisables ce qui transforme le travail sans forcément le faire disparaître.
Il approfondit aujourd’hui le sujet, dans un deuxième tome, en se penchant sur le type de compétences nouvelles à acquérir et les modalités de mise en œuvre. Et son appréciation du chemin à parcourir est nettement plus alarmiste compte-tenu de la situation des salariés français.
Principal enseignement, maintenir et créer des emplois à l’heure du numérique ne repose pas uniquement sur la multiplication d’experts en nouvelles technologies. Certes les besoins sont en constante augmentation pour ces profils et les pénuries sont déjà là. Le déficit est estimé à 80 000 emplois à horizon 2020 pour les seules technologies de l’information et l’électronique, selon une étude Empirica.
L’Allemagne est dans une situation encore plus défavorable avec un déficit estimé à 150 000. Mais, s’il suffisait de fabriquer à la chaîne en formation initiale ou continue des bataillons de spécialistes de la gestion des données, de la programmation ou de la maintenance des logiciels, le problème serait de taille mais circonscrit. En réalité, il n’est que la partie émergée de l’iceberg. Puisque comme le laissait entendre le premier acte du travail du COE, le souci porte aussi sur les 50 % d’emplois qui vont se modifier. Les compétences nécessaires sont l’utilisation des technologies numériques et non leur conception mais également d’autres compétences techniques, cognitives, sociales ou situationnelles. Car en réalité avec le numérique c’est tout l’environnement de travail qui change, les tâches et les intéractions professionnelles.
Pour ce qui concerne la montée des compétences techniques, ne nous y méprenons pas souligne le COE, elles sont parfois très éloignés du numérique. En matière d’agriculture par exemple, les OPCA du secteur expliquent que "l’automatisation de la culture sous serre demande aux salariés agricoles des compétences plus poussées en matière d’agronomie." Même constat dans le secteur du commerce, "où l’on on attend désormais des vendeurs un nouveau niveau d’expertise sur les produits face à des consommateurs eux-mêmes mieux informés."
Utiliser le numérique mais aussi lire, compter et sociabiliser
Il y a là des sujets d’expertise métier, mais par ailleurs il faut que l’ensemble de la population dispose de compétences numériques générales tout simplement pour interagir avec l’environnement. Si ces compétences sont présentes de manière élevées chez les jeunes, le niveau est préoccupant pour les 45-54 ans qui ne sont que 53 % à en disposer. Au global 8 % de la population active française n’a aucune compétence numérique et 27 % un niveau faible.
Le COE regroupe sous le terme de compétences cognitives tout ce qui concerne la littératie, la numératie et la "résolution de problème" dont le besoin s’étend alors que les tâches physiques se réduisent. Là encore le tableau est plutôt sombre. 3,3 millions de personnes pourraient être mis en difficultés dans leur job pour insuffisance dans ce domaine et 7,7 millions devraient "monter en compétences pour disposer de meilleurs atouts dans une économie numérisée."
Les compétences sociales et situationnelles sont, elles, entraînées à la hausse, justement parce qu’elles sont moins automatisables, ce qui renforce leur valeur. Elles vont être nécessaires même pour des emplois peu ou moyennent qualifiés. Elles recouvrent le travail en équipe, l’adaptabilité, l’intelligence relationnelle …
Le COE est très clair sur le principe qu’au-delà de la montée en qualification, c’est sur la montée en compétences (un ensemble de savoirs et d’aptitudes en situation de travail) d’une grande partie de la population active qu’il faut travailler. Un enjeu pour la révision de la formation continue, prochain chantier social du gouvernement. L’étude estime que le sujet est aussi celui des entreprises car il existe aujourd’hui paradoxalement un écart entre les compétences existantes des actifs et celles qui sont sollicitées dans l’environnement de travail. Là c’est le chantier de l’organisation des entreprises qui est en jeu pour savoir solliciter de manière plus pertinente leurs salariés dans ce nouvel environnement numérique.
Conclusion du rapport au vu de l’analyse des besoins et de l’organisation actuelle du système de formation et de certification : "la marche est haute".
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