Politique de santé : Le G5 santé souhaite peser sur le quinquennat

Les 6es rencontres du G5 ont mis l'innovation et les relations entre État et industries de santé sur le devant de la scène. Constatant le recul des investissements dans le secteur pharmaceutique, le « think tank » a formulé plusieurs propositions et appelé à des réformes pour soutenir la production en France. Récit d'une journée riche en réflexions.

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« Nous devons reconnaître que les premières mesures prises par les pouvoirs publics sont en contradiction avec leur affirmation du caractère stratégique de l'industrie française de santé ». C'est le constat réalisé par Marc de Garidel, président du G5 et président d'Ipsen, au cours des 6es rencontres du G5 qui se sont tenues le 18 octobre, à Paris. « Nous regrettons que toujours plus d'efforts financiers soient demandés aux entreprises de santé, au risque de les dissuader d'investir, alors que seules les réformes profondes de structure permettront de résoudre l'équation budgétaire publique », insiste Marc de Garidel qui a présenté, à cette occasion, les ambitions du G5 pour ces 5 prochaines années. Des propositions qui s'articulent autour de grands chantiers : soutenir l'exportation, réformer la gouvernance du système de santé, redresser la production et relancer la R&D.

Le prix des médicaments comme levier de croissance

Au coeur des revendications du G5 : le prix des médicaments, estimé comme trop souvent orienté à la baisse. Le think-tank a tenu à rappeler les conséquences d'une baisse des prix sur l'ensemble de l'industrie, de la production aux exportations. Dans le viseur, l'application de l'article 18 de l'accord cadre État/Industrie de 2016 qui permet d'inciter à investir en France et dans l'UE. Cet article prévoit de prendre en compte la dimension industrielle (recherche, développement, production, création d'emplois) dans la fixation des prix. Le G5 déplore que, dans les faits, cet article ne soit quasiment pas appliqué, avec pour conséquence un effet négatif sur les prix et sur le soutien de la production industrielle. Une baisse des prix, en France, se répercute en effet mécaniquement sur le prix des produits exportés, plombant les résultats des entreprises présentes à l'international. Les industriels plaident ainsi pour une politique de prix dit « faciale » pour les produits de santé largement exportés depuis la France, tout en prévoyant des remises sur les ventes France, destinées à garantir une stabilité pour l'Assurance Maladie. Jean-Patrick Sales, vice-président du CEPS, a cependant souligné : « La remise va être une façon de concilier les deux impératifs, mais elles sont de plus en plus critiquées. La Cour des comptes trouve que nous y avons trop souvent recours ». Toujours au sujet du CEPS, l'évolution de sa gouvernance a également été abordée. Les industriels du G5 militent pour que le CEPS soit rattaché directement au Premier ministre pour que l'impact économique global du prix des médicaments soit mieux considéré. Selon le G5, revoir la politique sur le prix permettrait de soutenir de manière durable la production de médicaments en France et de booster les investissements, notamment sur la bioproduction.

L'exemple irlandais sur la bioproduction

« Les investissements industriels dans le biologique ne sont pas favorables, la part de production française dans le biologique n'est pas conséquente », constate, amer, Philippe Luscan, vice-président exécutif des affaires industrielles globales de Sanofi. Face à ce bilan, la politique volontariste de l'Irlande a été présentée. Le pays a en effet impulsé une transition exemplaire de sa production. Sur 26 000 salariés dans l'industrie pharmaceutique, 6 000 travaillent déjà dans la bioproduction, l'objectif est d'atteindre 14 000 employés d'ici 3 ans. Pour réaliser cette évolution, l'Irlande s'est dotée d'un organisme innovant : le NIBRT, National institute for bioprocessing research and training. Cet institut, basé à Dublin et qui a nécessité 60 millions d'investissement, est issu d'un partenariat public-privé. Il est le fruit d'une réflexion de l'État irlandais, qui remonte au début des années 2000, sur la nécessité d'investir dans le développement de la bioproduction. Depuis 2011, le NIBRT met ainsi à disposition des industriels des ressources en termes d'espaces de formation, dont une ligne pilote de bioproduction. Son objectif est ainsi d'accompagner les investissements dans le secteur en proposant aux industriels une offre complète et centralisée, allant de la formation au recrutement, en passant par l'aide à l'« up-scaling ». Dominic Carolan, p-dg du NIBRT, a souligné les points d'attention sur ce genre de projet : « Il faut que ce soit un engagement industriel et académique, un partenariat, dès le départ. Il faut également prendre en compte les coûts importants au lancement de l'institut avant d'arriver à un point d'équilibre. Il faut enfin réaliser que la formation doit être continue, sur plusieurs années, et veiller à proposer des équipements toujours à la pointe ». Un cas d'école qui pourrait inspirer les industriels français pour centraliser les objectifs et les moyens de formation consacrés à la bioproduction. L'ensemble des acteurs présents soulignait par ailleurs à quel point les biotechnologies constituaient un levier majeur pour attirer les jeunes talents vers l'industrie pharmaceutique.

Ouvrir le débat sur les données de santé

Le G5 a enfin insisté sur le besoin de relancer la R&D. S'appuyant pour étayer son constat sur le nombre d'essais cliniques en France qui est passé, entre 2008 et 2016, de 42 % des essais réalisés en Europe à seulement 20 %. Les industriels ont ainsi plaidé pour un renforcement de la collaboration entre acteurs publics et privés pour soutenir la recherche. Un souhait partagé par Frédérique Vidal, ministre en charge de la Recherche et de l'Innovation, qui a rappelé, lors de son intervention : « Il nous faut poursuivre nos efforts communs de recherche et de développement avec l'objectif d'atteindre 3 % du PIB. Il faut que nous prenions ensemble des mesures pour amorcer le virage et faire place à des sciences comme l'informatique ou les mathématiques pour l'exploitation des données ». La question des données est ainsi revenue souvent au cours des 4 tables rondes qui ont rythmé ces 6es rencontres. Le mathématicien Cédric Villani, médaille Fields 2010 et en charge pour le gouvernement d'une mission sur l'intelligence artificielle, a ainsi cité un exemple entendu au cours d'une de ses auditions : « Une start-up de diagnostic automatique avait dû, pour se développer, récupérer des électrocardiogrammes aux États Unis et en Chine. Ils ont utilisé 200 000 ECG pour développer leur modèle, mais ils ont commencé sans données françaises car elles étaient impossibles à récupérer. ». Il a ainsi illustré la question cruciale autour des données de santé : comment garantir la protection de la vie privée tout en ne passant pas à côté des potentiels progrès issus de leur exploitation. Le mathématicien et député de l'Essonne a souligné l'importance d'apporter ce débat sur la place publique au cours de la révision de la loi de Bioéthique, dont les états généraux débuteront au premier semestre 2018. Un constat sur lequel a abondé André Syrota, co-auteur du rapport sur la médecine du futur, qui a plaidé pour une plus grande liberté sur le sujet : « Il faut donner la possibilité à nos leaders mondiaux d'intervenir sur ces domaines en France. Il paraît judicieux que les données acquises dans le pays soient exploitées dans le pays ».

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