Pour Emmanuel Macron, protéger les industries énergivores est une question de souveraineté
Devant le groupement des industriels énergivores, Emmanuel Macron réaffirme sa volonté de soutenir la compétitivité de l’industrie lourde en France. En retour, il appelle ces acteurs à s’engager dans la transition numérique et environnementale.
Jeudi 31 mars, l’Uniden (Union des industries utilisatrices d'énergie), qui représente 70% de l'énergie industrielle consommée en France, accueillait un prestigieux invité pour son assemblée générale : le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron. "Comment préparer l’avenir si on abandonne des secteurs électro-intensifs, comme l’acier, à la faveur de pays à moindres contraintes environnementales. Ce serait une erreur fondamentale. Nous construirions notre perte de souveraineté", assure-t-il.
Le ministre fait alors état des mesures générales prises en faveur de l’industrie en général (CICE, suramortissement…) et spécifiques aux énergivores (compensation carbone, baisse de la facture du transport d’électricité…). Mais ces mesures ne suffisent pas, Emmanuel Macron voit deux autres batailles à mener.
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La menace du dumping chinois
Il s'agit d’une part de lutter contre le dumping lié à l’écoulement des surcapacités chinoises, qui risque de mettre l’industrie européenne hors-jeu. "L’Europe est toujours prudente quand il s’agit de parler avec les partenaires chinois, mais il faut aussi se faire respecter", appelle le ministre, qui se rendra à Bruxelles le 11 avril pour faire valoir ce point de vue et envisager des mesures à prendre. D’autre part, il y a la question du coût de l’électricité. "Nous sommes bousculés par des prix de l’électricité tirés vers le bas à cause du gaz de schiste américain et à cause du charbon utilisé par certains voisins européens, en particulier l’Allemagne et la Pologne, ce qui est un choix à court terme", juge Emmanuel Macron.
Mais si le gouvernement est prêt à aider ses électro-intensifs en mal de compétitivité, il les appelle aussi à se transformer. En premier lieu, "il faut investir dans la mue numérique. C’est une fausse idée de pensée que le numérique est une péripétie à subir", juge-t-il. Il se souvient des années 1990 quand la France avait loupé le virage de la robotisation des usines. Aujourd’hui, l’industrie allemande est cinq fois plus robotisée que l’industrie française, l’Italie deux fois plus. C’est un message qu’un acteur comme Solvay partage pleinement. "Il faut sortir de l’image du chimiste avec son bécher et sa cheminée. Le numérique devient une réalité pour maîtriser nos process. Notre recherche de base passe beaucoup par la simulation numérique", assure Pascal Juéry, membre du comité exécutif de Solvay.
De l’innovation à l’industrialisation
En plus de la digitalisation, le ministre appelle à mener de front la transformation environnementale, "afin de préempter les débats en cours plutôt que d’adopter une position défensive" et la transformation de l’économie circulaire, qui est "un élément de compétitivité". Les membres de l’Uniden reconnaissent les bonnes impulsions données par le gouvernement en faveur de leur compétitivité. "Depuis 12 à 18 mois, nous constatons de vraies avancées", constate Thierry Le Hénaff, le PDG d'Arkema.
Mais pour autant, du travail reste à faire. "Il reste à régler la question de l’industrialisation de l’innovation. Aucun produit qui sort de la R&D française n’est fabriqué en France. On ne fait assez attention aujourd’hui aux différences de compétitivité en matière d’industrialisation, qui est beaucoup plus intéressante en Allemagne, aux Etats-Unis et en Chine où il y a des aides à la construction d’usines", assure Thierry Le Henaff. "Je partage ce constat, intervient Pascal Juéry. L’innovation est industrialisée à l’étranger où il y a des conditions plus attractives. Il faut mettre la France à niveau pour attirer les investisseurs. Le risque à terme est que la recherche parte aussi de France".
Ludovic Dupin
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