Pollution aux particules fines : c'est le freinage qui pose problème (et une start-up parisienne a la solution)
La région parisienne traverse un nouvel épisode de pollution aux particules fines. Le problème vient-il exclusivement des véhicules diesel ? Pas évident... Electrique, diesel ou essence, tous les véhicules sont équipés de freins, principaux responsables des émissions de particules ! La start-up française Tallano Technologie a mis au point un système de captation des particules émises pendant le freinage des véhicules.
Les évolutions de la norme Euro ont déjà permis de réduire drastiquement la quantité de particules émises par les moteurs. Il est temps de s’intéresser aux autres sources de pollution de nos véhicules. Il est temps aussi de remettre tout à plat pour se concentrer sur ce qui pollue le plus.
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Selon une étude menée en Allemagne par Bosch, les émissions de particules par les moteurs représentent 6,82 kilotonnes par an, l’équivalent des particules rejetées par les cigarettes (6,11 kilotonnes), alors que les particules liées à l’abrasion des freins et des pneus représentent 21,61 kilotonnes par an.
La start-up qui pose les bonnes questions
La start-up Tallano Technologie a modélisé avec précision les phénomènes physiques en jeu lors du freinage. Ses résultats corroborent l’étude de l’équipementier allemand. "Il y a un facteur six entre le nombre de particules rejetées par les pots d’échappement et le nombre de particules rejetées par les freins, estime Christophe Rocca-Serra, Président de l’entreprise qu’il a créée à Paris en septembre 2012. Surtout, ce sont des particules de métaux comme le cuivre qui, lorsqu’elles descendent à des tailles inférieures à 0,1 micron, se révèlent des agents mutagènes extrêmement dangereux pour la santé. Il y a là une vraie question de santé publique que personne ne s'était posée".
Le problème est que ces particules liées au freinage ne peuvent pas être éliminées à la source : c’est leur présence entre le disque et la plaquette qui assure le phénomène de friction et stoppe le véhicule. Et puis les plaquettes ont encore une longue carrière devant elles, car même les véhicules électriques auront toujours besoin de freins à disques (les freins électriques peuvent servir à ralentir la voiture, non à l’arrêter).
Une turbine miniaturisée
Christophe Rocca-Serra et son équipe d’ingénieurs se sont penchés sur la question, et ont mis au point le premier système de récupération des particules de plaquettes de freins. "Nous avons réinventé l’aspirateur", s’amuse Christophe Rocca-Serra. Car il s'agit d'un aspirateur ultrasophistiqué. Miniaturisé à l’extrême pour prendre place sur l’étrier de frein, il comporte une turbine entraînée par le disque, et deux buses placées de part et d’autres du disque qui aspirent les particules émises par les plaquettes.
Les particules seront stockées dans un filtre qui sera remplacé par le garagiste lors de l’entretien périodique du véhicule. La turbine, elle, doit tenir toute la durée de vie de la voiture. "Un gros travail de simulation et d’optimisation a été fait pour que la turbine résiste aux contraintes de températures, d’encombrement, de vibrations et de durée de vie que l’on retrouve dans les secteurs automobiles et ferroviaires', commente Pierrick Merel, ingénieur commercial chez Keonys, distributeur des solutions Dassault Systèmes utilisées par Tallano Technologie.
En étant le premier à lancer sur le marché une solution efficace et fiable pour la captation des particules de freinage, Christophe Rocca-Serra compte bien imposer sa turbine baptisée Tamic comme standard pour toute l’industrie automobile. 'Sur ce secteur, lorsqu’une innovation répond à un vrai besoin, elle a de fortes chances de devenir un standard, comme ce fut le cas pour l’ABS, pour les pots catalytiques ou pour les balais d’essuie-glace : les premiers à se lancer se sont imposés", note le Président de la start-up parisienne de quatre salariés.
Un modèle basé sur les royalties
Tallano Technologies n’a pas vocation à produire elle-même les turbines. En revanche, en tant que société d’ingénierie détenant les brevets de la technologie, elle travaillera à adapter le produit aux caractéristiques de chaque véhicule et touchera des royalties sur les turbines fabriquées par les constructeurs ou les équipementiers. L’entreprise a déjà été approchée par de nombreux constructeurs, et la technologie est en cours d’évaluation chez quatre d’entre eux. "Les premiers contrats ont déjà été signés", confie Christophe Rocca-Serra. La technologie pourrait arriver sur nos routes dès 2016, en commençant par des véhicules haut de gamme. Leurs constructeurs pourront mettre en avant un caractère “propre” à plus d’un titre : de par leur aspect écologique, mais aussi car l’utilisateur n’aura plus à nettoyer ses jantes aussi souvent (les particules ont comme effet secondaire le noircissement les jantes).
Et après l’automobile, toute l’industrie ? Tallano Technologies a dimensionné sa turbine et déposé des brevets de manière à couvrir toutes les applications du frein à disque, en particulier le ferroviaire et l’aéronautique.
Frédéric Parisot
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