Pollution marine : la nocivité des micro- et nanoplastiques sous le microscope du CNRS

Les plastiques pullulent dans nos océans. Si l’impact des macro-déchets est aujourd’hui bien documenté, les chercheurs se penchent aujourd’hui sur les effets des débris micro- et nanométriques. Ce sujet est au cœur des recherches du Groupement de recherche « Polymères & Océans » du CNRS qui a présenté ses axes de travail à l’occasion d’une conférence de presse le 10 février.

 

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Pollution marine : la nocivité des micro- et nanoplastiques sous le microscope du CNRS

Le chiffre est sidérant : environ cinq mille milliards de microparticules de plastiques flottent à la surface des océans. Ce constat, alarmant, a été dressé par le Groupement de recherche (GDR) « Polymères & Océans » qui a tenu une conférence de presse le 10 février, en parallèle de sa Deuxième rencontre annuelle. Rassemblant des chercheurs de plusieurs horizons - sciences des matériaux, chimie, océanographie, écotoxicologie, et même sociologie – ce GDR a présenté l’état des connaissances actuelles sur la pollution engendrée par les matières plastiques dans les océans, ainsi que les questions qui subsistent quant à leurs impacts sur le milieu.

Inquiétudes sur les nanoplastiques

Sur ce point, les interrogations du monde de la recherche se concentrent sur les effets des micro- et des nanoplastiques sur les écosystèmes marins. Les premiers, d’une taille de quelques micromètres, sont issus de la dégradation des macrodéchets plastiques et se déplacent en suivant les courants marins. Les seconds constituent « une catégorie à part », selon Julien Gigault, chimiste de l’environnement, chargé de recherche CNRS au laboratoire Takuvik, au Canada. « Ces nanoplastiques sont en réalité des éléments chimiques qui vont être relargués par les microplastiques au cours de leur dégradation», explique-t-il « Ils sont présents dans l’ensemble de la colonne d’eau et sont invisibles à l’œil nu. Et surtout, on ne peut pas les enlever : ils font partie du système marin ». Parmi ces composés, on retrouve le plus souvent les additifs, substances intégrées à hauteur de 5% dans les matières plastiques : pigments de colorations, mais également des perturbateurs endocriniens notoires comme les phtalates ou le bisphénol A.

Des véhicules à la pollution ambiante

Qu’ils soient micro ou nano, ces déchets de petite dimension représentent un danger potentiel pour les animaux marins. « Lorsqu’ils sont ingérés par les organismes vivants, trois cas de figure se posent aux chercheurs », met en avant l’écotoxicologue Ika Paul-Pont, chargée de recherche CNRS au laboratoire des sciences de l’environnement marin. « Tout d’abord, il peut y avoir une bio-accumulation des microplastiques dans l’estomac, ce qui réduit la faculté des animaux à se nourrir efficacement. Ensuite, il peut y avoir une translocation du plastique : il traverse les barrières biologiques pour se fixer sur un organe. Cela peut arriver avec les nanoplastiques. Enfin, les microplastiques peuvent juste transiter et être excrétés».

En outre, les microplastiques sont également de très bons véhicules pour les contaminants présents dans le milieu. Selon les chercheurs du GDR, la plupart des plastiques sont de véritables éponges, capables d’adsorber la pollution présente à proximité – comme des hydrocarbures, des métaux, ou des pesticides… Ces contaminants sont ensuite relargués dans les organismes où les conditions de température et de pH favorisent la désorption.

La « plastisphère » sous le microscope

Enfin, des travaux récents ont mis en valeur le rôle des microplastiques dans le déplacement de nombreux micro-organismes à l’échelle du globe. En effet, sur un morceau de microplastique, il est possible de trouver jusqu’à parfois 120 espèces – bactéries, protozoaires, champignon, virus, micro-algues… -, qui ont très vite colonisé le débris. Cette « Plastisphère », baptisée ainsi par les chercheurs par analogie à la biosphère - peut poser un véritable problème : « De tout temps, tout substrat marin a été colonisé par des micro-organismes », pointe Ika Paul-Pont. « Mais contrairement aux débris organiques comme le bois, les algues, les noix de coco.., qui vont finalement être dégradés très rapidement, les microplastiques vont rester pendant des décennies dans les océans. Ils vont avoir la capacité de transporter ces espèces sur des échelles de temps et d’espace considérables »

Beaucoup de questions se posent sur l’introduction d’espèces invasives et nuisibles dans des écosystèmes où elles n’existaient pas avant. Des travaux du GDR sont actuellement en cours pour mieux comprendre l’impact de cette dissémination et évaluer la virulence des maladies pouvant être transportées via ces microplastiques à la fois pour les animaux marins mais aussi pour l’homme.

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