Pour Airbus, Safran et Dassault, l’avion supersonique n’est pas à l’ordre du jour
Le développement d’un avion supersonique ne suscite pas d’engouement de la part des acteurs aéronautiques en France. Alors que les projets se multiplient aux Etats-Unis, l’Europe est-elle en train de rater la marche ?
Pas de successeur du Concorde en vue à l’horizon, cinquante ans après son premier vol. En Europe tout du moins. Dernier dirigeant en date à en faire officiellement le constat, Eric Trappier, le PDG de Dassault Aviation. Il a profité de la présentation des résultats du groupe jeudi 28 février pour rappeler l’absence de développement possible d’un avion supersonique en Europe. "Depuis le Concorde, les normes ont évolué, a rappelé Eric Trappier. Les normes concernant les émissions de CO2 et les nuisances sonores sont devenues très restrictives. C’est pourquoi il n’existe pas de volonté industrielle de ce côté de l’Atlantique pour développer un avion supersonique." De l’autre côté, en revanche, on s’active…
Aux Etats-Unis, depuis quelques années, une poignée projets d’avions supersoniques ont émergé. Parmi les plus crédibles : celui d’Aerion, une société créée en 2003 et basée à Reno (Nevada), et qui vient de s’associer à Boeing début février. Son avion d’affaires AS2 pourrait atteindre Mach 1,4 (environ 1 700 km/heure), soit 70 % plus vite que les jets d’affaires actuellement en service. Le premier vol pourrait avoir lieu en 2023. Autre prétendant sérieux : Boom, une start-up américaine qui propose un avion supersonique pouvant atteindra Mach 2.2 (environ 2 700 km/h), qui a su séduire Japan Airlines et a réussi une levée de fonds de 100 millions de dollars début 2019.
VOS INDICES
source
Un rêve d'ingénieur
Si en Europe le mur réglementaire semble infranchissable, les Etats-Unis pourraient de leur côté faire bouger les lignes. "Les acteurs lancent des projets aux Etats-Unis et veulent changer les normes environnementales au sein même de l’Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), a précisé Eric Trappier. Nous sommes en train de regarder comment évoluent ces standards." Et alors que le dirigeant observait de loin ces projets il y a peu de temps encore, son regard a changé depuis deux ans, ces projets gagnant selon lui en crédibilité. "Les Américains lancent désormais des démonstrateurs et mettent de l’argent sur la table, via notamment la NASA".
Et de conclure : "l’avion supersonique, nos ingénieurs en rêvent. Mais quel est le modèle économique ?"
Les industriels européens passent-ils à côté d’un nouveau marché aéronautique ? Difficile pour le moment de l'affirmer. Mais il pourrait dépasser le segment de l’aviation d’affaires et concerner l’aviation commerciale. "On en discute avec nos amis d’Airbus pour comprendre ce qui se passe, car si les américains font changer les normes, c’est qu’il se passe quelque chose", a lâché Eric Trappier.
Airbus concentré l'hybride et l'autonomie
La veille, le patron de Safran, Philippe Petitcolin, lors de la présentation des résultats du motoriste, avait été plus explicite encore. "Oui, je regrette qu’il n’y ait pas de projets en Europe, et plus particulièrement en France, a affirmé le directeur général de Safran. Nous participerons peut-être à un projet en dehors de la France, ce n’est pas encore acté, mais nous regardons déjà ce que cela impliquerait dans d’autres métiers, comme les trains d’atterrissage et les nacelles de moteurs." Autre acteur qui semble vouloir se rapprocher de ces projets: l’Office national d'études et de recherches aérospatiales (Onera), qui a signé l'été dernier un accord de collaboration avec la NASA pour tenter de réduire le boom supersonique.
Quant à Airbus, qui aurait en Europe la plus importante force de frappe pour se lancer dans un avion supersonique, le refus de lancer un tel projet est catégorique. La question a été posée aux dirigeants de l’avionneur lors de la présentation de ses résultats, le 14 février dernier. "Le supersonique n’est pas ma priorité", a assuré Tom Enders, le patron, en poste jusqu’au 10 avril prochain. Ce sur quoi a embrayé son successeur, Guillaume Faury : "je ne souhaite pas être distrait par d’autres technologies", en référence aux développements que le groupe privilégie, comme les avions hybrides et l’autonomie des aéronefs. En Europe, la bataille de la vitesse ne semble plus d’actualité. A tort ou à raison.
SUR LE MÊME SUJET
Pour Airbus, Safran et Dassault, l’avion supersonique n’est pas à l’ordre du jour
Tous les champs sont obligatoires
0Commentaire
Réagir