PLM : Autodesk à la pointe du BIM

Le marché de la construction a toujours été l’un des domaines de prédilection de l’éditeur. Je viens de rencontrer Nicolas Mangon, responsable de la stratégie de ce secteur, qui m’a expliqué comment le Building Information Modeling, promu par Autodesk, faisait son trou sur le marché.

 

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PLM : Autodesk à la pointe du BIM
Disposer d'une maquette numérique pour étudier et construire le bâtiment, mais aussi l'exploiter et le maintenir

« Le marché de l’AEC (Architecture, Engineering & Construction) représente environ 30 % du chiffre d’affaires global d’Autodesk (ndlr : 1 952 M$ en 2010) avec des produits verticaux tels Revit ou Civil 3D et cette part grimpe à plus de 50 % si on ajoute les ventes de produits génériques tel Autocad, faites dans ce milieu », estime Nicolas Mangon, tout nouveau responsable stratégie et marketing AEC de l’éditeur, de passage à Paris cette semaine.

Il faut dire qu’à l’origine Autocad a été en grande partie créé pour répondre au besoin de dessin du monde du bâtiment et y est devenu très rapidement la référence. Un marché qui est resté très longtemps attaché au 2D, non pas par manque d’ambitions, mais à cause des disparités très importantes existant d’un pays à l’autre qui n’ont pas favorisé l’émergence d’outils 3D, à cause d’une multitude de marchés à taille limitée.

De plus, le plan papier restera longtemps incontournable sur les chantiers, tant il est facile à trimballer en haut d’un échafaudage, à griffonner pour expliquer des modifications et résistant aux agressions extérieures, choses avec lesquelles les appareils nomades ont du mal à rivaliser, sans parler du coût en cas de destruction accidentelle.

Bien que le secteur du BTP soit en convalescence après le trou d’air de 2009, Revit à connu en 2011 sa plus belle année et sa plus forte croissance depuis 10 ans. « Le Building Information Modeling (BIM) ou maquette numérique, commence à se déployer de façon massive, ce qui dope nos ventes. Un déploiement qui fait suite à la période de crise durant laquelle beaucoup de grandes entreprises ont mis à profit cette sous-charge passagère de leurs bureaux d’études pour revoir leurs processus de travail. Nous avons par exemple mené beaucoup de recherches en France autour du BIM avec le groupe Bouygues ». Ainsi, alors que chez Autodesk le marché global de l’AEC n’a connu ‘‘qu’une’’ croissance de 13 à 14 %, le marché lié au BIM (Revit) est en croissance de 25 %.

Un marché perfectionniste

Reste que tous les pays ne sont pas égaux devant ce déploiement. « Il est intéressant de noter que contrairement à d’autres pays, l’industrie de la construction est très sophistiquée en France, avec quelques grands groupes très avancés technologiquement qui définissent comment doit travailler l’ensemble de la filière. Ces groupes ont des standards d’attentes très haut. Il faut donc que les outils soient parfaits avant de déployer massivement, alors que les anglo-saxons sont plus pragmatiques et se lancent sans attendre avec ce qui fonctionne déjà, si ca leur fait globalement gagner de l’argent. La France est un marché perfectionniste, tout comme le Japon d’ailleurs ».

Donc suivant les projets et les contractants, le déploiement du BIM ne recouvre pas la même chose. « Ainsi, pour le futur Philharmonic Hall de Paris, Bouygues utilise une approche BIM dans deux département très différents, pour la production des dessins et pour la mise au point des méthodes du chantier. A l’opposé, pour un projet qui sera réalisé au Quatar, l’architecture a été faite en France, la structure aux Philippines et les corps d’états à Singapour, avec beaucoup de travail collaboratif entre. Dans le projet de la piscine olympique des jeux de Londres, seule la structure a été faite avec Revit. L’utilisation du BIM est donc souvent très fragmentaire ».

Des déploiements qui dépendent aussi de la stratégie mise en place pour le projet. Dans certains cas seul l’avant-projet sera réalisé dans une approche BIM, pour ‘‘impressionner’’ favorablement le maitre d’ouvrage. Dans d’autres cas, ce sera seulement la construction. « Effectivement, bien peu de projets encore utilisent une démarche globale BIM. C’est par exemple le cas pour la Shanghai Tower (632 m - 4e plus haut bâtiment du monde) dont les phases études et construction ont été réalisées dans une approche BIM avec Revit, et pour laquelle le maître d’ouvrage veut utiliser la maquette numérique qui sera livrée avec le projet pour en assurer la maintenance et la gestion dans le temps ».

Etre en phase avec le marché

Globalement le marché de l’architecture est, de loin, le plus mature pour l’utilisation du BIM, suivit par le marché de l’ingénierie (structure) et celui de la construction qui commence à démarrer fortement. Reste maintenant à Autodesk à développer son offre dans la domaine Opérations & Maintenance. « Nous y travaillons et allons annoncer des choses prochainement dans ce domaine », rassure Nicolas Mangon.

Une fois encore Autodesk arrivera avec un produit sur le marché, juste au moment où celui-ci sera prêt à l’accepter. Il faut dire que l’enjeu est énorme car sur une période de 20 ans, la maintenance d’un bâtiment technique (hôpital…) correspond à 80 % du coût de construction. Il est donc important de pouvoir réutiliser directement les informations de construction dans les phases de maintenance pour en réduire les coûts.

Une logique que les Etats ont eux aussi bien compris. « Aux USA, le Public Buildings Service (PBS) de la General Services Administration (GSA), qui est le plus gros propriétaire d’immeubles, demande déjà à ce que tous les projets qu’il fait réaliser utilisent une approche BIM. Il en sera de même à Singapour en 2014 et en Grande-Bretagne en 2016. Une approche qui devait aussi être imposée dans cadre du plan quinquennal lancé en Chine l’an dernier ».

L’objectif est d’augmenter la productivité de la filière construction dans ces pays, ainsi que la qualité des projets. Ainsi à Singapour, il est obligatoire de fournir une maquette numérique lors du dépôt d’une demande de permis de construire et c’est cette maquette qui est évaluée par les outils des autorités de tutelle, le Building & Construction Authority (BCA), qui délivrent ou non le permis.

Certains grands maitres d’ouvrages privés imposent aussi l’utilisation du BIM pour leurs projets. « C’est par exemple le cas de la chaine de café Starbuck, qui va même plus loin en imposant l’usage de Revit. C’est aussi le cas pour une cinquantaine d’Universités et de complexes hospitaliers aux USA ».

Des efforts pour promouvoir le BIM

Afin de promouvoir encore plus l’approche BIM auprès de ceux qui pensent que c’est trop compliqué et trop cher, Autodesk va lancer une version Revit LT, qui sera livrée en même temps qu’Autocad LT pour 200 € de plus, soit un investissement total de 1 500 €. « Nous avons plus d’un million de licences légales d’Autocad LT dans l’AEC dans le monde auxquelles nous allons proposer une évolution et ce bundle ». Pour mémoire, une licence de Revit vaut environ 6 500 €. « Pour ceux qui ont des besoins complexes mais ponctuels, nous allons aussi proposer dans le courant de l’année un système de location mensuelle pour 200 € par mois d’un Revit complet ou 40 € par mois pour Revit LT ».

Une offre éducation autour du BIM est entrain de se mettre en place en France avec accès gratuit aux produits tels Revit, ainsi que des supports de cours pour les professeurs. « Nous étudions aussi la possibilité d’aller former nous même directement les élèves dans les écoles ».

Autodesk a également présenté le projet Vasari, outil de modélisation conceptuelle et d'analyse énergétique, facile d'utilisation et basé sur la plate-forme Revit. Il est dès à présent disponible en ‘‘technology preview’’ sur Autodesk Labs. L’objectif étant de familiariser les étudiants avec les concepts de modélisation paramétrique en occultant tout le côté 2D, très rébarbatif pour la ‘‘Génération Y’’.

La mort du plan ?

Cela signifie-t-il la disparition à terme des plans dans le bâtiment ? A horizon 10 ans peut-être. Encore faudra-t-il faire remonter les informations de terrains constatant des modifications vers la maquette numérique si l’on veut qu’elle reste à jour et parfaitement exploitable. « On constate que la démarche est entrain de s’initialiser dans certains grands groupes, qui scanne en 3D leurs réalisations pour mettre à jour leurs maquettes numériques, avec des outils de recollement automatique. Mais ce n’est pas qu’un problème de technologies, d’autant que les prix des matériels chute fortement, c’est avant tout un problème de mentalité et de formation ».

Des approches qui sont aussi utilisées pour des projets spéciaux comme le chantier de Fukushima confié à l’entreprise japonaise Shimizu. Des employés scannent les restes de la centrale et traitent à l’aide de Revit les nuages de points pour créer dans Revit un modèle 3D des ruines et planifier les opérations de déconstruction.

Le marché du BIM reste concurrentiel même si Autodesk n’estime pas avoir de concurrent global. « Nous retrouvons des acteurs locaux ou sur certaines niches comme ArchiCad, Trimble, qui avance à marche forcée via des acquisitions (Strucad, Tekla, Plancal, Acuvit…), Graitec qui vient de se lancer dans le BIM en France, ou Nemetchek en Allemagne. Nous avons aussi de 500 à 600 partenaires qui se servent de Revit comme plate-forme pour leurs applicatifs métiers ».

Autre voie de développement le Cloud Computing. « Il y a un mouvement important pour proposer du service en Cloud Computing. Nous proposons déjà des outils de calcul énergétique et de structure. Nous venons de faire l’acquisition en décembre de la société Horizontal Glue, qui propose des outils de travail collaboratif et de visualisation adaptés au BIM fonctionnant en mode Cloud. L’objectif étant à terme de proposer à nos clients de multiples services en mode Cloud : stockage ; calcul ; rendu réaliste ; détection de collisions ; estimation de coûts ; etc. Le tout étant déductible en fonction de l’utilisation, d’un forfait de points acheté. On peut ainsi utiliser Robobat en mode Cloud sur Autodesk Lab, et à terme on peut même envisager d’utiliser Revit comme cela dans quelques mois ».

« On pourra toujours tout faire avec nos produits en desktop, mais il y aura des avantages en terme de performances à passer en Cloud… ». Le business model d’Autodesk va donc fondamentalement évoluer. « C’est l’un des mandats de mon nouveau poste », conclut Nicolas Mangon.

A suivre donc.

A la semaine prochaine

Pour en savoir plus : http://www.autodesk.fr

Jean-François Prevéraud, journaliste à Industrie & Technologies et l’Usine Nouvelle, suit depuis plus de 30 ans l’informatique industrielle et plus particulièrement les applications destinées au monde de la conception (CFAO, GDT, Calcul/Simulation, PLM…). Il a été à l’origine de la lettre bimensuelle Systèmes d’Informations Technologiques, qui a été intégrée à cette lettre Web hebdomadaire, dont il est maintenant le rédacteur en chef.

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