PicSat, un nanosatellite made in France pour observer l'exoplanète Beta Pictoris b
En orbite autour de la Terre, PicSat va observer en continu le transit de l'exoplanète Beta Pictoris b devant son étoile. Conçu et construit en trois ans par des équipes du CNRS et de l'Observatoire de Paris, ce nanosatellite est basé sur des modules CubeSat et muni d'un télescope. Depuis l'espace, l'observation est affranchie des cycles jour-nuit, des effets de la météo, et des perturbations de l'atmosphère.
Le départ est prévu le 12 janvier 2018, à 4h58 (heure française). Lors d’une retransmission en direct, le nanosatellite PicSat décollera à bord d’un lanceur indien pour se placer en orbite autour de la Terre à 505 km d’altitude. Il s’agit du premier satellite entièrement conçu et intégré dans les murs de l’Observatoire de Paris. En collaboration avec le CNRS, ces travaux n’ont duré que trois ans. Muni d’un télescope de 5 cm de diamètre, PicSat est construit à partir de trois modules cubiques CubeSat. « Ces modules standards disponibles sur étagère permettent d’aller vite dans le développement, relève Vincent Lapeyrere, chef de projet PicSat et ingénieur de recherche au CNRS. De plus, nous nous sommes autorisés à prendre plus de risques par rapport à des missions spatiales qui impliquent d’ordinaire de plus gros satellites et instruments. »
Un rendez-vous à ne pas manquer
Le temps était compté. L’objectif de PicSat est d’observer le transit de l’exoplanète Beta Pictoris b devant son étoile : Beta Pictoris. La baisse de luminosité en provenance de l’astre brillant lors du passage de la planète permet de déduire la taille de celle-ci. Or, cet évènement de quelques heures ne se produit qu’une fois tous les 18 ans. Déjà observée grâce à une méthode d’imagerie directe en 2003 et 2009 (photo ci-dessous), la planète poursuit sa rotation et passera devant son étoile l’été prochain. Connue grâce à la forme de son orbite, sa masse est estimée à sept fois celle de Jupiter. « Mais sa dimension reste inconnue, précise Vincent Lapeyrere. La déterminer permettra d’en déduire sa densité et sa composition. »
Observer le transit d’une exoplanète devant son étoile ne nécessite pas un énorme télescope. Encore moins lorsque l’étoile est brillante, comme c’est le cas pour Beta Pictoris. Un télescope amateur suffit, et certains détectent déjà des exoplanètes depuis la Terre. « Il faut néanmoins être capable d’observer le transit en continu », précise M. Lapeyrere. Problème : sur Terre, ces observations ne peuvent se faire que de nuit, sans nuage, et sont perturbées par l’atmosphère. Pour s’affranchir de ces effets et des cycles jour-nuit, PicSat place le télescope dans l’espace.
Travail d’équipe
Pour améliorer la réception des données transmises par le satellite, les chercheurs font également appel à la communauté des radioamateurs du monde entier. Située à Meudon (92), la station du laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique (Lesia) qui exploitera le satellite ne pourra en effet l’observer que pendant un temps limité à chaque fois qu’il passera dans le ciel : environ quatre fois par jour pendant une dizaine de minutes. Mais pour communiquer, il utilise les mêmes fréquences que les radioamateurs. Les personnes intéressées peuvent donc s’inscrire en ligne si elles souhaitent aider à la collecte de données. « L’idée est d’utiliser des antennes ailleurs dans le monde, relève M. Lapeyrere. Celles situées en région parisienne seront d’une aide limitée, même si leur contribution est toujours bonne à prendre. » En effet, le chef du projet indique que les transmissions ne sont pas toujours fiables et qu'il peut arriver que des données soient perdues.
Une fois que le début du transit ou tout autre phénomène sera observé par le satellite, le télescope de l’Observatoire européen austral (ESO) situé à la Silla, au Chili, s’activera. Il offrira des mesures complémentaires, notamment grâce à son instrument Harps. Ce spectrographe observera les différentes raies d’émissions de lumière en provenance de l’étoile. « C’est intéressant dans le cas du passage d’une comète par exemple, pour déterminer la composition de sa trainée, assure M. Lapeyrere. Nous ne savons pas trop ce que nous allons voir autour de cette étoile. Nous savons qu’il y a une planète, mais il peut y avoir autre chose… » Beta Pictoris est en effet entourée d'un disque de poussières, de gaz et de débris rocheux qui pourrait réserver bien des surprises.