Pour Intel, la concurrence devient sérieuse
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Les challengers ont comblé leur retard technologique
Le leader mondial des microprocesseurs entend ainsi reprendre l'initiative pour maintenir à distance une concurrence de plus en plus incisive. Bien sûr, Intel s'arroge encore 85 % (en volume) du marché mondial des microprocesseurs et même 95 % en valeur, compte tenu de l'importance de ses ventes de modèles haut de gamme. Des positions qui lui ont permis d'engranger 20,8 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 1996, en progression de 29 %, et d'afficher un bénéfice record de 1,98 milliard de dollars (+ 116 %) au premier trimestre 1997. Il n'empêche. L'offensive de ses concurrents est désormais sérieuse. " Compte tenu de leur réactivité et des performances de leurs produits, les fabricants de clones X86 d'Intel prendront 25 % en volume, et 15 % en valeur, du marché des microprocesseurs en 2000 ", pronostiquent les analystes du cabinet Dataquest. Il est vrai qu'au fil des générations de puces les challengers ont comblé leur retard technologique. AMD - principal rival d'Intel dans les microprocesseurs compatibles X86 où il revendique 9,7 % du marché (en volume) malgré un recul de 20 % de son chiffre d'affaires en 1996 - n'a pas hésité à racheter Nexgen, une start-up californienne spécialisée dans la conception de " clones " hautes performances du Pentium d'Intel. Une opération à laquelle Jerry Sanders, président-fondateur d'AMD et figure mythique de la Silicon Valley, a consacré 630 millions de dollars au début de 1996. Cyrix, une autre start-up fondée par un ancien de Texas Instruments, s'est alliée au géant IBM - qui lui produit ses puces - et a cédé une licence à SGS-Thomson. De leur côté, Motorola et IBM continuent à faire cause commune avec leur Power PC. De nouveaux prétendants pointent le nez de leurs ambitions. Le japonais Mitsubishi Electric et le coréen Samsung Electronics, alliés à l'américain Digital Equipment, annoncent la mise au point d'un processeur 64 bits, fonctionnant sous le système d'exploitation Windows NT. L'effort technologique est habilement complété par une offensive commerciale d'envergure, visant à trouver le soutien de grands clients de la micro-informatique. Compaq a choisi le processeur Cyrix pour ses micro-ordinateurs d'entrée de gamme. Le japonais Fujitsu, le taïwanais Acer, l'allemand Vobis ont retenu le K6 d'AMD pour leurs micro-ordinateurs.
Le bras de fer se joue à grands coups d'investissements
Ces stratégies sont aujourd'hui payantes. Les annonces des challengers se rapprochent de celles du champion. De plus en plus, elles les anticipent avec succès. Début avril, AMD annonçait la commercialisation de son microprocesseur K6 aux performances supérieures à celles du Pentium Pro d'Intel. " Et cela à des prix au moins 25 % inférieurs à ceux pratiqués par notre grand concurrent ", précisait alors Jerry Sanders, qui vise les 30 % du marché des processeurs pour machines de bureau dans trois ans. De son côté, Motorola dispose déjà à son catalogue d'un Power PC fonctionnant à 300 MHz. En juin, Cyrix - associé à IBM - lancera une puce comparable, le M2. Digital Equipment annonce la sortie d'un processeur rival du Pentium Pro destiné aux stations de travail. Un marché où Intel tente justement de s'imposer. Pour ce dernier, la menace se précise. En arrivant simultanément sur le marché, les fabricants de " clones " imposent une pression sur les prix, jusqu'ici inconnue d'Intel. Cette nouvelle donne risque d'être lourde de conséquences, à terme, pour le leader du microprocesseur. Ses substantielles marges bénéficiaires réalisées dans les premiers mois de commercialisation de ses produits seront réduites d'autant. Une stratégie sur laquelle Intel, qui réalise encore plus de 60 % de marge brute, a bâti son succès. Car le bras de fer des industriels du microprocesseur se joue à grands coups d'investissements. Pour développer les technologies. Pour produire des puces par dizaines de millions d'unités au meilleur coût. AMD sait disposer de son usine d'Austin, où il a englouti 1,5 milliard de dollars, pour produire en grande série son microprocesseur K6. Intel, lui, a décidé d'investir 4,5 milliards de dollars en 1997, dont près de la moitié dans des usines dédiées à la production de ses nouvelles générations de puces. A ce jeu coûteux, Intel garde encore une longueur d'avance. Ce qui n'empêche pas les responsables de la firme d'Austin de rechercher, avec la création d'une nouvelle division, des diversifications vers le marché des équipements de réseaux pour micro-ordinateurs.
USINE NOUVELLE N°2594